vendredi 3 mai 2024

Fred Uhlman, humaniste, écrivain, peintre et avocat germano-gallois d'origine juive

 

Fred Uhlman est né le 19 janvier 1901 à Stuttgart et est mort à Londres le 11 avril 1985.

C'est un écrivain et un peintre germano-gallois d'origine juive.

Fred Uhlman
 

Inscrit en 1920 à la Faculté dentaire de Freiburg-im-Breisgau, il change d'orientation au bout d'un an  et se consacre au droit à Stuttgart afin de devenir avocat, "en vue de remédier aux dérives juridiques que connait son pays après la Première Guerre Mondiale".

Mais, étant d'origine juive, il doit quitter  l'Allemagne en 1933 pour fuir le nazisme.

 "J'ai grandi dans un pays que j'aimais passionnément,  C'était très beau, le Rhin, la Forêt Noire, le Neckar, les vieux monastères. Pour moi, perdre cette Allemagne que j'adorais a été un choc terrible, inimaginable. Un choc terrible, bien avant Auschwitz".

 Il fréquentera à Paris les milieux artistiques. Paris sera le catalyseur de sa vocation de peintre.





 

Quand il retourna à Stuttgart quinze ans plus tard, la moitié de sa ville était en ruine et toute sa famille avait été exterminée.

En 1936, il fait un séjour en Espagne, où il rencontre sa future femme, mais la Guerre d'Espagne le contraint à nouveau à quitter le pays pour le Royaume-Uni.






 

En septembre 1938, il y crée le "Comité des artistes réfugiés", pour les réfugiés et combattants d'Espagne, mais en juin 1940, il est emprisonné dans l'Ile de Man par les britanniques, car d'origine allemande.

Là, les internés pouvaient peindre, écouter des conférences, jouer aux cartes,...

Fred Uhlman au "Hutchinson Internment Camp" en 1940

Fred Uhlman est libéré, naturalisé britannique et devient peintre à temps plein.

Lors de son exil au Royaume-Uni, il tombe amoureux des étendues montagneuses du Pays de Galles, où son âme troublée a fini par trouver écho  et apaisement.




 

Le Pays de Galles et ses montagnes d'ardoise est devenu l'autre patrie de Fred Uhlman, dont il a su rendre dans ses tableaux l'atmosphère si particulière.

 

Il y a Fred Uhlman peintre, mais aussi Fred  Uhlman écrivain.

En 1960, il raconte dans "Il fait beau à Paris aujourd'hui", les aventures qui l'ont amené à devoir fuir son pays et se réfugier au Royaume-Uni : il nous fait part de ses secrets et de ses angoisses.

Ce livre est publié à Paris en 1985

 En 1971, il publie "L'Ami retrouvé", un véritable petit chef-d'oeuvre, une autobiographie romancée, traduite en de nombreuses langues.

 

 En effet, de nombreux points communs existent entre Uhlman et un personnage du roman, Hans Schwarz : Uhlman y relate les tourments d'un adolescent juif lors de la montée du nazisme et son amitié avec un jeune aristocrate de son âge, héritier d'une des plus grandes familles du Wurtemberg, le Comte Conrad von Hohenfels.

Au Gymnasium, Fred Uhlman était en effet le condisciple de Stauffenberg, qui sera exécuté après l'attentat de juillet 1944 contre Hitler.

Buste de Stauffenberg, Musée d'Histoire à Berlin

Il publie ensuite "La Lettre de Conrad", dans laquelle Hans reçoit une lettre de son ami expliquant pourquoi il a participé à un complot contre Hitler.


Dans "Sous la lune et les étoiles", paru en 1984, un an avant sa mort, il traite de façon à la fois poétique et rude de la question de la solitude.


Fred Uhlman est un auteur et un artiste assez peu connu, qui a côtoyé la barbarie à l'état pur, et qui, au milieu de ses épreuves, a aimé la vie et nous aura partagé un remarquable humanisme.

Il nous laisse le bouleversant écho d'une génération martyre.

Voir ici un article du Monde de 1985.

Voir ici une video d'ARTE (disponible en replay jusqu'au 11/04/2025) consacrée à la relation passionnelle de Fred Uhlman avec le Pays de Galles, sa seconde patrie.


mercredi 1 mai 2024

A Bâle, au Kunstmuseum : "Made in Japan", estampes de Hiroshige, Kunisada et Hokusai

 

Le Cabinet des Arts Graphiques du Kunstmuseum de Bâle possède une collection prestigieuse d'estampes japonaises en couleur des XVIII° et XIX° siècles, exposées actuellement pour la première fois, et jusqu'au 21 juillet 2024.

 La majeure partie provient de la collection du Dr Carl Mettler (1877-1942) : le chimiste bâlois légua au Musée sa collection, constituée depuis les années 1920.

Cette très belle exposition s'articule autour des deux grands thèmes de l'estampe japonaise : la représentation des paysages et de la figure humaine.

L'histoire culturelle et sociale du Japon se reflète dans ces splendides estampes polychromes qui, bien qu'étant généralement produites en grand nombre, étaient imprimées avec un grand raffinement.

Nous avons pu admirer lors de la visite de cette exposition les œuvres de Utagawa Hiroshige (1797-1858), Katsushika Hokusai (1760-1849) et Utagawa Kunisada (1786-1865).


L'importance de Utagawa Hiroshige repose sur sa maîtrise du genre représentant le paysage. Voir ici.

Portrait d'Hiroshige peint par Utagawa Kunisada

Son oeuvre, en particulier sa dernière série d'estampes, les célèbres 100 vues d'Edo (ici) fut accueillie avec enthousiasme par des artistes occidentaux comme Vincent van Gogh et Claude Monet.






Voir un autre aperçu de ses œuvres dans cette vidéo : ici.


Katsushika Hokusai est considéré comme l'un des véritables génies créatifs de l'époque d'Edo, ou période Tokugawa, 1603-1868, (ici).

Katsushika Hokusai
 

Au cours de sa longue et prolifique vie, il créa un nombre impressionnant de plus de trente mille dessins, parmi lesquels se distinguent les 36 vues du Mont Fuji.

On l'appelle aussi "le vieillard fou de dessin", "l'homme de la vague" et "le père des mangas".







"Tsunami", l'estampe qui l'a rendu célèbre


Hokusai a été une des figures influentes de l'art dans le monde entier et ses œuvres ont été accueillies très  tôt en Europe par l'avant-garde de la fin du XIX° siècle.

Voir une vidéo ici.

Voir ici le trailer du beau film réalisé en 2020 par Hajime Hashimoto,  consacré à Hokusai.


Utagawa Kunisada était un disciple d'Utagawa Toyokuni I, et se spécialisa dans la conception d'estampes représentant des personnages. Il s'appela aussi Utagawa Toyokuni III.Voir ici.

Il représentait aussi bien des motifs de Kabuki (yakusha-e) que des représentations de belles femmes (bijinga).

Il aurait réalisé plus de dix mille œuvres.







Le Cabinet des Arts graphiques de Bâle compte 350 œuvres de ces trois artistes.

Pour certaines xylographies, qui firent à l'origine l'objet de tirages abondants, il ne reste plus que quelques exemplaires dans le monde entier, et il faut venir à Bâle pour les admirer.

La splendide exposition "Made in Japan" du Kunstmuseum de Bâle offre l'occasion de se replonger dans une forme d'art prétendument connue et de découvrir une collection d'estampes exceptionnelle.

Courez-y vite !

Voir ici la vidéo de présentation de cette exposition (en allemand et anglais).

 

Paul Auster, l'écrivain qui "avait New York dans la peau" est mort

 

J'ai appris cette triste nouvelle ce matin, alors que je venais de terminer hier soir son dernier roman : "Baumgartner", qui m'a passionné. Voir ici.

Paul Auster (3 février 1947 - 30 avril 2024)    

Paul Auster a vécu plus de quarante ans dans le quartier de Brooklyn, à New-York. Ici.

Paul Auster racontait, dans "La Grande Librairie", en 2016 : "Densité, immensité, complexité. C'était ça l'attrait de New-York. Quand on a cette ville dans la peau, le reste de l"Amérique a l'air paumé".

"Paul Auster était un homme immense, avec une pensée tellement intelligente et imagée, s'est émue Fraçoise Nyssen, l'une de ses amies, et dirigeante des éditions Actes Sud, qui ont publié les traductions de l'oeuvre de l'écrivain en français: ici .


"Baumgartner" évoque les inexorables dégâts de la vieillesse et l'appel au secours des souvenirs.

Son épouse, Siri Hustvedt présentait  "Baumgartner" avec ces mots : "C'est un petit livre tendre et miraculeux".

Paul Auster et Siri Hustvedt
 

Sy Baumgartner, professeur de philosophie à Princeton, veuf solitaire de soixante-dix ans entame un voyage dans le grand palais de la mémoire.

Ses pensées, lentement, partent à la dérive "vers le passé, le passé distant que l'on distingue à peine, vacillant à l'extrémité la plus lointaine de la mémoire, et, par fragments lilliputiens, tout lui revient".

Se dessine, dans ce beau roman, une étude sensible, profonde et fouillée sur l'attachement et les méandres du deuil de l'être aimé".

"Baumgartner" est un roman traversé par les forces de l'amour et de la perte, étonnamment lumineux".