vendredi 19 octobre 2018

A Milan : le Duomo, une pure merveille


Nous étions en visite dans le nord de l'Italie (Piémont et Lombardie) en juillet dernier, et nous nous sommes posés pour une bonne semaine à Milan.

Notre première visite, toutes affaires cessantes, fut pour le Duomo : une pure merveille!

Des billets coupe-file nous ont permis d'aborder ce chef d'oeuvre intégral dans les meilleures conditions, en commençant par les splendides terrasses.

La façade seule témoigne
de la complexité du Duomo
avec ses sédimentations de siècles d'architecture

Le Duomo di Milano, construit en 1386, (Cathédrale de la Nativité de la Sainte-Vierge) est la troisième plus grande église du monde, et la deuxième plus grande cathédrale gothique, après la Basilique Saint-Pierre à Rome, et la Cathédrale Notre Dame du Siège de Séville.



A l'endroit où se dresse le Duomo, se trouvait la Cathédrale Santa Maria Maggiore, construite au V° siècle, où fut baptisé Saint-Augustin, et la Basilique Santa Tecla.

Elles furent détruites en partie par un incendie en 1075.

En 1386, le Seigneur de la ville, Jean Galeas Visconti, prend le contrôle des travaux, et opte pour un projet ambitieux, une construction en marbre de Candoglia (Dans le Val d'Ossola, au Piémont : ici), adoptant le style gothique international :ici.

Jean Galeas Visconti
Duc de Milan
1351-1402

Ce marbre de Candoglia présente des variations chromatiques du plus bel effet .

La visite commence donc par les terrasses du Duomo, où notre regard ne sait plus où se poser:  nous allons d'étonnement en étonnement...



Pour diriger le chantier du Duomo ont été appelés des architectes français et allemands, qui rencontrent tout de suite une forte hostilité de la part des maîtres lombards, accoutumés à d'autres méthodes de travail : ils restent donc peu de temps.




L'édifice se construit dans un climat de tension, dû aux nombreuses modifications, qui donneront tout de même une oeuvre complètement originale, tant dans le paysage italien qu'européen de l'époque.



Du XIV° au XIX° siècles, la construction continuera et des améliorations de styles différents seront apportées à l'édifice.

Le Duomo en 1832
avec les ateliers du chantier

En 1805, sur la demande insistante de Napoléon I°, Giuseppe Zanoia prend en charge le déroulement des travaux afin de terminer la façade pour le couronnement de Napoléon en tant que roi d'Italie, mais le projet ne sera achevé qu'en 1813.


Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, le Duomo subit des dommages collatéraux et après la guerre, l'édifice est restauré.

Un tank allemand sur la place du Duomo

Dans les années 1960, la pollution atmosphérique, l'abaissement du niveau de la nappe phréatique, les travaux du métro ainsi que la dégradation naturelle des matériaux imposent de nombreux travaux et en 1966 la place est fermée à la circulation, le trafic du métro doit être ralenti.

Les travaux se terminent en 1986 ... date anniversaire de sa construction, débutée 600 ans auparavant!

De tous ces travaux d'entretien permanents est née l'expression, en dialecte milanais, Longh comm la fabbrica del Domm, pour désigner quelque chose d'interminable.

Le style du Duomo est le fruit de tous les travaux des siècles passés : il ne répond à aucun mouvement précis, mais suit plutôt une idée "gothique" colossale et fantasmagorique toujours réinterprétée.


A l'intérieur, 52 piliers polystyles divisent les cinq nefs et soutiennent les voutes en croisées d'ogives et donnent l'impression d'un "tunnel gothique" tout à fait impressionnant.

A noter : des chapiteaux monumentaux


Pavage du sol, commencé en 1584
et terminé ... entre 1914 et 1940

On y trouve une curieuse statue de Saint-Barthélémy écorché :


A noter également, parmi une multitude de merveilles de tous ordres, la fameuse "Relique du Saint Clou"accrochée à 42m au dessus du Grand Autel, visible de tout le Duomo grâce à une lanterne rouge, relique qui aurait été trouvée par Sainte Hélène, et ... utilisée comme mors pour le cheval de Constantin I°...

Le Saint Clou, conservé au Duomo
depuis 1461
Le Duomo est absolument stupéfiant de par ses dimensions.

Quelques chiffres : hauteur : 108,50m; hauteur de la façade : 56,50m; longueur intérieure : 148m; 52 colonnes; 135 flèches; 3400 statues,... on n'en finirait pas...


Mais ce qui frappe le visiteur, au delà des proportions de cet édifice extraordinaire, c'est une impression de puissance architecturale, et de splendide unité au travers de 600 ans d'ajouts, de modifications et de restaurations!

vendredi 12 octobre 2018

En Forêt Noire : Uta von Schauenburg, entre Abbaye et Château



Décidément, nos randonnées nous plongent dans le passé, et tout particulièrement au XII° siècle, que ce soit en Alsace ou au Pays de Bade proche, de l'autre côté du Rhin : pas étonnant car c'était en fait la même région à l'époque!

Nous étions partis pour randonner plusieurs jours, début septembre, en Forêt Noire, aux alentours de Bad Peterstal et d'Oberkirch, à l'est de Strasbourg de l'autre côté du Rhin.

Oberkirch

Notre dernière journée de marche (17km et 630m de dénivelé) nous a fait découvrir les ruines de l'Abbaye d'Allerheiligen (De Tous les Saints) et du Château-Fort du Schauenburg, dominant la jolie ville d'Oberkirch.

Randonnée de Allerheilgen Wasserfälle au Schauenburg

C'est encore une femme remarquable qui fait le lien entre ces deux lieux chargés d'histoire : Uta von Schauenburg (1115-1197) qui vécut à la même époque que Herrade de Landsberg (Voir ma dernière note ici) et Hildegarde de Bingen.

Uta von Schauenburg

800 ans après...
Uta von Schauenburg, surnommée "Duchesse de Schauenburg", était la fille de Gottfried von Calw et de Luitgarde von Zähringen.
Elle était aussi connue sous le nom de Uta von Calw.

Gottfried n'avait pas de descendance masculine mais de riches possessions, ce qui faisait de sa fille Uta une des plus riches héritières d'Allemagne, et de ce fait, un parti très convoité : à l'âge de 16 ans, elle a été mariée au Comte Palatin Welf VI, proche conseiller de l'Empereur Henry V.

A la mort de son père, une féroce guerre de succession s'envenima, et prit fin en 1151, lorsque le neveu de son mari, Friedrich I von Hohenstaufen, le futur Empereur du Saint Empire Romain Germanique Frederic Barberousse, l'emporta. Voir ici.

Frederic Barberousse

A la mort de son époux Welf VI en 1191, Uta fonda le Monastère d'Allerheiligen dans la vallée de la Lierbach (Lierbachtal) près de magnifiques chutes d'eau (Allerheiligen-Wasserfälle) dans le secteur d'Oppenau dans le Pays de Bade.

Allerheiligen Wasserfälle

Ce Monastère des anciens Prémontrés, actuellement à l'état de  ruine, avait jusqu'à sa sécularisation en 1802 et sa destruction suite à la foudre et l'incendie qui s'en suivit en 1804, une influence religieuse et culturelle importante dans ce secteur de la Forêt-Noire.






On y trouve une statue d'Uta, datant des années 1300, portant une maquette de l'église du monastère :

Uta von Schauenburg
vers 1300

Le Château-Fort de Schauenburg (367 m d'altitude), construit en 1050 par Berthold II von Zähringen, fut apporté en dot par la mère d'Uta à Gottfried von Calw. 

Uta en hérita et l'apporta à son tour en dot à son époux Welf VI.

Uta habita le Château régulièrement, mais après la mort de son époux, elle choisit de vivre dans le monastère qu'elle avait fondé, où elle mourut en 1196.

Le Schauenburg



En 1200, le château a été agrandi et était considéré comme l'un des plus beaux châteaux du XIII° siècle.


De 1650 à 1661, Grimmelshausen, auteur du Simplicius Simplicissimus (ici) est administrateur de la famille et intendant du château de Schauenburg.

Depuis le XVIII° siècle, ce château est à l'état de "ruine bien entretenue", toujours propriété des barons de Schauenburg.


On y voit encore trois tours résidentielles, un mur d'enceinte, une chapelle,...



C'est une destination populaire qui attire des visiteurs qui viennent de la région mais aussi d'Alsace et de Strasbourg en particulier.

De l'esplanade du château le visiteur a une vue superbe, non seulement sur la ville d'Oberkirch mais aussi sur la plaine d'Alsace et par beau temps on arrive à voir la cathédrale de Strasbourg.

Vue sur Oberkirch et la plaine d'Alsace
Magnifique randonnée dans cette belle région au passé particulièrement riche !



mardi 9 octobre 2018

En Alsace : Herrade de Landsberg, chanoinesse et géniale encyclopédiste



Samedi dernier, profitant d'un temps printanier exceptionnellement beau et chaud  pour un mois d'octobre, nos pas nous ont menés, lors d'une balade superbe à partir de la jolie ville de Barr (Bas-Rhin, Alsace), au Château de Landsberg.

Barr : Place de l'Hôtel de Ville

A travers un magnifique vignoble (Il s'agit du grand cru Kirchberg) aux couleurs automnales et une belle forêt de feuillus, cette randonnée nous a fait suivre tranquillement des sentiers faciles et enchanteurs : 10km, 4h et 370m de dénivelé.

L'itinéraire est le suivant, en se référant à la carte IGN 3717ET: Barr, Kiosque Muller-Apfel, Kiosque Bellevue, le Château de Landsberg, le Rocher Herrade, la Maison forestière Moenkalb, Bannholz, Barr.

Site "balades en alsace"

Le Château de Landsberg est l'intérêt historique principal de cette randonnée.

Château de Landsberg au XVI° siècle

Il est situé sur le ban de la Commune de Heiligenstein (Célèbre pour un vin unique en Alsace : le Klevener : voir ici).

Vue du Château actuel
Dessin de Christophe Carmona

Ce Château fort a été construit au début du XIII° siècle par Conrad de Landsberg (terminé au XV° siècle), et était destiné à assurer la défense des Abbayes du Mont Sainte-Odile (Abbaye de Hohenbourg, à l'époque), de Niedermunster et d'Andlau.


Le donjon carré, la construction
la plus ancienne

Un remarquable oriel en façade

De belles fenêtres romanes


Les tours de défense



Mais venons en à Herrade de Landsberg, issue, dit-on, de cette noble famille alsacienne des Landsberg : elle aurait vécu dans ce château.

On a commencé à l'appeler "de Landsberg" au XVI° siècle, mais elle n'appartenait peut-être pas à cette famille, allez savoir!

Herrade, donc, est née entre 1125 et 1130 et morte en 1195 à Hohenbourg.

Herrade de Landsberg
Médaillon représentant Herrade,
sur la façade de la Bibliothèque
nationale et universitaire de Strasbourg,
construite par les allemands à la fin du XIX°

Elle était chanoinesse, poète, enlumineuse et encyclopédiste, contemporaine d'une autre femme extraordinaire, Hildegarde de Bingen : ici.

Hildegarde de Bingen
De 1167 à 1195 Herrade de Landsberg fut l'Abbesse du couvent de Hohenbourg (Actuellement Mont Sainte Odile) qui comptait 47 moniales et 7 converses.

Elle devint célèbre en tant qu'auteure et illustratrice de l'Hortus deliciarum (Le Jardin des délices).

C'est certainement l'un des plus célèbres manuscrits alsaciens.

Autoportrait d'Herrade tenant un parchemin
sur lequel est écrit un de ses poèmes
vers 1180

C'était un superbe manuscrit, en fait, une encyclopédie chrétienne rédigée sous sa direction, et c'était la première femme à écrire un tel chef d'oeuvre.

C'était un ouvrage très richement illustré et enluminé (636 illustrations), à vocation pédagogique pour les religieuses qui étaient en charge de l'enseignement des jeunes filles de la noblesse.

Le Mont Sainte Odile selon Herrade

La force des dessins réside dans leur fantaisie, leur créativité, avec une mise en page innovante.
Les habits et tissus représentés y sont particulièrement détaillés.

Histoire de la bretzel...

Malheureusement l'original a été détruit lors du bombardement de la bibliothèque de Strasbourg lors de la guerre de 1870...

Fort heureusement il avait été copié à plus de 80% tant pour le texte que pour les dessins.
Une copie fut réalisée en 1818 et d'autres en 1832 et 1869.

Différents travaux de reconstitution ont été menés en 1979 et 1990.

Judith coupant la tête d'Holopherne

Cet ouvrage contenait de nombreux extraits d'auteurs religieux et profanes, soit près de 1200 textes.

On y trouvait des considérations sur la philosophie, la linguistique et la science de son époque.

Illustration de la Philosophie

Il contenait également des poèmes (plus de 55) accompagnés de notations musicales:



Et  sans oublier La Roue de la Fortune : les plus puissants finissent par tomber!
A méditer par ceux qui nous gouvernent...

La Roue de la Fortune


Herrade de Landsberg : une femme de génie,  qui a réalisé un ouvrage exceptionnel qui, malgré les vicissitudes récentes de l'histoire, a fini par parvenir jusqu'à nous pour nous offrir un témoignage unique de la richesse de la vie en Alsace au XII° siècle !