vendredi 20 octobre 2023

Photographie : "Capturer la beauté" : Julia Margaret Cameron au Jeu de Paume

 

En ce moment se tient une exposition exceptionnelle au Musée du Jeu de Paume, à Paris, consacrée à Julia Margaret Cameron, intitulée "Capturer la beauté" (Jusqu'au 28.01.24).

Cameron en 1870

Julia Margaret Cameron (née Pattle en 1815 à Calcutta) est une amatrice tardive et l'une des plus éminentes photographes britanniques du XIX° siècle : ici.

Abondamment critiquée de son vivant pour la liberté dont elle faisait preuve à l'égard des conventions de la photographie de son époque, elle fut admirée dans le même temps pour le caractère inspiré de ses portraits.

Julia Jackson
(sa nièce, mère de Virginia Woolf)




C'est à l'âge de 48 ans, en 1864, que Julia Margaret Cameron (1815-1879), née dans une riche famille partagée entre l'Angleterre et les Indes, découvre la pratique de la photographie.


Elle s'y consacre avec passion pendant la douzaine d'années d'une carrière brève mais intense, créant un style immédiatement reconnaissable, que l'on pourrait qualifier de préraphaélite.

"Annie, mon premier succès", 1864


Son oeuvre également reconnaissable par ses imperfections assumées, au nom d'une stylisation artistique, s'est imposée comme l'une des plus marquantes du XIX° siècle.





Pour ses portraits, elle recrute ses proches, ses employés, ses voisins, mais photographie également des célébrités de l'époque victorienne (Tennyson, Darwin, Rossetti, Herschel,...).

Darwin, 1868

Herschel

Tennyson


Elle réalise aussi des mises en scènes librement inspirées de l'imagerie chrétienne, de légendes ou de l'histoire.






Julia Margaret Cameron est pionnière du gros plan,  n'hésitant pas à recourir à une mise au point légèrement floue.

Cet effet de flou volontaire donne un rendu vaporeux mais net aux bons endroits (soft focus).


"Qu'est-ce que la mise au point? Et qui a le droit de dire que telle mise au point est la bonne ? Mon aspiration est d'ennoblir la photographie et de lui conférer la nature et les usages de l'Art en combinant le réel et l'idéal, sans rien sacrifier de la Vérité par une éventuelle dévotion à la poésie et à la beauté ..."


Au début du XX° siècle, Alfred Stieglitz (ici) publia les travaux de Cameron et contribua ainsi à les remettre d'actualité. Les portraits de la photographe victorienne sont proches des effets recherchés par les pictorialistes (ici) dont Stieglitz a été le chef de file.


Alfred Stieglitz
(1864-1946)

A propos de Julia Margaret Cameron, Virginia Woolf, sa petite nièce, évoquait "une vitalité indomptable": elle était excentrique, généreuse et autoritaire.

Elle a choisi de faire passer sa photographie avant le jugement des critiques et du public.

Son oeuvre est singulière, à nulle autre pareille.

Voir ici  et .


vendredi 6 octobre 2023

Martin Johnson Heade : l'un des plus importants peintres américains de sa génération

 

Voici encore un peintre américain génial que notre dernière visite au Metropolitan Museum à New-York nous a permis de découvrir, et pourtant, il n'y avait au Met qu'un seul tableau de lui : "Approaching Thunder Storm", peint en 1859.

Martin Johnson Heade
1819-1904


"Approaching Thunder Storm"
1859

Heade fut l'un des peintres américains les plus inventifs du XIX° siècle.

Martin Johnson Heade est un peintre américain célèbre tout d'abord pour ses paysages, qu'il peint de deux manières assez différentes.

L'une de ses manières est plutôt dans la tradition "luministe" américaine, mouvement apparu en 1848 et ayant pris fin vers 1880 : ici.

Dans ce style, la lumière diffuse sur l"ensemble du paysage de façon égale et donne à chaque détail la même intensité, qui évoque la photographie.

Lake George
1862

Singing Beach

L'autre manière  se rapproche de l'impressionnisme, en particulier par une impression extrême portée aux phénomènes atmosphériques, comme dans "Approaching Thunder Storm" ci-dessus.





Heade peint également une série de Meules, vers 1863, à savoir le même motif sous des lumières différentes, ce qui n'est pas sans évoquer Monet.






Il se lie d'amitié avec des artistes de la Hudson River School (ici) (Albert Bierstadt, Sanfor Robinson Gifford, Frederic Edwin Church) qui ont, tout comme lui un intérêt pour le paysage dans l'art.

Martin Johnson Heade est également célèbre pour ses natures mortes, ses fleurs et ses oiseaux tropicaux, qui ne manquent pas de charme, (même si personnellement je ne suis pas complètement fan de ce type de composition).



Dans ses tableaux de fleurs et d'oiseaux, on trouve un mélange d'étrangeté et d'objectivité, qui annonce directement certains tableaux surréalistes (Dali).




Les bizarreries de la flore tropicale dessinent des arabesques sur fond de jungle tropicale.

Ce que j'apprécie dans les tableaux de paysages de Heade, c'est la façon dont il a réussi à décrire le silence inquiétant qui s'installe sous un ciel d'orage qui s'assombrit, le sol qui s'illumine étrangement, et la tension qui grandit avant le déclenchement de l'orage.

Martin Johnson Heade

Timbre réalisé en 2004 par le Service Postal
américain en son honneur