mardi 30 janvier 2018

Opéra : Tosca en direct du Met : magnifico !


Ce samedi 27 janvier, nous avons assisté, en direct du Met, à une magnifique interprétation de Tosca de Puccini, dans une salle comble (et comblée) au Colisée de Colmar.


Une très belle représentation, in fine, malgré les difficultés imprévues qui ont jalonné la préparation de ce spectacle, dans une mise en scène de Sir David McVicar, précise et classique, la direction musicale étant assurée avec fougue et brio par Emmanuel Villaume.

L'action se déroule au milieu de magnifiques décors reconstitués avec un très grand soin par John MacFarlane : l'Eglise Sant'Andrea della Valle, les locaux du chef de la police, le Castel Sant'Angelo.




Quant aux interprètes : Zeljko Lucic, baryton, dans le rôle de Scarpia crève l'écran tant  son jeu, vécu de l'intérieur, est magistral, pour tout dire ; la meilleure interprétation de ce rôle dans les nombreuses "Tosca" qu'il m'ait été donné de voir.

Zeljko Lucic (Scarpia) et Sonya Yoncheva (Tosca)


Nous avions déjà apprécié son interprétation de Rigoletto en février 2013 , toujours au Met, bien que dans une mise en scène pour le moins surprenante.

Très belle et sensible interprétation de Tosca par Sonya Yoncheva, soprano.

Vittorio Grigolo (Cavaradossi) et Sonya Yoncheva
Voir ici "Mia gelosa", le duo Tosca/Cavaradossi dans l'Acte I.

Nous avons également fort apprécié Vittorio Grigolo, ténor, dans le rôle de Cavaradossi...



... mais avons cependant trouvé qu'à certains moments, se laissant emporter par sa fougue, il surjouait, aux dépends d'une interprétation plus sensible et vécue qui aurait été nécessaire, en particulier dans la scène finale : ici "E lucevan le stelle" dans l'Acte III.

Une très belle soirée!

Je ne résiste pas à réécouter de temps à autre le plus bel enregistrement que je connaisse de Tosca (en live à Mexico) datant de 1952 avec La Callas, Giuseppe Di Stefano et Piero Campolonghi. 

Je me souviens avoir écouté, il y a pas mal d'années, ce CD en voiture, me promenant lentement dans les collines de Toscane...et en particulier Di Stefano chantant "E lucevan le stelle" alors que le soleil se couchait et embrasait l'horizon dans un incendie bouleversant.

Fait unique, le public en délire a demandé un bis de cet air au cours même de la représentation : écouter ici cet enregistrement magistral!


Voir ici la belle note de JCMemo sur cette soirée!




vendredi 19 janvier 2018

Paul Klee, La dimension abstraite, à la Fondation Beyeler


La Fondation Beyeler, à Bâle, consacre en ce moment une exposition (Jusqu'au 21 janvier 2018)  à Paul Klee - l'un de mes artistes préférés : ici.

Fondation Beyeler
à Bâle
Cette magnifique exposition se consacre à un aspect encore presque inexploré de la création de Paul Klee : l'abstraction.

Paul Klee
Paul Klee (1879-1940)  peintre allemand, né et mort en Suisse, est l'un des artistes majeurs de la première moitié du XX° siècle, et l'un des plus originaux, des plus influents, et des plus productifs (pas moins de 10000 oeuvres) de l'art moderne européen. Voir ici.

Des thèmes récurrents comme la nature, l'architecture, la musique (Klee était musicien) et les signes graphiques présentent une importance centrale dans les oeuvres non figuratives de Klee.


Son oeuvre, définie comme "énigmatique" a posé bien des questions aux critiques d'art car elle suit un cheminement hors du commun : expressionniste, surréaliste, Bauhaus, abstraction.





Puis elle devient graduellement plus intuitive, plus spirituelle :

"Klee est en Occident un de ces privilégiés qui ont su donner au monde de l'art la nouvelle orientation spirituelle qui manque aujourd'hui, où les religions semblent faire faillite. On pourrait voir en lui le parfait représentant de ce que Mircea Eliade appelle l'unique création du monde moderne occidental" Antoni Tàpies.




L'exposition de la Fondation Beyeler explore donc pour la première fois la relation de Paul Klee avec cette conquête centrale de la peinture moderne qu'est l'abstraction et, grâce à 110 oeuvres en provenance de douze pays,  parcourt les étapes décisives de l'évolution artistique de l'artiste.




Dans la première moitié du XX° siècle, Klee se confronta, comme d'autres artistes de l'époque,  au défi de l'abandon de la figuration et du développement d'univers abstraits, mais il le fit d'une façon originale et très personnelle.



Paul Klee a exploré à cette occasion les principales ressources dont dispose le peintre : l'espace pictural, le plan, la surface, la couleur, et en particulier le matériau.

Ses idées extrêmement novatrices seront reprises par nombre d'artistes des générations suivantes.





A noter que c'est à Berne que l'architecte Renzo Piano a édifié le Zentrum Paul Klee, ouvert en 2005 près du cimetière où l'artiste repose.
On y trouve près de la moitié des oeuvres du peintre, depuis ses dessins, jusqu'à ses marionnettes.

Au Zentrum Paul Klee se déroule en ce moment une une exposition temporaire "Klee durant la guerre" (Jusqu'au 3 juin 2018).

Le Zentrum Paul Klee
à Berne

vendredi 12 janvier 2018

Au Piémont italien, découverte de Neive, la cité aux quatre vins


En Juillet dernier, notre séjour dans le Piémont italien a été marqué par de fort belles découvertes, dans une des régions viticoles les plus riches - sinon la plus riche - d'Italie.


Un an auparavant (ici) nous avions déjà commencé à explorer avec bonheur  la région des Langhe.

Paysages des Langhe


Nous avons donc poussé plus avant notre "exploration" des trois régions viticoles du Piémont : les Langhe (Région d'Alba), le Roero (Région de Bra) et le Monferrato (Région d'Asti), où sont produits les vins parmi les meilleurs d'Italie : entre autres le Barolo et le Barbaresco.


Lors de notre périple, nous nous sommes attardés dans le petit bourg médiéval de Neive.

Neive
Vue aérienne de Neive

Neive, dans les Langhe, est situé à 10km au NE d'Alba, en face de Barbaresco, et au Sud d'Asti



Sur les terres de la commune de Neive, beaucoup de vignobles sont cultivés, et  Neive est célèbre pour ses quatre vins.


Il s'agit de trois rouges : le Barbera d'Alba (cépage : Barbera), le Dolcetto d'Alba (cépage : Dolcetto), le Barbaresco (cépage : Nebbiolo), et d'un blanc frizzante bien connu, le Moscato d'Asti (cépage : Moscato Bianco)...
... à consommer avec modération!

Barbera d'Alba
Dolcetto d'Alba

Barbaresco Gaja

Moscato d'Asti
Je voudrais faire ici une mention spéciale à propos du Barbaresco, et de son lien particulier avec la cité de Neive :

A Neive, Camillo Cavour, Comte de Castelborgo, l'un des acteurs de l'unité italienne ( avec Garibaldi et Victor Emmanuel II) prit à son service entre 1832 et 1849 le négociant et oenologue français Louis Oudart, qui entreprit de planter et de vinifier le cépage Nebbiolo.

Camillo Cavour, Comte de Castelborgo

Son vin, présenté sous le nom de Neive remporta une Médaille d'Or à l'Exposition de Londres de 1862.

Château de Castelborgo, à Neive

Sur la base des mêmes techniques, fut élaboré en 1892, au Château de Castelborgo, le premier Barbaresco.

Mais nous avons fait à Neive une autre découverte oenologique, lors d'un aperitivo fort sympathique, comme savent en offrir les Piémontais, accompagné de jambon et fromages locaux : celle d'un vin blanc particulier, l'Arneis produit dans la région limitrophe du Roero depuis le X° siècle.

L'Arneis est parfois surnommé "le petit difficile".
On l'appelle aussi Barolo bianco ou Nebbiolo bianco.

C'est un cépage blanc, qui donne un vin jaune-vert, autochtone du Roero-Langhe, et que l'on ne trouve nulle part ailleurs en Italie.
Son goût est agréable, minéral, légèrement amer et herbacé.

Ce cépage est très exubérant et doit être soigneusement discipliné pour obtenir des fruits de qualité ; il est de plus très sensible au mildiou.

Arneis

Il se boit jeune, et tout particulièrement pour l'aperitivo.

Poursuivant notre découverte de Neive, nous avons visité l'Eglise de l'Archange Saint-Michel :

Eglise de l'Archange Saint-Michel
Cette église est une église qui a été mise à la disposition de l'importante communauté orthodoxe macédonienne de Neive et des Langhe.

En effet, les Langhe ont vu arriver de nombreux immigrants de Macédoine, à la recherche de travail, en particulier dans les vignes.

Eglise orthodoxe de l'Archange Saint-Michel

La Chiesa San Michele Arcangelo rassemble en fait tous les Macédoniens orthodoxes du Piémont.

Neive représente un bel exemple d'intégration intercommunautaire.

vendredi 5 janvier 2018

Visite à Ronda, andalouse et berbère


En avril dernier, lors de notre périple dans le sud de l'Espagne, nous nous sommes attardés avec grand plaisir à Ronda.


Ronda est une magnifique ville de la province de Malaga, installée au sommet d'une montagne (739m), en Andalousie.


Elle surplombe El Tajo, une gorge profonde qui sépare la nouvelle ville (XV° siècle) de la vieille ville datant de l'occupation mauresque.

Au fond des gorges d'El Tajo
Le pont de pierre qui enjambe la gorge, Puente Nuevo, offre une perspective saisissante sur les environs.

Le Puente Nuevo
 L'histoire de Ronda est assez exceptionnelle, et la ville garde des traces passionnantes du passage, au cours des siècles, de tous les envahisseurs, et de leurs cultures.

Au II° siècle avant J.C., les romains envahissent la péninsule ibérique et en chassent les Carthaginois.

Témoin de cette occupation, le Pont Romain :

Le Pont Romain de Ronda
A partir de l'an 711, la ville passe sous domination arabe, suite à la victoire de Tariq ibn Ziyad sur les wisigoths.

Tariq ibn Ziyad

Après l'effondrement du califat, le territoire d'El-Andalus se divise en royaumes indépendants, les "taïfas".

C'est ainsi que le chef berbère Abou Nour, militaire gradé dans l'armée califale, crée le Royaume (Taïfa) de Ronda des Banou Ifren, à Ronda.

Abou Nour descend de la puissante dynastie berbère des Banou Ifren, fondateurs au VIII° siècle au Maghreb d'un royaume dont la capitale était Tlemcen : voir ici.

Royaume des Banou Ifren

Il sera Seigneur de Ronda de 1023 à 1054 et y construira plusieurs édifices importants et renforcera les murailles de défense de la ville.

Murailles de Ronda


C'est à partir de cette époque que la ville de Ronda prendra sa configuration actuelle.

On peut toujours y admirer de magnifiques jardins et des restes de bains publics datant des périodes maure et berbère.







Au XIII° siècle Ferdinand III entrepris la reconquête du sud de la péninsule, à partir de Séville, mais Ronda appartenait alors au Royaume Nasride de Grenade.

Et ce n'est qu'en 1485 que Ronda fut prise par les Rois Catholiques Isabelle I° de Castille et Ferdinand II d'Aragon, qui dépecèrent ces terres et les distribuèrent à leurs chevaliers avec des conséquences économiques désastreuses.  

Isabelle I° de Castille et Ferdinand II d'Aragon
Après une sombre période d'intolérance religieuse où juifs et musulmans durent quitter la région, et où le Tribunal de l'Inquisition fut mis en place, la prospérité ne revint à Ronda qu'au milieu du XVIII° siècle : c'est alors que furent construits le Puente Nuevo et les arènes, emblèmes de la ville.


Les Arènes de Ronda


On y voit aussi des traces de passages plus récents, tels celui de l'écrivain français, le Marquis de Custine (1831) :


"Je me verrait (sic) toute ma vie Ronda, son pont jeté entre le ciel et l'enfer,
ses eaux engouffrées, ses monts de bistre et d'ocre,
ses hommes brûlés comme ses pierres;
ce souvenir fantastique sera le songe de mes veilles."

ou celui du botaniste suisse Edmond Boissier (1837) :