vendredi 31 janvier 2020

En Martinique, au Mémorial Cap 110 : des rescapés dont personne ne voulait ...


Le 8 avril 1830, vers midi, un bateau effectue d'étranges manoeuvres dans les parages dangereux de l'Anse Cafard, au large du Diamant (Sud de la Martinique).

Un habitant du quartier, François Dizac se rend compte du danger encouru par le navire, la houle étant très forte.

Il se borne à envoyer des signaux que le capitaine ne voit pas.

A 23h des cris et des craquements sinistres déchirent la nuit, et c'est le drame : le bâtiment, un bateau de traite clandestine, transportant un nombre inconnu de captifs africains s'échoue sur les rochers, avant d'être totalement détruit par la tempête.

Le nom et la nationalité de ce navire n'ont pu être établis

François Dizac arrive à sauver, grâce à l'aide des membres de son atelier, 86 captifs (26 hommes et soixante femmes).

Le lendemain du naufrage, on retrouve sur la côte 46 cadavres (42 noirs et 4 blancs).
Les corps des 4 marins négriers furent enterrés au cimetière et ceux des captifs du bateau "à quelque distance du rivage".

L'existence des 86 rescapés posa rapidement un problème, car l'Administration française ne pu leur donner un statut légal: ils n'étaient pas esclaves, puisque la traite était déjà interdite, ni libres, puisqu'ils étaient noirs...

... des rescapés dont personne ne voulait : on décida tout bonnement de les envoyer à Cayenne, soit une seconde déportation...


Ce fait divers tragique a pris une dimension historique et symbolique importante pour la ville du Diamant : il s'agit du naufrage du dernier navire négrier de l'histoire de la Martinique.

La ville du Diamant a confié en 1998 à l'artiste martiniquais Laurent Valère l'édification d'un Mémorial sur le site du naufrage : l'Anse Caffard, au pied du Morne Larcher, face à la Mer des Caraïbes.

L'Anse Caffard et le Rocher du Diamant
par beau temps
Ce Mémorial est appelé "Cap 110, Mémoire et Fraternité", cap 110°, étant le cap du Golfe de Guinée, d'où venait ce mystérieux navire.

La couleur blanche est la couleur traditionnelle du deuil dans les Caraïbes : elle marque la dimension funéraire de ces lieux où les corps des captifs africains reposent.



La forme triangulaire de la disposition de ces 15 statues en béton, de 2,5 m de haut, fait référence au commerce du même nom : Europe, Afrique, Amériques.


Les statues sont orientées vers la mer,
témoignant ainsi d'où venaient ces
hommes et ces femmes


Cette oeuvre émouvante a été conçue par l'artiste martiniquais Laurent Valère et réalisée à La Trinité (Martinique).

Laurent Valère

Chaque statue représente le buste d'un homme légèrement penché.

L'ensemble compact de ces statues représente l'importance du nombre des victimes de la traite des noirs, le rapprochement des bustes les uns des autres évoque leur destin commun.

Chaque buste penché rappelle le poids de ces évènements tragiques pour ceux qui les ont subis.

Pour mémoire, le Code Noir sera appliqué à partir de 1685 dans les Antilles françaises.



Très contesté au début de la Révolution française, il disparait avec l'abolition de l'esclavage par la Convention en 1794.

L'esclavage est rétabli le 20 Mai 1802 par Napoléon Bonaparte.


L'esclavage sera à nouveau aboli en le 27 avril 1848, via le décret d'abolition, signé par le gouvernement provisoire de la II° République, grâce en particulier à l'action de Victor Schoelcher (ici).

Tableau de François Biard (1799-1882)
Proclamation de la liberté des noirs aux colonies (1849)


Victor Schoelcher
(1804-1893)
Son père était originaire de Fessenheim (Haut-Rhin)




1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Ainsi te voila de retour ...Ton article sur le memorial Cap 110 m'a passionné, ce d'autant qu'il n'était pas érigé lors de mon second séjour en Martinique..Que c'est loin !
J'attends tes autres impressions avec impatience.
Amitiés de JC