Lídia Jorge est une des voix les plus importantes de la littérature portugaise et européenne.
Lídia Jorge |
Elle est née en 1946 dans l'Algarve, à Boliqueime (paroisse civile de la Municipalité de Loulé), près de Faro : ici.
C'est après avoir lu son livre majeur, "Le vent qui siffle dans les grues", publié au Portugal en 2002, dans lequel elle décrit un Algarve tragique et sauvage, que j'ai eu la motivation pour notre récent séjour dans cette région du sud du Portugal.
C'est un âpre roman fascinant et envoûtant sur le pouvoir des mots et l'intranquillité de ceux qui ne les maîtrisent pas.
Il aborde les thèmes, toujours actuels, de la corruption des élites, de l'immigration, des racines, ainsi que du déracinement, du fossé entre les générations, de la société de consommation qui contribue à creuser ce fossé, des désillusions, des conflits voire des complots familiaux.
Notre monde contemporain, mu par une absence de vision de l'avenir y croise un monde plus ancien dans lequel une vieille usine de conserves de poissons abrite le destin d'une famille africaine immigrée.
Sur les murs d'une ancienne conserverie de poissons à Olhao |
Milène, une jeune fille dont la simplicité va tout bouleverser évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne pleine de vie et dont la musique irrigue la vie.
C'est l'histoire de Roméo et Juliette revisitée dans un Algarve tragique et sauvage : Lídia Jorge met en évidence la perversité et la lâcheté qui accompagnent la cruauté primaire des êtres.
"Une histoire pure comme un diamant dans un monde de brutes" (Télérama)
"Une écriture légère et mélancolique comme un fado. Superbe." (L'Express)
Nous voyons, en arrière plan de cette histoire le passé et la situation sociale actuelle au Portugal, la révolution industrielle et son lot d'exploitation et de maltraitance.
Ce roman, lent au départ, et à l'écriture dramatique nous laisse entrevoir qu'un vieux monde s'écroule et qu'un nouveau affleure : à bien des égards, ce roman est un séisme d'étrangeté, de talent, d'angoisse mêlés qui poursuit longtemps le lecteur après avoir refermé le livre.
Ce roman, parfaitement maîtrisé colle au plus près de la réalité avec des thèmes qui sont chers à Lídia Jorge : les préjugés sociaux, le temps suspendu entre deux mondes et sa terre natale, l'Algarve, qui lui donne une puissante inspiration.
En visitant l'Algarve, il y a peu de temps, malgré la beauté indéniable de certains paysages sauvages, et l'accueil des portugais de la région, j'ai ressenti ce malaise, ce temps suspendu entre une tradition et un héritage qui se dissolvent lentement comme brume au soleil et un monde qui se tourne vers l'avenir incertain du bétonnage, des golfs, d'un réseau routier bien entretenu, financé par la Communauté Européenne, et d'un affairisme tourné vers le tourisme.
Et malgré tout, les traces des dernières guerres coloniales et de la période de la dictature ne sont pas encore totalement effacées.
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