vendredi 18 janvier 2019

Carmen à l'Opéra de Paris : vulgarité et déception


Hier soir, lors de la retransmission de Carmen, au cinéma CGR, enregistré à l'Opéra Bastille en juillet 2017, ce fut pour nous une forte déception.


Mis à part la prestation vocale et scénique d'Elina Garanca dans le rôle titre, tout, dans cette "Carmen des temps modernes" fut pour nous surprenant et dérangeant, voire irritant.

Elina Garanca est en effet une mezzo-soprano lettone réputée pour la puissance, l'ampleur et la tessiture de sa voix et ses talents d'actrice.

Elina Garanca
Nous avons eu l'occasion de l'apprécier dans son interprétation de Jeanne Seymour dans Anna Bolena de Donizetti ainsi que dans le rôle d'Octavian dans Le Chevalier à la Rose.

Dans cet opéra, elle domine en effet le spectacle par sa voix magnifique et sa présence scénique, bien que peu crédible à mon avis en Carmen blonde platine.

Roberto Alagna quant à lui, peine à donner vie à Don José, rôle qu'il connait cependant par coeur (Il avait déjà interprété Don José en 1999 au Festival de Peralada): on sent chez lui comme une certaine lassitude...

Roberto Alagna
Il arrive cependant à s'approprier le rôle de l'ex brigadier à la scène finale...


Que dire de la mise en scène du castillan Calixto Bieito : sexe, violence et argent sale ?

Calixto Bieito fait partie de ces metteurs en scène que l'on aime nimber d'une odeur de soufre.

Calixto Bieito

Sa démarche impose une violence aux acteurs, et bien entendu aussi aux spectateurs, et cela peut aller jusqu'à une sorte de nausée...qui n'aboutit pas nécessairement à une réflexion ultérieure plus profonde, encore moins à une possibilité de débat...

A dire vrai, à force d'excès, l'ennui s'invite peu à peu dans ce curieux spectacle!

Je suis pour le moins dubitatif : il aurait souhaité parait-il une Carmen violente, militante et revendicatrice...et que l'opéra garde une âpreté qui le fasse résonner avec la dureté du monde contemporain (!).

Dès la première scène, Calixto Bieito voudrait nous parler du monde contemporain.
L'action en effet a été déplacée dans l'Espagne de la fin du XX° siècle.

Le résultat de cette profonde réflexion, c'est qu'on y voit tout au début Carmen dans une cabine téléphonique que les soldats escaladent pour y former une pyramide humaine. Bof...bof...Grotesque!
Voir l'extrait video ci-dessous.


La mise en scène est dure et âpre, parait-il, voire (un peu) crue et scabreuse : est-ce nécessaire que Carmen ôte sa petite culotte avant de chevaucher Don José. Même pas torride : vulgaire!

Est-ce essentiel à la compréhension de l'oeuvre (Bizet, au secours!) que pendant le prélude du 3° acte un jeune homme se dénude complètement pour toréer dans le vide ?

De quoi se demander à plusieurs occasions au cours du spectacle, si nous étions bien à l'opéra...

Est-ce pour créer des "images fortes et signifiantes"que la scène des contrebandiers se réduise à l'installation d'une dizaine de vieilles Mercedes autour desquelles gesticulent des jeunes femmes passablement dénudées et avinées (voire en train de vomir) qui n'ont rien de gitanes espagnoles?


Certes, l'héroïne est résistante et revendique haut et fort sa liberté.

"Jamais Carmen ne cédera, libre elle est née, libre elle mourra" lance l'héroïne de Bizet à Don José à la fin de l'opéra.

Certes, l'oiseau rebelle est foncièrement de notre époque, témoin de la brutalité masculine.

Mais peut-on la réduite à une vamp blonde aguicheuse et insoumise, qui roule à grande vitesse, pressée d'exister...et de mourir!

Mais, in fine, ces choix de mise en scène, ces artéfacts à mon sens trop chargés visuellement, inutiles et scabreux n'ont pour résultat que de gommer l'oeuvre de Bizet au profit de choix idéologiques discutables.

Le résultat de tout cela : une oeuvre magnifique, celle de Bizet, desservie par une mise en scène grotesque et approximative, qui sombre dans la vulgarité, et une direction d'orchestre molle et sans éclats.

La fin de l'Acte IV est arrivée à point nommé!



Voir ici "Habanera": Carmen téléphone pendant que les soldats escaladent la cabine téléphonique ...
Voir ici "Près des remparts de Séville".
Voir ici La scène finale (Elina Garanca et Roberto Alagna).


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