Il y a plus de 60 ans, ce sont 2000 enfants de la Réunion, abandonnés ou non, qui ont étés transférés en Métropole entre 1963 et 1981 à l'instigation de Michel Debré, alors tout-puissant député de l'île jusqu'en 1988.
Michel Debré |
Le premier objectif de Michel Debré est de "moderniser l'île". Or, à la Réunion, on compte en moyenne sept enfants par femme.
En 1965, le député s'inquiète :"Bientôt, 60% de cette île aura moins de vingt ans!". Il faut alors évacuer le trop plein vers la Métropole.
Avec un taux de chômage frôlant les 40%, une région en plein bouillonnement décolonial : l'explosion n'est pas loin! Il faut à tout prix détourner l'île de la tentation autonomiste!
Il fallait alors non seulement déporter (il faut appeler les choses par leur nom) les mineurs orphelins vers la Métropole, mais aussi les enfants retirés à leurs parents sous la promesse fallacieuse qu'un avenir brillant les y attendait: ce n'était qu'une escroquerie morale...
"Historien de l'enfance orpheline, j'ai rarement été confronté à tant de souffrances. Dans les archives on trouve des cas d'enfants de 12 ans qui font des tentatives de suicide, qui sont internés, tombent en dépression, deviennent délinquants.
Cette migration est une institution républicaine. Elle participe de l'utopie qui consiste à arracher des enfants à un milieu vicié pour les faire renaître ailleurs. Les autorités n'ont pas grand-chose à faire de ces gosses, l'important pour elles, c'est de nettoyer les bidonvilles, de faire oublier la crise sociale à la Réunion et d'injecter du sang neuf dans les départements en déclin. Debré agit avec bonne conscience: il élève le niveau de vie et dégage le maximum d'enfants pour soulager la démographie réunionnaise. C'est une politique qui a modernisé l'île et qui a fait souffrir les enfants, indissociablement". (Ivon Jablonka)
Les enfants embarquaient dans un avion pour Paris et étaient transférés à Guéret, dans la Creuse avant d'être dispatchés dans toute la France.
Envoyés dans des départements ruraux de la Métropole, et en particulier dans la Creuse, ces enfants ont passé toute leur enfance loin des leurs, dans des conditions souvent difficiles.
Enfants réunionnais dans la Creuse |
Certains enfants ont été adoptés, d'autres placés en foyers, en couvent ou à gages, pour aider aux travaux des champs, ou dans une entreprise familiale.
Certains enfants ont subi, dans les familles d'accueil des conditions de travail qui s'apparentaient à de l'esclavage moderne, parfois même des violences physiques ou sexuelles.
Une mémoire défaillante sur un crime impuni |
Les choix opérés étaient déjà ceux de l'Assistance Publique au XIX° siècle : placer les "pupilles" dans l'agriculture et l'artisanat dans des zones dépeuplées telles que la Creuse.
Ce transfert forcé d'enfants réunionnais n'avait soulevé en Métropole que de l'indifférence, les DOM étant considérés à l'époque comme "pas vraiment français".
Des témoignages ont été publiés:
Au début 2013, un "Comité pour la Commémoration du cinquantenaire des Enfants Déportés de la Creuse" a été créé, mais en 2014, le Ministère concerné n'avait pas encore mis en place les réparations morales. Qu'en est-il aujourd'hui, dix ans après ?
Une Résolution Mémorielle a été votée le 18 février 2014 à l'Assemblée Nationale pour rendre justice aux "Enfants de la Creuse", à l'instigation d'Ericka Bareigts, députée PS de la Réunion.
Depuis plusieurs années, les "Associations d'ex-enfants réunionnais de la Creuse " réclamaient la création d'un centre de mémoire dédié à cette histoire, à Guéret ; un autre centre devrait être créé à la Réunion et ce sera bientôt chose faite, en principe : ici.
Cinquante ans après, une'"enfant de la Creuse" retrouve sa sœur. |
Voir ici une vidéo sur l'histoire de ces déportations.
Voir une vidéo ici : "Les enfants de la Réunion, un scandale d’État oublié"
Ici , vidéo : "Les enfants de la Creuse".
Voir ici une vidéo "Les Réunionnais de la Creuse".
Ici , vidéo : "Arrachée à ma famille à la Réunion".
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