samedi 15 janvier 2022

Goya : l'unique graveur de l'histoire de l'Art Espagnol

 

La Fondation Beyeler, à Bâle, consacre, jusqu'au 23 janvier 2022, une Exposition à Francisco de Goya, l'une des expositions les plus importantes jamais présentées hors d'Espagne.

Francisco de Goya
1746-1828

Au cours de plus de 60 années d'activité créatrice, Goya met en image des circonstances et des évènements qui échappent au cadre des conventions sociales :ici.

Autoportrait

Dans son art, Goya s'affirme comme un observateur lucide et incisif du drame qui se joue entre raison et déraison, entre rêves et cauchemars.

Série Caprichos
Le sommeil de la raison engendre des monstres

Cette planche est la plus célèbre de la série des "Caprices" : elle a inspiré de nombreux artistes, symbolistes et surréalistes.

Le titre permet des lectures multiples. Par exemple : la raison en perte de vigilance, dépassée par d'autres forces, favorise l'apparition de monstres.


Cette gravure n'est-elle pas toujours actuelle ?

L'exposition à la Fondation Beyeler réunit plus de 70 tableaux et une large sélection de dessins et de gravures exceptionnelles, conviant les spectateurs de ses oeuvres à une rencontre avec le beau mais aussi avec l'insondable et l'inquiétant.

Je voudrais ici attirer l'attention sur son oeuvre de graveur virtuose: Goya est l'unique graveur de l'Histoire de l'Art espagnol.

Goya a en effet trouvé dans l'estampe, dans le fruit de son travail sur la planche de cuivre, dans la mise en valeur des effets du blanc et du noir par l'eau-forte et dans la très riche gamme de tons gris intermédiaires, par l'aquatinte, un mode d'expression approprié à son génie.

Son oeuvre gravé compte à ce jour près de 300 pièces.


Série Caprichos
"Jusqu'à son grand-père"

Les obsessions héraldiques et généalogiques qui tourmentent tant les parvenus sont ridiculisées ici avec efficacité et dureté : les ânes qui se vantent de noblesse, descendent d'autres semblables à eux, jusqu'au dernier grand-père.


Série Caprichos
"Toi qui ne peux pas"

L'injuste partage des charges, les fréquentes exemptions et les privilèges des tout-puissants font, qu'alors comme aujourd'hui, ce soient les humbles qui supportent le gros du poids des contributions de l'Etat, soutenant en fait avec leur travail et leur effort les classes oisives, vues, une fois de plus comme un ensemble d'ânes.


Série Désastres de la Guerre
"Grand exploit! Avec des morts!"

Toute l'horreur de la barbarie la plus inhumaine s'acharne ici contre ceux qui ne peuvent plus se défendre. C'est une des gravures les plus atroces de la série et le remarquable procédé employé pour les nus avec des ombres obtenues avec un pointillé particulier atteint ici son utilisation la plus efficace.


Série Désastres de la guerre
"De même"

Dans la guerre qui oppose l'occupant français et l'Espagne, les deux camps se rendent coupables d'atrocités inutiles.

Ici, un Espagnol achève un soldat français, contrairement à la situation inversée dans une autre gravure, où deux Espagnols sont exécutés par des soldats français.

 Mais le cri de colère de Goya, face à l'absurde violence sans raison est le même: la guerre est un engrenage meurtrier inhumain.


A plusieurs reprises, Goya avait dit que ses maîtres étaient Rembrandt, le graveur, et la Nature.

Portrait de Goya par Vicente Lopez Portana

La capacité évocatrice du blanc et du noir permise par la gravure à l'eau-forte était en accord avec la sensibilité exacerbée d'un Goya sombre.

Il était aussi évident que Goya était intéressé par le pouvoir de diffusion de l'estampe.

Les Caprices, les Disparates et les Désastres s'élaborèrent certainement  avec un désir de vaste rayonnement au sein de la société espagnole.

La maîtrise de Goya, en dévoilant les pulsions, les passions de l'homme et de la société nous met, bien à regret, face à face avec nous-mêmes, avec nos violences, nos peurs et nos contradictions.


Série Disparates
"Manière de voler"

Une exposition exceptionnelle: courez-y avant le 23 janvier!

Voir ici une émission d'ARTE sur Goya : "Le sommeil de la raison" avec Jean-Claude Carrière.

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