vendredi 13 septembre 2024

Giuliano da Empoli : "Les ingénieurs du chaos"

 

 Giuliano da Empoli, né en 1973 à Neuilly-sur-Seine est un écrivain et conseiller politique italo-suisse.

Voir son CV ici.


En 2022, il publie "Le Mage du Kremlin", son premier ouvrage de fiction qui dresse le portrait de Vadim Baranov, une éminence grise de Vladimir Poutine, personnage inspiré de Vladislav Sourkov.

Ce roman a remporté le grand prix du roman de l'Académie Française : ici.

 

 Son livre précédent, paru en 2019,  "Les ingénieurs du chaos", analyse de façon très documentée les coulisses du mouvement populiste global.

Il est suivi d'une postface de l'auteur.


 Dans le monde de Donald Trump, Jair Bolsonaro et Matteo Salvini, chaque jour porte sa maladresse, sa polémique, son coup d'éclat. On pourrait rajouter Javier Milei en Argentine, Victor Orban en Hongrie,...

Aux yeux de leurs électeurs,les défauts des leaders populistes se muent en qualités.

Leur inexpérience est la preuve qu'ils n'appartiennent pas au cercle corrompu des élites et leur incompétence est le gage de leur authenticité.

Pourtant, derrière les apparences débridées du carnaval populiste se cache le travail acharné de spin-doctors, d'idéologues et d'experts du Big Data sans lesquels ces leaders populistes ne seraient jamais parvenus au pouvoir.

Steve Bannon

 
Gianroberto Casaleggio

Dans ce livre remarquable, Giuliano da Empoli brosse le portrait de personnages presque tous inconnus du grand public (sauf peut-être Steve Bannon) et qui sont pourtant en train de changer les règles du jeu politique et le visage de nos sociétés.

Milo Yannopoulos

Arthur Finkelstein

Dominic Cummings

"Contrairement à leurs promesses, l'avènement du numérique et du Big Data ne nous a pas livré un monde plus rationnel et prévisible, mais bien son exact contraire.

Un monde chaotique, ni plus ni moins que ce qu'il a toujours été, auquel s'applique encore et toujours la vieille maxime d'Henri Bergson

"Sur dix erreurs politiques il y en a neuf qui consistent simplement à croire encore vrai ce qui a cessé de l'être. Mais la dixième, qui pourra être la plus grave, sera de ne plus croire vrai ce qui l'est pourtant encore" "

Un livre passionnant et éclairant sur la situation et les enjeux politiques actuels, à lire toutes affaires cessantes !



Ismaïl Kadaré :" Le général de l'armée morte"

 

Ismaïl Kadaré est un écrivain albanais naturalisé français, né le 28 janvier 1936 à Gjirokastër (Sud de l'Albanie) et mort le 1° juillet 2024 à Tirana (Albanie).


En 1963, la parution de son premier roman "Le général de l'armée morte" lui apporte la renommée, d'abord en Albanie, puis à l'étranger, grâce à la traduction française en 1970 de Jusuf Vrioni.


 

Dès lors, son œuvre est vendue dans le monde entier et traduite dans plus de 45 langues: ici.

Kadaré est considéré comme l'un des plus grands écrivains et intellectuels européens du XXI° siècle, et en plus, comme une voix universelle contre le totalitarisme.

 Thème du livre :

Au début des années 1960, presque 20 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale un général italien, accompagné par un prêtre qui est aussi colonel de l'armée italienne, est envoyé par le gouvernement italien en Albanie pour localiser, recueillir et rapporter en Italie les ossements de ses compatriotes morts pendant la guerre afin de les enterrer dignement.

Comme ils organisent les fouilles et l'exhumation, ils se questionnent sur le sens de leur tâche. Les débats de portée générale portent sur la futilité de la guerre et le sens de cette entreprise.

Alors qu'ils vont plus loin dans la campagne albanaise, ils découvrent qu'ils sont suivis par un autre général, un Allemand, à la recherche des corps des soldats allemands tués durant la Seconde Guerre mondiale.

Comme son homologue italien, il lutte avec ce travail de recherches ingrates et s'interroge, lui aussi, sur la valeur de ces gestes de fierté nationale.

 

A la sortie de la traduction française, Alain Bosquet dans Le Monde, salue "une révélation", "un livre étonnant et plein de charme, au niveau le plus élevé sur le plan européen". Voir son article ici.

Le thème du retour des cendres d'une armée vaincue est l'un des plus anciens de la littérature. Dans "Les Perses" d'Eschyle, Xerxès rentre seul sans son armée morte sur les champs de bataille grecs et on pense aussi aux "Âmes mortes "de GogolTchitchikov chemine dans les campagnes russes en compagnie de ses "âmes mortes" (Eric Faye)

Les deux maîtres de Kadaré sont en effet Eschyle et Gogol et avec lui, on passe très vite du grotesque au tragique.

"... ces derniers temps, il m'arrive quelque chose d'étrange : dès que j'aperçois quelqu'un, machinalement, je me mets à lui ôter ses cheveux, puis ses joues, ses yeux, comme quelque chose de superfétatoire, quelque chose qui m'empêche même de pénétrer son être profond, et je me représente sa tête rien que comme un crâne avec des dents (seuls accessoires pérennes). Tu me comprends ? J'ai l'impression d'être entré au royaume du calcium!"

Cet ouvrage a été adapté en 1983 au cinéma par l'italien Luciano Tovoli "Il Generale dell'armata morte", avec Marcello Mastroianni, Anouk Aimée et Michel Piccoli.

La lecture de ce livre passionnant a été pour moi une introduction à mon prochain voyage en Albanie.


vendredi 6 septembre 2024

Eivør, la chanteuse star des Iles Féroé

 

Eivør Pálsdóttir, tout simplement appelée Eivør est née en 1983 à  Syðrugøta, aux Iles Féroé.

Eivør
 

Elle est chanteuse, auteure-compositrice-interprète et musicienne féroïenne.

Voici où se situent les Iles Féroé (ici) :


 Lors de mon récent séjour aux Iles Féroé, j'ai pu l'écouter, la découvrir et l'apprécier tout simplement dans le minibus qui nous transportait d'une île à l'autre, par les impressionnants tunnels routiers sous-marins.

Les 18 îles des Iles Féroé
 

 

Le petit village de Syðrugøta, lieu de naissance d'Eivør sur Eysturoy

 Elle est souvent surnommée "la Björk des Féroé", plus de par la proximité géographique et culturelle avec l'Islande, que par son style proprement dit.

Sa voix claire de soprano excelle  dans différents styles : jazz, folk, rock, pop, country, ainsi que dans la musique classique et sacrée.

 


 Elle chante principalement dans sa langue maternelle, le féroïen, mais aussi en anglais, danois, suédois et islandais.

Elle sort son premier album en 2000, simplement intitulé  " Eivør Pálsdóttir"  (ici).

Avec son deuxième album solo, "Krákan", elle obtient en 2003 sa nomination aux Icelandic Music Awards.

 

Elle se produit également en 2004 avec l'Orchestre Symphonique des Iles Féroé comme soliste dans l'Opéra Firra de Kristian Blak, le mentor de la scène musicale des Féroé.


 

Le 9 février 2005, elle est nommée "Féroïenne de l'année 2004", "pour avoir, par ses chansons, placé de  la manière la plus positive qui soit, les Iles Féroé sur la carte du monde". Elle est la première personne des Féroé à porter ce titre.


 

Elle donne des concerts et participe à des festivals dans la plupart des pays européens, en Amérique du Nord, au Japon. Elle sera en concert à Paris, au Trianon, le 13 octobre 2024. Voir ici.

Elle s'inspire de textes d'écrivains féroïens, de chants religieux, de sagas nordiques, écrit ses propres textes

Ecouez ici l'Album complet "Live in Tórshavn".

Ecoutez ici "í Tokuni".

Ecoutez ici  l'Album ENN.


vendredi 5 juillet 2024

La Gare de Colmar (Alsace) copiée sur celle de Gdańsk (Pologne) ?

 

Je viens de remarquer dans Le Point Colmarien (Le Magazine de la Ville de Colmar) de Juin 2024 une petite phrase qui m'a intrigué :"La Gare de Colmar a été construite sur le modèle de la Gare de Gdańsk , en Pologne" : voila qui est pour le moins surprenant !

La Gare de Colmar

La Gare de Colmar est un bâtiment original et magnifique qui fait l'admiration de tous les voyageurs.

On peut lire ici l'histoire des gares successives, depuis la première gare mise en service en 1840 par la "Compagnie du Chemin de fer de Strasbourg à Bâle", jusqu'à la Gare actuelle, inaugurée en 1907 par l'administration allemande de l'époque.

La Gare dessinée par Hansi en 1907

Cette gare a été construite entre 1902 et 1907 dans un style typique de l'époque, mélangeant le style néo-Renaissance avec des éléments Art Nouveau (Jugenstil en Allemagne), avec des détails architecturaux magnifiques, par l'architecte allemand Charles Krug, sur les instructions de la "Direction Générale Impériale des Chemins de Fer d'Alsace-Lorraine".

Les travaux sont entrepris sur des plans inspirés de ceux de la Gare de Dantzig, ville qui dépendait alors également de l'Empire Allemand, avait été récupérée par la Prusse en 1815 et était devenue en 1878 la capitale de la Province de Prusse-Orientale : ici.

"Gruss aus Dantzig"
 

La Gare de Dantzig a été mise en service le 19 Juillet 1852, mais a trouvé son apparence définitive par la construction entre 1896 et 1900 du bâtiment voyageurs dans un style Néo-Renaissance flamande, alors très prisé en Europe du Nord.

La Gare de Dantzig, devenue Gdańsk
 

Le traité de Versailles de 1919 fit de Dantzig une ville libre, sous le contrôle de la Société des Nations, à partir de 1920: ici.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Dantzig fut occupée par les troupes soviétiques, puis rattachée à la Pologne et prit alors le nom de Gdańsk: ici.

En 1945, lors de l'avancée de l'Armée Soviétique en Allemagne, la gare est incendiée et ruinée, et, lorsque Dantzig est annexée à la Pologne, les autorités polonaises font reconstruire la gare à l'identique.
 

La Gare de Dantzig, devenue Gdańsk

Donc, voila la réponse à la question : Colmar et Dantzig (devenue Gdańsk) appartenaient toutes les deux à l'Empire Allemand à l'époque où les deux gares ont été construites, à peu de temps d'intervalle, le modèle architectural de Dantzig ayant été repris à Colmar.

La Gare de Colmar
 

Lorsque l'Alsace-Lorraine redevient française, au lendemain de la première guerre mondiale, l'Aigle Impérial qui se trouvait sur le fronton du bâtiment voyageurs est remplacé par les armes de Colmar et l'inscription "Erbaut 1905-06" devient "Anno Domini 1905-06".

La Gare de Colmar a été le témoin de l'histoire mouvementée de l'Alsace au XX° siècle: elle a subi d'importants dommages pendant la Première Guerre mondiale, mais a été reconstruite avec soin après la guerre.

 


A l'origine, le Hall de la Gare était orné de vitraux qui symbolisaient la Force et la Vapeur , mais ils ont été détruits par l'explosion d'un train de munitions en 1944.

Les actuelles baies vitrées du Hall ont été réalisées en 1991 par Jean Le Gac. Elles représentent un peintre libérant deux sœurs jumelles à côté des rails.

Témoin de l'Histoire Alsacienne, la magnifique Gare de Colmar est un monument historique qui incarne l'évolution économique, culturelle et politique non seulement de la Ville de Colmar mais aussi de toute l'Alsace.


lundi 17 juin 2024

"The Jefferson Market Library" : l'un des bâtiments les plus remarquables et fantaisistes de New York

 

Au cœur de Greenwich Village, à l'angle de la 6° Avenue (Avenue of the Americas) et de la 10° Rue, on ne peut manquer le bâtiment remarquable et sa tour fantaisiste de la "Jefferson Market Library". 


Ce bâtiment a été initialement construit pour abriter "The Jefferson Market Courthouse" (Tribunal de la 3° circonscription judiciaire).

Ce grand édifice en brique, construit en 1877 dans un style gothique victorien abrite aujourd'hui une bibliothèque (Section de la New York Public Library).


 



 


A l'origine, en 1833, se trouvait sur cet emplacement, outre les hangars du Jefferson Market, une grande tour octogonale en bois qui faisait office de vigie pour prévenir les risques d'incendie.

A cette époque, les sessions du tribunal se tenaient dans des pièces situées au dessus des bâtiments du Marché.

La tour et les installations de l'époque du "Jefferson Market" furent démolies par la suite, afin de construire en 1877 un nouveau Marché ainsi que deux bâtiments jumeaux : le Tribunal (Jefferson Markert Courthouse) et une prison (Jefferson Market Prison : ici).

La prison sur la gauche, désormais démolie, le Tribunal et la 6° Avenue

Un troisième bâtiment, de style Art Déco,  a existé dans cette zone, de 1931 à 1971 : une prison pour femmes.

Ces deux bâtiments ont été construits par l'architecte Frederik Clarke Withers, du Cabinet Vaux and Whithers. Vaux était par ailleurs l'un des deux créateurs de Prospect Park à Brooklyn (ici).

Frederik Clarke Withers, 1828-1901

En 1958, la démolition du bâtiment du "Jefferson Market Courthouse" était envisagée, mais une levée de boucliers a abouti à la réutilisation de l'édifice en tant que "Jefferson Market Public Library" dont l'inauguration a eu lieu en 1967.

 

"The  AIA Guide to New York City", catalogue exhaustif qui recense les bâtiments remarquables des 5 "boroughs" newyorkais décrit ce bâtiment remarquable et fantaisiste comme suit :"Un assemblage de type  Neuschweinsteinien, de vitraux, de toits en pente raide, de pignons, de pinacles, d'embellissements gothiques vénitiens et d'une tour et d'une horloge complexes : l'un des bâtiments les plus remarquables de la ville".

Le bâtiment en 1905

 Faisant le raisonnement qu'un tel bâtiment avec une tour et une horloge pourrait le faire ressembler à une église, quelle que soit sa véritable destination, Withers a décidé d'y ajouter quelques éléments architecturaux de style religieux mais avec un contenu laïc, tel que le tympan montrant une scène du "Marchand de Venise" en lieu et place du Christ en majesté.

Les vitraux ont tous des motifs à caractère non religieux.


En 1885, un panel d'architectes américains sponsorisés par "The American Architect and Building News" l'a désigné comme le 5° plus beau bâtiment d'Amérique.

En 2012 et 2019 le bâtiment a été restauré et mis aux normes.

Le bâtiment en cours de restauration

 Visitez ici cet exceptionnel bâtiment.








vendredi 14 juin 2024

Maurice Kish, peintre américain de la "réalité populaire"

 

Maurice Kish, peintre et poète, est né en 1895 à Dvinsk, en Russie (ville connue également sous le nom de Denenburg ). cette ville s'appelle désormais Daugavpils et est située au sud-est de la Lettonie: voir ici l'histoire complexe de cette ville et la tragédie vécue par ses habitants juifs massacrés lors de la Shoah en Lettonie: ici et .

Il est mort à New York en 1987.

Un portrait. Autoportrait ?

Dvinsk était un grand centre de la culture juive dans la Russie du XIX° siècle, mais également une ville où la population vivait dans une grande pauvreté.

Maurice Kish, alors jeune homme, a décidé de quitter Dvinsk pour les Etats-Unis et s'y est livré à différentes activités :  boxeur amateur, poète, instructeur de "Catskills Dance",  ouvrier d'usine (peintre décorateur dans une verrerie).

Il a étudié l'art à la "National Academy of Design" .

Les principaux sujets de ses tableaux ont été les villes et les activités humaines qui s'y déroulaient et en particulier la vie des travailleurs industriels, monotone et harassante.

(Au Brooklyn Museum lors de ma visite récente)



 

A l'époque où il a peint ces tableaux, Maurice Kish résidait à Williamsburg (Brooklyn) et son attention était obligatoirement attirée par les énormes usines polluantes qui étaient au bord de l'East River.

Kish s'est également inspiré des scènes de la vie traditionnelle juive, souvenir de sa jeunesse passée à Dvinsk.

Musiciens Klezmer





 D'autres sujets plus légers l'ont également inspiré :




 
 
 

 
 Les critiques d'art ont décrit sa vision comme étant celle d'une "réalité populaire": ses sujets et son style de peinture reflétant ce qui pouvait être important pour le spectateur "ordinaire".