vendredi 14 décembre 2018

A l'Opéra de Paris : un Simon Boccanegra magnifique et bouleversant


Privés pour un certain temps encore des retransmissions d'opéras depuis le Met au cinéma Le Colisée à Colmar, nous attendions avec une certaine impatience la retransmission de Simon Boccanegra depuis l'Opéra de Paris (Bastille) au cinéma CGR.


C'était hier soir, le jeudi 13 décembre 2018, et nous avons assisté à un spectacle magnifique et bouleversant!

Giuseppe Verdi

Ce "Melodramma" en un prologue et trois actes, de Giuseppe Verdi (1857) sur un livret - passablement confus - de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito, nous a à nouveau offert toutes les ambivalences du théâtre verdien.
Voir ici.



Voir ici le "teaser" de cet représentation.

La mer est un élément essentiel à cet opéra.

Mais dans la mise en scène de Calixto Bieito, le mer s'est retirée, laissant derrière elle une immense coque de navire échouée sur la scène, mais peut-être est-ce un navire en construction...




En tout cas c'est un chef d'oeuvre de technologie qui nous donne au final l'impression saisissante d'une structure ambigüe dans les entrailles de laquelle évoluent les interprètes, en symbiose avec l'intrigue et les moments musicaux forts de l'oeuvre: c'est original et plutôt bien trouvé.


Cette histoire est passablement compliquée et rocambolesque, au point que l'on ne comprend que vers la fin qui est qui et quel est le fin mot de l'intrigue, mais peu importe: on s'aperçoit vite que dans cet opéra éminemment politique, les conflits de pouvoir se mêlent aux tempêtes de la vie familiale et que nous sommes bien dans une oeuvre de Verdi!

Comme dans Rigoletto, Verdi aborde ici un thème qui lui est cher : la relation père/fille, amour total, qui révèle souvent une force morale insoupçonnée.

Boccanegra est un corsaire devenu doge génois, acteur et témoin des déchirements qui opposaient au XIV° siècle patriciens et plébéiens: sujet d'actualité!

Costume de Simon Boccanegra
pour la représentation de 1881

Simon Boccanegra fait de plus douloureusement écho à la vie de Verdi, lui qui arbora l'étendard de l'unification italienne et qui dut surmonter la perte de sa femme et de sa fille.

Calixto Bieito, le plus shakespearien des metteurs en scène, offre humanisme et vérité à cette oeuvre magnifique et poignante.

Voir ici une courte interview de Calixto Bieito.

Le Chef Fabio Luisi joue sur les contrastes, les couleurs et les différents climats de l'oeuvre, avec maestria.

Fabio Luisi

Simon Boccanegra offre un superbe rôle à tous les grands barytons de la planète lyrique : homme fier, au début, manipulé par l'intriguant Paolo, puis politique fin et vertueux qui, malgré l'empoisonnement dont il est victime, garde à l'esprit l'intérêt du peuple, et père émouvant et sensible.

Le superbe baryton verdien Ludovic Tézier, l'un des plus grands aujourd'hui, donne toute la mesure de son talent saisissant, sachant exprimer à la fois la tendresse du père avec un timbre de velours bouleversant et l'autorité du Doge avec un ton mordant et violent.

Il a su épouser les doutes et les tourments de Simon avec justesse, émotion et lyrisme.

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Voir ici une interview avec le baryton Ludovic Tézier à propos du rôle de Simon Boccanegra.

Maria Agresta (ici) est une Amelia Grimaldi juste et émouvante : elle a fait ses débuts de soprano lyrique en 2014 et le plus bel avenir lui est promis.

Maria Agresta et Ludovic Tézier

Francesco Demuro est remarquable dans le rôle de Gabriele Adorno.

Francesco Demuro

L'opéra Simon Boccanegra touche non seulement par l'intelligence musicale extraordinaire des épisodes dramatiques dont fait preuve Verdi, mais aussi par la coloration marine de sa texture orchestrale : miroitements, scintillements, mer lourde et menaçante...

Nous voyons là encore le génie poétique et lyrique de l'infatigable Verdi!

Les duos d'hommes sont remarquables, en particulier, au dernier Acte, entre Simon Boccanegra et Jacopo Fiesco.

Voir ici Ludovic Tézier (Simon Boccanegra).
Voir ici Maria Agresta (Amelia Grimaldi).
Voir ici le duo Ludovic Tézier et Maria Agresta.
Voir ici Francesco Demuro (Gabriele Adorno).

J'ai lu ici et là, dans les recensions faites par certains spécialistes 'pointus' et 'éclairés', des critiques acerbes et virulentes à la fois sur la mise en scène et les performances des interprètes, qui me semblaient plus relever d'un décorticage cérébral de cette oeuvre que d'autre chose, mais les goûts et les couleurs...

En tout cas, nous, nous avons étés touchés par cet opéra, porté par notre baryton Ludovic Tézier, et avons fort apprécié et c'est là le principal!

1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Bon, je n'ai pas assisté à cette retransmission : j'attend donc avec impatience une diffusion sur une chaîne musicale...
Merci pour ton article enthousiaste..
Bon week-end
Amitiés
Prévu demain La traviata (au vu de la bande annonce, j'ai quelques inquiétudes - on verra bien...)