samedi 21 juin 2014

Un opéra au coeur de Venise : La Traviata de Verdi!



Après avoir écouté La Bohème de Puccini à La Fenice, l'un des trois Opéras les plus prestigieux d'Italie, nous avons pu assister à une représentation de La Traviata de Verdi dans un tout autre cadre.

G. Verdi

Nous étions en effet à la "Scuola Grande di San Teodoro", l'une des plus prestigieuses salles de concert, situé en plein coeur de Venise, non loin du Rialto, au Campo San Salvador, dans le sestiere San Marco.

La Scuola Grande di San Teodoro

Cette Scuola Granda est l'une des six Scuole Grande : la Scuola San Marco, La Scuola San Teodoro, la Scuola San Giovanni Evangelista, la Scuola della Misericordia, la Scuola Santa Maria della Carita et la Scuola San Rocco, la plus remarquable.

Les Scuole, un phénomène typiquement vénitien, sont le siège de confréries de laïcs sous le patronage d'un saint protecteur. Voir ici.

Certaines avaient une fonction d'assistance envers un groupe social précis.
Les Scuole tenaient un rôle important pour la cohésion sociale de Venise par la confraternité qui unissaient leurs membres entre eux, mais aussi par la solidarité envers les plus faibles et les plus démunis, avec un statut mi-religieux, mi-laïcs.

Ces Scuole me font penser inévitablement aux confréries de Pénitents (Blancs, rouges bleus et noirs) que l'on rencontre encore dans le sud est de la France, en particulier à Nice et à Tende.

Ces Scuole étaient petites ou grandes en fonction de leur importance sociale et économique : la distinction entre Scuole Grande et Scuole Piccole eut lieu au XV° siècle.
Il y aura jusqu'à 300 Scuole à Venise.

La Scuola Grande di San Teodoro fut fondée en 1258 sur l'église San Salvador. 
San Teodoro était le premier patron de Venise.

Les escaliers furent construits au début du XVII° siècle, et la façade de marbre en 1655.


Cette Scuola héberge de nos jours des évènements culturels, concerts et opéras animés par l'orchestre et les choeurs "I Musici Veneziani".

Ces manifestations musicales sont données dans la magnifique salle du premier étage construite par Baldassare Longhena et décorée d'oeuvres du XVII° et XVIII° siècles des peintres Vassilacchi, Jacopo Palma il Giovane, Balestra, Bassano.


Le plafond de la salle de concert


La Traviata, donc : l'oeuvre complète de Verdi, en trois actes, avec l'orchestre et les choeurs de la formation"I Musici Veneziani", composée de musiciens vénitiens (qui jouent souvent en costumes du XVIII°...voir ici) sous la direction de Riccardo Boeretto.

 Une belle prestation vocale, en particulier de Lara Staffieri (Violetta), et de Giuseppe Marin (Alfredo).





En résumé, une soirée musicale et lyrique de qualité, malgré une mise en scène et des décors minimalistes, vu l'espace exigu disponible.

Je me souviens avoir assisté il y a quelques années à une représentation donnée, dans des conditions scéniques minimalistes quasi identiques, de Tosca dans le cloître de La Trinité des Monts, à Rome : c'était magnifique.

Rien ne vaut, bien entendu,  une représentation donnée dans un véritable Opéra, mais ici, nous avons pu apprécier les excellentes qualités de tous les interprètes, étant assis au premier rang à quelques mètres des musiciens.


Paul Morand et Venise



Notre séjour à Venise m'incite à relire Venises de Paul Morand (L'Imaginaire Gallimard 1971).


Paul Morand est né en 1888 à Paris et mort en 1976.

Diplomate et écrivain, Paul Morand excelle dans la nouvelle et a été un des premiers chantres de la vie moderne, du cosmopolitisme, des voitures de course, du jazz, des voyages.

Paul Morand

Il a été élu à l'Académie Française en 1968 malgré l'inimitié du Général de Gaulle, suite à l'attitude de Morand durant l'Occupation.
Après la guerre, il fut contraint à l'exil à Vevey, en Suisse, où il demeura une dizaine d'années, tout en continuant son oeuvre.

"Venises" : pluriel singulier...
Ils sont deux, Venise et l'auteur. 
Soixante ans, et plus, d'une union sans nuages. 
Venise lui fut toujours fidèle et lui à Venise.

"Venises" n'est pas un portrait de ville; c'est le portrait d'un homme, dans mille Venises....


Extraits :

"Toute existence est une lettre postée anonymement; la mienne porte trois cachets : Paris, Londres et Venise; le sort m'y fixa, souvent à mon insu, mais certes pas à la légère."



"Venise résume dans son espace contraint ma durée sur terre, située elle aussi au milieu du vide, entre les eaux foetales et celles du Styx."



"Je me sens décharmé de toute la planète, sauf de Venise, sauf de Saint-Marc, mosquée dont le pavement déclive et boursouflé  ressemble à des tapis de prière juxtaposés."


" 'C'est après la pluie qu'il faut voir Venise', répétait Whistler; c'est après la vie que je reviens m'y contempler. 
Venise jalonne mes jours comme les espars à tête goudronnée balisent sa lagune."



"A Venise, ma minime personne a pris sa première leçon de planète, au sortir de classes où elle n'avait rien appris."



"Venise, c'est le décor du finale de ce grand opéra qu'est la vie d'un artiste : Titien s'y éteint après sa Déposition, Le Tintoret avec San Marziale, Verrochio avec le Colleone.
Une consolation : on y vit vieux : Giovanni Bellini à quatre-vingt-six ans, Longhi à quatre-vingt-deux, Guardi à quatre-vingt-un."



"Venise est venu s'échouer où on ne pouvait pas le faire : ce fut son génie."


"Les maisons de Venise sont des immeubles avec des nostalgies de bateau; d'où leur rez-de-chaussée souvent inondés. Elles satisfont le goût du domicile fixe et du nomadisme."


"Le mérite de ces pages, dit Morand, c'est d'être vécues; leur réunion, c'est une collection privée, sinon un musée secret..."

vendredi 20 juin 2014

A Venise : La Bohème de Puccini à La Fenice : magique!



Le 27 avril, nous avons assisté avec émotion, au mythique Opéra de Venise, La Fenice, à une représentation de "La Bohème", de Puccini.

Ce fut une soirée magique, tant par le cadre exceptionnel de La Fenice, que par la qualité du spectacle.




Cet opéra, construit à Venise au XVIII° siècle, dans le style néoclassique offre une salle magnifique avec cinq étages superposés de loges décorées rouge et or.





Il fut inauguré le 16 mai 1792.



Il est, avec La Scala de Milan et le Teatro San Carlo de Naples l'un des temples les plus prestigieux de l'opéra italien.

La Fenice a vu la création des plus beaux opéras de Verdi, Rossini, Bellini, Donizetti,...

En 1832, La Fenice est détruit par un incendie, et reconstruit à l'identique en 1836.

Le 29 janvier 1996, il est à nouveau détruit par un incendie criminel...

La ville de Venise, l'Etat italien, l'Unesco et d'importantes donations du monde entier permettent de faire renaître La Fenice de ses cendres, "com'era e dov'era" (comme il était et où il était), dans son luxe d'origine après 8 ans de travaux et ...60 millions d'euros.

Il fut inauguré le 12 novembre 2003 avec La Traviata de Verdi.

Ce Théâtre mérite donc bien son nom de La Fenice (Le Phénix) !

J'avais eu la chance d'y écouter, déjà, La Bohème peu de temps avant l'incendie de 1996...

La Fenice
avant le début de La Bohème

Pour cette "Bohème", nous avions une belle distribution :


Ce soir là, Carmen Giannattasio a interprété Mimi avec une technique vocale magnifique et une intensité dramatique émouvante.

Carmen Giannattasio
Matteo Lippi en Rodolfo : superbe interprétation!

Matteo Lippi
Et Francesca Dotto nous a offert une pétulante et énergique Musetta.

Francesca Dotto

Le chef Jader Bignamini a dirigé l'orchestre avec force et sensibilité :

Jader Bignamini

Magnifique et émouvante soirée, avec une Bohème magique, écoutée tant et tant de fois, et à chaque fois nouvelle et tout aussi émouvante.



Il ne nous restait plus, après ces moments de lumière, d'ors et d'émotion lyrique, qu'à flâner le long des ruelles sombres et désertes de Venise, franchissant des canaux calmes et couleur d'encre, une fois la nuit tombée, prolongeant ainsi la magie de ce spectacle par une autre magie toute emplie de mystères...





Ecoutez ici Carmen Giannattasio dans le rôle de Mimi...à Covent Garden.


jeudi 19 juin 2014

Venise ne serait pas Venise sans le Spritz!



Le Spritz (Il Spritz en italien et El Spriss en vénitien) est l'apéritif le plus populaire à Venise, et est reconnaissable à sa couleur orange.

Spritz à Venise


Il se compose de vin blanc peu alcoolisé et pas trop parfumé (ou de prosecco)(3 parts), d'un alcool plus ou moins amer (Campari ou Apérol)(2 parts), et d'eau pétillante (1 part).
S'y ajoutent une olive et une rondelle d'orange ou d'orange sanguine, immergés dans le verre...
sans oublier les glaçons, obligatoires...

Il fait partie de l'art de vivre vénitien : le Spritz est aux vénitiens ce que le pastis est aux marseillais.

Il est bu par tous, et servi dans tous les baccari (les bars vénitiens).

Verres de Spritz dans un baccaro

Nous nous y sommes mis, avec la modération requise, cela va sans dire, mais aussi avec l'ardeur et la motivation nécessaires pour apprécier les différences entre les subtils dosages et goûts proposés d'un sestiere à l'autre, d'un baccaro à l'autre (et jusqu'au Lido, m'enfin!) histoire de profiter de moments supplémentaires de farniente, propices à l'admiration des petites places calmes ou des artères plus fréquentées.

Les terrasses des baccari, sur les places, et sous les parasols, par temps d'orage, nous offrent le plaisir d'une pause "Spritz" à l'heure sacro-sainte de l'apéritif, qui nous permet d'admirer une Venise délavée, encore plus magique, belle et mystérieuse.

Venise après la pluie,
à l'heure du Spritz...

Le Spritz est apparu à Venise durant la période de domination autrichienne.
Le Spritz des soldats se composait alors de vin blanc et d'eau gazeuse.

Les Spritz sont bien moins chers qu'une bière pression, ce qui explique aussi leur succès!

Salute !

mardi 17 juin 2014

Visite à la Ca'd'Oro, à Venise


Lors de notre récent séjour à Venise, nous avons tenu à visiter la Ca' d'Oro, après avoir admiré la Ca'Rezzonico.

A noter que Ca' vient du dialecte vénitien, et c'est l'équivalent de Casa en italien.
En effet, seul le Palais des Doges, le Palazzo Ducale, avait droit au titre de "Palazzo"mais néanmoins, ces "Ca' " qui bordent le Grand Canal n'en sont pas moins des Palais, tous plus somptueux les uns que les autres!

Façade de la Ca' d'Oro
 La Ca' d'Oro est véritablement l'un des plus beaux Palais qui bordent le Grand Canal, dans le sestiere du Cannaregio.
Cette Casa doit son nom aux décorations dorées et polychromes qui ont jadis orné sa façade.

Ce Palais fut construit entre 1421 et 1434 par Marino Contarini et témoigne d'une transition entre les styles Gothique et Renaissance.
Il fut inachevé, d'où son asymétrie.



Vue sur la cour intérieure
depuis une ruelle adjacente

Vue sur le Grand Canal :
les lions surveillent les vaporetti...

Vue depuis une gallerie extérieure

Vue sur le Grand Canal
depuis le rez de chaussée du Palais

La Ca' d'Oro abrite actuellement un Musée : la "Galleria Giorgio Franchetti" (Voir ici ) qui renferme des peintures des écoles toscanes, vénitiennes et flamandes, ainsi que des sculptures.

Le chef d'oeuvre en est sans nul doute le Saint Sébastien d' Andrea Mantegna (1490) :



Détail

Mais nous y trouvons aussi des oeuvres exceptionnelles, telle que la Madonna col Bambino de Michele Giambono (1420-1462) :





 Ou encore une Annunciazone de Vittore Carpacio (1460-1526) :


Venise regorge de magnifiques trésors picturaux , non seulement dans ses Musées, mais aussi dans ses églises et autres lieux , tels que les Scuole (à l'origine des associations de bienfaisance créées par de riches vénitiens) sans oublier le fameux Café Florian, Place St Marc, dont les murs sont recouverts d'oeuvres du Tintoret...




lundi 16 juin 2014

Tango : Juan Carlos Caceres à Mulhouse



Nous avons assisté, dans le cadre du "Printemps du Tango", à Mulhouse, à un formidable concert "Tango" donné à La Filature, par Juan Carlos Cáceres et ses acolytes (Frédéric Truet, Guilermo Venturino, Didier Schmitz).

Tango! Un mot qui chauffe le coeur et ravive les sens!

Juan Carlos Caceres

Juan Carlos Caceres est possédé par une sorte de magnétisme : c'est un phénomène de la nature!

Il compose, il chante, d'une voix rocailleuse et chaude, les chansons les plus représentatives de la résurgence du Tango et de la Milonga.

Ce "jeune homme", né en 1936 à Buenos Aires, et qui est installé en France depuis 1968, est le plus inspiré, le plus impétueux, le plus passionné et le plus ardent des artistes.

Juan Carlos Caceres

Il explore les racines de la musique du Rio de la Plata, ce fleuve immense qui sépare Argentine et Uruguay, en avale d'un trait les eaux, et un rugissement rauque nous parvient.

Tout en respectant largement les conventions du vénérable Tango, il extirpe des rythmes africains du passé et ébranle le présent du Tango : ce fils d'émigré italo-indien qui a évolué dans la bohème de la capitale argentine revendique en effet haut et fort l' aspect africain du Tango.

Juan Carlos Caceres

Juan Carlos Caceres : "C'est dans les origines que se trouve la modernité !"

Un concert génial et enthousiasmant!

Ici : El Tango selon Caceres: l'histoire du tango, du blues, de la milonga,  de l'habanera,..

Dans "Tango Negro" : ici .
Dans "Toca Tango" : .


vendredi 13 juin 2014

Emma Ciardi, une impressionniste vénitienne.



J'ai découvert avec grand intérêt les tableaux du peintre Emma Ciardi (1879-1933) à la Ca' Rezzonico, à Venise, un magnifique palais devenu musée, situé sur le Grand Canal.

Emma Ciardi

Là sont exposées, au 3° étage, nombre d'oeuvres rassemblées dans la "Pinacoteca Egidio Martini" (Voir ici ), qui est la donation la plus importante faite à la Ville de Venise depuis le début du XIX° siècle, tant par le nombre d'oeuvres que par leurs qualités picturale et historique.


On y trouve des dizaines d'oeuvres de l'Ecole vénitienne, telles que celles de Alvise Vivarini, Tintoretto, Palma il Giovanni, il Tiepolo, et nombre d'artistes plus récents, tels que, justement Emma Ciardi, dont l'oeuvre a de toute évidence un caractère impressionniste marqué.





De plus, ce qui ne gâche rien à notre visite, du dernier étage, nous avons une vue magnifique sur le Grand Canal et ses environs...

Vue depuis la Ca'Rezzonico

Tout autant que de la cafétéria du rez de chaussée, au bord du Grand Canal :


Emma Ciardi, née à Venise, est la fille du peintre Guglielmo Ciardi et la soeur du peintre Beppe Ciardi. 
Emma Ciardi fut une grande admiratrice de Guardi et de Canaletto.

D'autres oeuvres :






Célèbre de son temps, l'intérêt du public pour son oeuvre finit par s'émousser lentement.

Emma Ciardi, l'impressionniste vénitienne lumineuse repose désormais au cimetière San Michele, à Venise.