vendredi 17 avril 2020

La stratégie chinoise du "Collier de Perles" et de la "Nouvelle Route de la Soie"


La "stratégie du Collier de Perles" chinois (String of Pearls), joliment nommée, est une expression désignant l'installation par la marine de guerre chinoise de "points d'appui" (Les Perles) le long de sa principale voie d'approvisionnement maritime vers le Moyen-Orient.

Le "Collier de Perles"

C'est une stratégie menée par la Chine qui consiste à construire, acheter ou louer pour de longues années des installations portuaires ou aériennes échelonnées, depuis les ports chinois jusqu'au Détroit d'Ormuz et aux côtes orientales de l'Afrique (Détroit de Bab-El-Mandeb, Djibouti, Port-Soudan) via les rives de l'Océan Indien.

La Chine est très présente en Afrique

En effet, la Chine est consciente de sa vulnérabilité et de sa dépendance énergétique vis-à-vis des autres pays mais également de la faiblesse de ses routes commerciales.

Il s'agit de sécuriser ses intérêts en mer de Chine Méridionale, dans le Golfe du Bengale, l'Océan Indien, la Mer d'Arabie et la Mer Rouge.

L'Inde encerclée ...

L'Inde, la grande rivale économique de la Chine, y voit une manoeuvre d'encerclement, avec des ports chinois au Pakistan, aux Maldives, au Sri Lanka, au Bangladesh et en Birmanie.

En réaction, l'Inde envisage d'installer des bases militaires aux Seychelles et à l'Ile Maurice (Look East Policy : ici).

Mais il s'agit également pour la Chine de développer ses capacités opérationnelles militaires, et c'est le second volet stratégique de ce "Collier de Perles".

La Chine lance d'ailleurs une grande offensive territoriale en revendiquant des territoires comme les archipels des Spratleys et des Paracels, disputés au Vietnam, les champs gaziers de Chunxiao, disputés au Japon,...

Opération de charme ...
... mais pas que!



Depuis 2008, la Chine donne la priorité aux constructions navales : le pays est devenu la 3° puissance navale en terme de tonnages et a dépassé la Russie en 2016.

La Marine Chinoise bientôt mue
par la propulsion nucléaire

Les chantiers navals chinois construisent sous-marins, frégates, portes-avions, bâtiments amphibies et bâtiments de soutien, et la marine chinoise est passée de facto d'une marine côtière traditionnelle à une marine océanique : la montée en puissance de la Marine chinoise est impressionnante.

La Marine chinoise en Mer du Japon

La stratégie du "Collier de Perles" fait pendant à la stratégie terrestre de la "Nouvelle Route de la Soie": voir ici.

Voir ici ce qu'était l'ancienne Route de la Soie.

Anciens itinéraires de la Route de la Soie

La Nouvelle Route de la Soie

La Nouvelle Route de la Soie, appelée aussi OBOR (One Belt, One Road) est un ensemble de liaisons et de voies ferroviaires entre la Chine et l'Europe via le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

C'est en fait une stratégie de développement au travers de l'Eurasie, qui a pour but de renforcer la position de la Chine au plan mondial.


Cette politique titanesque de construction d'infrastructures lui permettra, entre autres, de s'approvisionner en matières premières : il englobera 140 pays (60 au départ) représentant plus de 62% du PIB mondial.

Certains pays membres, tout à fait conscient de l'apport économique, craignent que l'envolée de leur endettement les rendent vulnérables au point de devoir céder leurs infrastructures à la Chine (Grèce, Italie, Portugal,...).

Etats membres de la Nouvelle Route de la Soie

Le développement de ce projet se précise au niveau géographique, mais aussi au niveau sectoriel : énergie, télécoms, parcs industriels, tourisme, et même trois tribunaux d'arbitrage internationaux ont été créés sur le sol chinois... ce que certains nomment une attitude prédatrice de Chine en matière d'investissements.

Les entreprises françaises tentent de s'affranchir du volet politique qui sous-tend ce concept lancé il y a 6 ans par le président Xi Jinping , mais elles peuvent compter sur les efforts de Pékin qui multiplie les prises de parole pour vanter le bien fondé de son plan.

Le Président Xi Jinping
Novembre 2019

Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, on constate  que la Chine est à l'offensive au niveau de la propagande tant à destination de l'intérieur du pays que vis à vis du reste du monde (y compris l'OMS, l'ONU), avec sans aucun doute un faible souci de transparence.

L'épidémie de Covid-19 est certes une épreuve de vérité pour le système de santé chinois, mais que savons nous au juste de ce qu'y s'y est passé, en dehors de ce que les autorités chinoises veulent bien nous en dire ?


Proposer une aide matérielle aux autres pays touché par le virus, apporter compétences et soutien dans cette période incertaine ne va certainement pas sans quelques arrières pensées géostratégiques.

Note : que penser par ailleurs des informations faisant état d'essais nucléaires chinois récents, en pleine période de pandémie, alors que ces essais sont interdits par les traités signés ? Voir ici

Qui vivra verra!

1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Un article absolument passionnant, très clair, remarquablement documenté !
je me permettrais d'y faire référence...
Bon week- end et prends bien soin de toi (selon la formule à la mode)
Amitiés de
JC