lundi 18 novembre 2013

Randonnée d'automne entre Ste Marie aux Mines et Saales



Samedi 16 novembre nous sommes partis randonner par un temps quasi hivernal entre Sainte Marie aux Mines (Haut Rhin) et Saales (Bas Rhin), en passant par Colroy la Grande (Vosges).

Sainte Marie aux Mines s'adosse au massif des Vosges et occupe une jolie vallée en V où coule la Liepvrette
Cette rivière, anciennement dénommée le Landbach (ruisseau provincial), séparait autrefois la ville en deux parties et en deux paroisses distinctes dont l'une dépendait du diocèse de Strasbourg.

La Liepvrette à
Ste Marie aux Mines

Cette petite ville, bourg centre du Val d'Argent, est riche d'un patrimoine important, en particulier minier, dont les réseaux souterrains peuvent se visiter.


Sainte Marie aux Mines
vue des hauteurs

Cette longue marche (20 km en 5h) avec un peu de dénivellé (700m) nous a permis d'apprécier les couleurs de l'automne et les charmes du brouillard et du givre lors de la première moitié du parcours.



Sapin givré

Ce fut pour nous une découverte, avec en prime un grand bol d'oxygène revigorant, malgré le froid sur les hauteurs (850 m).


Les sentiers y étaient parfois défoncés par les travaux de débardage en cours, comme souvent en cette saison dans les Vosges...

Travaux de débardage
en cours !

Après notre incursion dans le département des Vosges, qui nous a permis d'apercevoir Lusse et de traverser Colroy la Grande, nous avions encore un bon bout de chemin pour atteindre Saales.

Ferme vosgienne
Saales (ou Saâles) est situé en amont de la Vallée de la Bruche, à 556 m d'altitude.

Etabli sur la via salinatorum, une antique route du sel entre Orient et Occident, Saales était un lieu de haute importance marchande dès l'antiquité et est resté depuis lors un coeur d'échanges vosgiens.

Saales possède également un patrimoine minier exploité depuis l'antiquité (Oxydes de fer : limonites, hématites...).
Les minerais et le charbon de bois y ont alimenté fonderies et forges jusqu'au début du XIX° siècle.

A noter que l'orthographe du toponyme Saâles s'écrit, en dialecte lorrain, Saôl. 
Lors du rattachement à l'Allemagne, en 1871, le village fut appelé Saal.

Nous avons ensuite pu récupérer juste à temps le train pour Strasbourg (Ligne St Dié-Strasbourg)

Gare TER de Saales
La commune de Saales est allemande, lors de la mise en service en 1890 de cette ligne par la Direction Générale Impériale des Chemins de Fer d'Alsace Lorraine, et en 1919, lorsque ce territoire redevient français, la ligne intègre le réseau de l'Administration des Chemins de Fer d'Alsace et de Lorraine.


Gare allemande de Saales vers 1900





jeudi 14 novembre 2013

Romuald Hazoumé et ses "masques bidons"



A l'occasion d'une visite récente au Musée Dapper, à Paris, magnifique petit musée consacré à l'Art Africain (Voir ici), j'ai pu admirer une exposition sur les Initiés du Bassin du Congo (Jusqu'au 6 juillet 2014), que je vous conseille vivement.
Mais le sujet de cette note est autre.

Cette remarquable exposition (comme toujours au Musée Dapper), était précédée d'une autre,  étonnante, celle-là aussi, consacrée aux "Masques-bidons" de l'artiste contemporain plasticien béninois Romuald Hazoumé.

Romuald Hazoumé

Romuald Hazoumé est né en 1962 à Porto Novo, au Bénin.
Il grandit dans une famille catholique qui reste en contact avec le culte des ancêtres et lui même est profondément marqué par le vaudou.


 Au milieu des années 80 il réalise ses premières sculptures à partir de bidons de récupération en plastique, qui deviennent des masques étonnants.


Lui-même se qualifie d'"artiste-bidon".

Ses assemblages de matériaux de rebut lui permettent d'afficher avec force une vision critique à la fois de la société occidentale qu'il connait bien et de la société béninoise tout en s'insérant dans la création, les mythes et la tradition bambara.


En quelque sorte, Romuald Hazoumé établit un pont entre les phénomènes de transes du vaudou béninois, et les délires et folies de la société moderne.

Ses oeuvres sont le résultat d'un processus initiatique et d'interrogations sur le gaspillage révoltant de l'Occident et les enjeux de la récupération en Afrique.


Romuald Hazoumé est reçu dans les plus grands musées : Londres, Rio, Paris, mais reste fondamentalement un "homme de la rue", de toutes les rues du monde, qu'il sillonne pour y puiser son inspiration.


Il se sent une étrange parenté avec tous les "agités du bocal" qu'il a l'occasion de rencontrer aux quatre coins du monde.
Au Bénin, il a longtemps fait figure d'illuminé...tellement il se situait aux antipodes des artistes locaux qui "copiaient" l'art occidental.


Porto Novo est la capitale du trafic d'essence. 
Alors, s'inspirant de son quotidien, avec les bidons utilisés pour le "kpayo", la contrebande, il façonne des masques africains, et le succès est immédiat!

"Les masques sont des agents incontournables dans presque toutes les initiations : ils inquiètent, ils enseignent, ils protègent, ils infligent des épreuves, ils dévoilent leurs secrets et participent activement à la quête identitaire.
Ceux de Romuald Hazoumé s'inscrivent admirablement bien dans le bouillonnement créateur des grandes transformations, générant surprises et interrogations.". (Musée Dapper)


Malgré son succès international, Hazoumé refuse de quitter le Bénin :
"Il faut reconstruire l'Afrique, chacun à son petit niveau, montrer que les Africains peuvent réussir, mener des actions collectives sans se déchirer!"



mardi 12 novembre 2013

Cinéma : "Inside Llewyn Davis" des frères Coen



"Inside Llewyn Davis", le dernier (et dix septième) film des frères Coen est à la fois dépressif et  hilarant. 
Un film aux dialogues irrésistibles et aux personnages improbables, qui nous plonge de main(s) de maître(s) dans la psychologie d'un loser improbable : Llewyn Davis.

Oscar Isaac

C'est un film où la musique est omniprésente, mais est-ce bien de la musique?
En effet l'imposant auteur-compositeur toxicomane (interprété par John Goodman), avec qui il se rend à Chicago, l'interroge : "Tu joues quoi déjà?" - "De la folk!" - "Ah je croyais que tu étais musicien!"

John Goodman

Eh bien si, c'est de la très belle musique, à mon goût, superbement interprétée par l'acteur principal, Oscar Isaac.

Oscar Isaac

Tout foire dans la vie de ce jeune musicien folk new yorkais, dans les années 60 à Greenwich Village, mais à chaque tuile, nous nous attachons un peu plus à lui...nous y reconnaissant peut-être un peu...

Les autres personnages-protagonistes de ce film habilement cruel ne sont-ils pas aussi, au fond, des losers, chacun à sa manière, telle Carey Mulligan, qui est magnifique et dont l'utilisation répétitive du mot "asshole" est un vrai régal!

Carey Mulligan


Un étrange et jouissif road-movie où Llewyn Davis, magnifiquement interprêté par Oscar Isaac, avec son regard fatigué et expressif, fini par revenir à son point de départ, accompagné par, ou à la recherche d'un chat roux, fort justement dénommé Ulysse, appartenant à un couple juif aisé et tout autant décalé et paumé que lui, chez qui il lui arrive de dormir, en désespoir de cause.

Oscar Isaac


Garfield, ou Ulysse, ou...
Lllewyn Davis ?

Un road movie intérieur, une ballade drôle et mélancolique dont je suis sorti séduit, charmé avec l'impression d'avoir été conduit par la main au plus près de la misère humaine : sous un humour noir et grinçant il y a chez les frères Coen une intelligence du propos et une finesse d'analyse étonnants.

Joel et Ethan Coen

Ne nous tendraient-ils pas un miroir où nous hésitons à nous reconnaître, mais de ce fait, nous nous interrogeons...quelque part.

De plus, la photographie est envoûtante et nous plonge totalement dans une atmosphère nocturne et hivernale.

Un beau film réaliste, sincèrement cruel, et tous comptes faits : bouleversant.

Voir ici la bande-annonce du film.

lundi 11 novembre 2013

En Arizona : Nampeyo, une potière Hopi exceptionnelle.


Iris Nampeyo (1860-1942) fut une potière amérindienne exceptionnelle.
De la tribu Tewa, elle vécut dans la réserve Hopi en Arizona. 

Nampeyo

Ses ancêtres Tewa fuirent en effet leurs territoires de la région de Santa Fé, au Nouveau Mexique, vers 1680, suite à une rébellion contre les colonisateurs espagnols et s'installèrent sur les territoires des Hopis.
Pour plus d'infos sur la tribu Hopi, voir ici, et sur la tribu Tewa voir ici .

Enfant, on lui donna le nom américain d'Iris, mais elle est plus connue sous son nom Tewa de Num-pa-yu ("le serpent qui ne mord pas"), d'où Nampeyo.

Les amérindiens Hopi créent des poteries et des céramiques aux motifs magnifiques, mais Nampeyo fut sans conteste l'une de leurs plus grandes artistes.
Ce fut la première potière à signer ses oeuvres.



Elle s'est très rapidement passionnée pour les formes et les dessins des anciennes poteries hopis, qui surpassaient à ses yeux ceux des poteries produites à son époque, suivant en cela les recherches de sa grand-mère paternelle.



Elle a intégré dans ses poteries des dessins préhistoriques Sikyatki retrouvés lors de fouilles par son second mari Lesso, archéologue.


Devenue aveugle vers 1925, elle continua à inventer des formes nouvelles guidée par le seul toucher, les dessins étant ensuite réalisés par ses quatre filles (en particulier Fanny Nampeyo), sa petite fille (Elva Nampeyo) et son arrière petite fille (Dextra Nampeyo), qui acquirent également une renommée internationale : une lignée de magnifiques artistes, qui ont chacune apporté leur touche personnelle à ce processus de création familiale, mais dont, incontestablement, Iris Nampeyo fut la géniale figure centrale et l'inspiratrice.


Les créations de Nampeyo et son influence permirent de porter l'art des potiers Hopi à un niveau artistique remarquable.


J'ai pu admirer nombre de ses poteries, et également celles des femmes de sa famille au Heard Museum of Native Culture and Art à Phoenix, Arizona, au mois de septembre 2013 : voir ici .

Ce fut pour moi une découverte éblouissante, et ce que j'ai vu m'a profondément touché.


Ses oeuvres figurent dans les collections des plus grands musées, à Phoenix, Washington, Chicago...

mercredi 6 novembre 2013

Opéra : Les Vêpres Siciliennes de Verdi à Covent Garden


Ce lundi 4 Novembre, le Royal Opera House à Londres (Covent Garden) nous a offert en transmission en live Les Vêpres Siciliennes de Verdi !

Michael Volle
(Guy de Montfort)

Un splendide opéra-ballet, relativement peu joué, de 4h45 (avec 2 entr'actes) sur un livret d'Eugène Scribe et Charles Duveyrier, chanté en français.

Les "Vêpres Siciliennes" désignent une révolte du peuple sicilien contre la domination française (du roi Charles d'Anjou) survenue à Palerme et Corleone le 31 mars 1282, lundi de Pâques : à l'heure des Vêpres, au son des cloches, la plupart des français sont massacrés.

Les siciliens se soulèvent contre Guy de Montfort, l'implacable gouverneur français de l'île et, à la suite de ce soulèvement et du massacre des français, ils se libèrent du joug angevin et passent sous la protection du Roi d'Aragon Pierre III. Voir ici .

Les Vêpres siciliennes par
Francesco Hayes 1846

A cette histoire collective vient se greffer un dilemme cornélien : choisir entre devoir et amour. 

Un sicilien patriote, Henri, tombe amoureux de la duchesse Hélène, qui jure de se venger de Guy de Montfort (qui a fait décapiter son frère Frederic d'Autriche), mais Henri apprend qu'il n'est autre que le fils de Guy de Montfort...

Ce magnifique opéra-ballet fut créé par Verdi à Paris le 13 juin 1855, en présence de Napoléon III.



Il s'inscrit dans la tradition du "Grand Opéra Français" qui se développe à partir des années 1850 : des oeuvres longues avec ballet.

Un contrat est signé entre Verdi et l'Opéra de Paris en 1855 : ce sera le premier opéra français de Verdi...qui en entreprend rapidement une traduction en italien, et ses "Vêpres siciliennes" seront jouées à Parme dès décembre 1855, sous le titre Giovanna da Guzman.
Il fut composé entre La Traviata et Simon Boccanegra.

Cet opéra donné au Royal Opera House est une production remarquable et originale du fameux metteur en scène norvégien Stefan Herheim.

Stefan Herheim
Metteur en scène
Il choisit de placer de courts ballets dans chaque acte, plutôt qu'un long ballet à la française dans l'Acte III. 
Excellent choix et magnifique - et surprenant - spectacle donné par le Royal Ballet et le Ballet Royal du Danemark.

Henri, jeune sicilien, est interprété avec une grande conviction par Bryan Hymel, ténor.

Bryan Hymel
(Henri, patriote sicilien)
Procida, chef des patriotes siciliens est interprété avec fougue et brio par Erwin Schrott, basse.

Erwin Schrott
(Procida, chef des patriotes)
Hélène  est interprétée par Lianna Haroutounian, soprano, avec conviction et talent (Suite à une indisponibilité de Marina Poplavskaia).

Lianna Haroutounian
(Hélène)
Michael Volle, baryton, est magnifique en Guy de Montfort, implacable et émouvant.

Les scènes bouleversantes sont nombreuses,  telle celle du duo entre le père (Guy de Montfort) et son  fils (Henri).

Bryan Hymel et Michael Volle
(Henri et Guy de Montfort)

L'Orchestre du Royal Opera House dirigé de main de maître par Antonio Pappano est au service d'une musique brillante : Verdi !!
Les choeurs du Royal Opera house sont saisissants!

En résumé, une redécouverte pour moi des "Vêpres Siciliennes"et une superbe soirée, brillante et captivante, tant pour la musique, son interprétation, les choeurs, les ballets, que pour la mise en scène originale et les interprètes qui se sont donnés totalement pour nous faire partager les drames intérieurs inscrits par Verdi dans cette oeuvre magistrale et trop peu connue!

L'Ouverture des Vêpres Siciliennes par le Royal Philarmonic Orchestra : ici .