vendredi 25 mars 2011

Henry Ford, du génie industriel à l'antisémitisme

Suite à mon séjour au Etats Unis en 2010, et en particulier à Chicago, en juin, j'ai été amené à m'interroger, de par l'histoire fascinante de cette ville, sur les ingrédients du progrès industriel et économique qui y a pris naissance à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle.

Le sujet évoqué dans une note récente (ici) était celui de l'invention du travail à la chaîne ("assembly line") à l'usine Ford de Detroit, pour la production de la "Ford T", par Henry Ford, vers 1913 dont l'objectif était : l'automobile pour tous!

Henry Ford, véritable génie industriel, s'est directement inspiré des méthodes de production de masse mises au point pour le déceçage des carcasses dans les célèbres abattoirs de Chicago.

Je mentionnais dans cette note l'étonnement de l'écrivain Paul Bourget qui visita ces abattoirs en 1894.
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Je ne peux pas ne pas mentionner également, pour la petite histoire littéraire, l'étonnement d'un autre écrivain français, Georges Duhamel, qui visita les abattoirs Swift à Chicago et les usines Ford à Detroit, 35 ans plus tard, en 1929.

Dans "Scènes de la vie future", publié en 1930 au Mercure de France (réédité aux Mille et une Nuits, Paris 2003), Duhamel décrit, avec un ton ironique et acerbe cette société américaine où l'homme s'efface derrière les excès du machinisme et du profit, au prix de son asservissement.
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"Dès aujourd'hui, l'Amérique nous donne à mesurer ce que peut devenir l'effacement de l'individu, l'abnégation, l'anéantissement de l'individu"
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"Je me méfie de la contagion des machines".
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Mais revenons à Henry Ford!
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Henry Ford, véritable génie industriel, écrivit 3 ouvrages : "My Life and Work" (1922), "Today and Tomorrow" (1926), et "Moving Forward" (1930), dans lesquels il expose son ascension fulgurante, d'apprenti à ingénieur en chef, puis magnat industriel, ainsi que ses théories industrielles révolutionnaires et aussi ses théories sociales.

Les déclarations d' Henry Ford montrent qu'il faisait partie de ces hommes d'affaires américains pour qui la recherche du profit et de nouveaux marchés était la priorité absolue, et qui n'hésitaient pas, en situation de guerre, à collaborer avec les deux camps.
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Mais son nom est aussi associé à un autre de ses livres, "The
International Jew" (traduit dès 1921 en allemand, il a été l'une des principales sources des idées de Hitler : "Der Internationale Jude") et également associé au journal qu'il avait racheté, "The Dearborn Independant" (Dearborn, dans le Michigan, était sa ville natale) où il publia des articles antisémites de 1919 à 1927.

Ses idées furent répandues auprès de 700000 lecteurs qui recevaient ce journal gratuitement...
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Un passage y est dédié par exemple à "la salutaire réaction de l'Allemagne contre le Juif"
Son langage se veut scientifique ; il y parle d'"hygiène politique", car "la principale source de la maladie du corps national allemand, c'est l'influence des juifs".
"Les juifs doivent faire l'objet d'un "nettoyage" (cleaning out) ".
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Hitler reprendra cette terminologie au mot près.

Il y accuse les juifs d'avoir déclenché la première Guerre Mondiale, de contrôler les media, etc,...

De nombreux mouvements américains s'inspirèrent de ses écrits pour attiser une haine latente. -
La connexion américaine offre un terrain privilégié, bien qu'aucunement unique pour repenser les sources proprement modernes du nazisme et les continuités inavouées de celui-ci avec certaines pratiques des sociétés occidentales (y compris démocratiques!).

"Si les juifs sont si sages qu'ils le disent, ils feraient mieux de travailler à devenir des juifs américains, plutôt que de travailler à construire une Amérique juive."
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Ses articles antisémites furent cités dans "Mein Kampf" par Adolf Hitler.

Hitler fit attribuer en 1938 à Ford, par l'intermédiaire du consul allemand aux Etats Unis, la Grande Croix de l'Ordre de l'Aigle allemand, une distinction créée en 1937 pour honorer les grandes personnalités étrangères.

Henry Ford va participer à l'effort de guerre allemand avec Opel, filiale de General Motors et produira des camions et des chars pour la Wehrmacht.

Des succursales de Ford implantées en Allemagne demanderont après la guerre réparation aux américains pour les bombardements subis...un comble!

Il détiendra par ailleurs une partie du capital de IG Farben (GIE regroupant Basf, Bayer et Agfa), le fabricant du Zyklon B.

Baldur Von Schirac, leader de la Hitlerjugend, et plus tard gauleiter de Vienne déclara, lors du Procès de Nuremberg : "Le livre antisémite décisif que j'ai lu à cette époque, et le livre qui a influencé mes camarades est celui de Henry Ford, "The International Jew".
Je l'ai lu et je suis devenu antisémite".

Joseph Goebbels et Alfred Rosenberg figurent également parmi les dirigeants ayant mentionné cet ouvrage parmi les références importantes du parti national socialiste allemand.

Dès décembre 1922, un journaliste du New York Times visitant l'Allemagne raconte que "le mur situé derrière la table de Hitler, dans son bureau privé, est décoré d'un large tableau représentant Henry Ford".
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Dans l'antichambre, une table était couverte d'exemplaires de "Der Internationale Jude ".

lundi 21 mars 2011

"Correspondances", de Laurence Petit-Jouvet, entre France et Mali

"Correspondances" : un film traversé par la vie et l'espoir, qui m'a beaucoup touché.

Des femmes maliennes de Montreuil (Seine St-Denis), de Bamako et de Kayes (Mali) expriment, par le biais de "correspondances filmées", à des interlocuteurs ou interlocutrices réels ou imaginaires, ce qui fait le sens de leur vie, leurs difficultés au jour le jour, leur déchirement du à la séparation et à la distance, leurs espoirs, leurs doutes, et par dessus tout leur courage formidable.

Sans fioritures, elles nous livrent le fond de leur pensées, et nous font de ce fait ressentir des émotions profondes.

Il y a cette femme mécanicienne bozo, issue d'une lignée de femmes qui se sont construites contre certains codes édictés par les hommes.

Il y a cette jeune femme ayant construit toute sa vie en France en ayant pris ses distances par rapport à sa mère restée au pays, malgré le déchirement.

Il y a ces femmes engagées contre la violence faite aux femmes.

Il y a...il y a...

Quelle authenticité, quelle dignité!

Quel lien extraordinaire entre Montreuil et le Mali, entre la France et l'Afrique nous est ainsi offert par Laurence Petit-Jouvet (forte d'une sensibilité africaine forgée par une enfance au Cameroun) et par ces femmes maliennes formidables, par le biais de l'expérience, et il faut le dire, de l'aventure de ce film.

Car non seulement ces femmes ont été associées étroitement à la réalisation de ce film, tant au Mali qu'à Montreuil, par le biais d'ateliers de création audio-visuels, mais encore, les projections du film sont l'occasion, en particulier en Seine Saint Denis, d'échanges d'expériences et de moments de communication uniques, autour de buffets maliens, avec les associations maliennes, etc,...

C'est comme si ce film, au service des femmes maliennes et de leur parole, avait fait surgir quelque chose que tout le monde semblait attendre.

Une expérience d'humanité : quelque chose de rare et de précieux en cette période difficile et troublée.

Ces "lettres filmées" vont poursuivre leur chemin en France et en Afrique, par le biais du bouche à oreille, portant le message d'espoir, de volonté indomptable, de résistance et de courage de ces femmes simples et magnifiques.

Quelle énergie m'a été transmise en visionnant ce film!
Car c'est de nous tous que ces femmes parlent!

Parole d'une femme malienne (auteure d'une "lettre filmée"), à la réalisatrice, Laurence Petit-Jouvet :
"Tu ne peux pas savoir quel plaisir c'était pour moi!
Bravo pour ton film qui était léger comme une plume au vol, qui pourtant parle de choses difficiles, lourdes.
Du coup, tu nous as allégées..."

J'ai bien perçu, sur le terrain, lors de mes voyages au Mali, combien la femme était le pivot et l'avenir de la société africaine.
Ce film simple, poignant, vrai, m'en apporte, s'il en était besoin, la confirmation!

Merci à Laurence Petit-Jouvet et à toutes les maliennes qui ont participé à cette aventure.

NB : ce film ne passe à Paris, en ce moment, que dans une seule salle : l'Espace St Michel, Place St Michel, au Quartier Latin.
Voir :

dimanche 20 mars 2011

Natalie Dessay au Met : une Lucia di Lammermoor emportée par la folie

Lucia di Lammermoor : un amour secret, un meurtre sanglant, une descente inéluctable dans la folie.

La retransmission de Lucia di Lammermoor de Donizetti, ce samedi 19 Mars, en Haute Définition depuis le Met à New York et visionné au Kinépolis de Mulhouse m'a absolument transporté!

Natalie Dessay interprète à merveille, je dirais même plus, investit totalement le personnage de l'héroïne condamnée à la folie, avec un brio, une conviction et un talent formidables.

Natalie Dessay a interprété Lucia à l'automne 2007, au Met, ouvrant ainsi la saison, dans la mise en scène de Mary Zimmerman (comme ce fut le cas hier soir, dans cette 'reprise').
L'opéra était diffusé sur écran géant sur Times Square!
Un triomphe...
Elle a fini par être identifiée avec ce rôle oh combien dramatique et sanglant, qui lui va comme un gant...

Comment rentre-t-elle dans ce rôle de folie et de mort ? Immédiatement!

Dès son entrée en scène, en effet, l'action ne lui laisse guère le temps de s'acclimater!

Natalie Dessay reconnait que le premier acte est pour elle le plus difficile ; et c'est là qu'elle nous emporte immédiatement dans un maëlstrom, puis un gouffre sans retour.

La mise en scène de Mary Zimmerman place l'action dans une société corsetée (En Ecosse du milieu du XIX° siècle et non pas celle de la fin du XVI°), ce qui renforce l'idée que dans une société apparemment fort polie et civilisée, les individus peuvent être cruels, et utiliser les autres au profit exclusif de leurs ambitions.

Les deux protagonistes de Natalie Dessay/Lucia imposent leur présence.


Edgardo, son amant malheureux, est interprété par Joseph Calleja, ténor (photo à gauche), qui est extraordinaire, en particulier dans le monologue final du III° Acte.

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Enrico le frère manipulateur, dominateur et tyrannique est interprété par Ludovic Tézier, baryton (photo de droite) ; il est magistral, dominant de son imposante carrure la frêle Natalie.

Un trio équilibré où chacun des interprètes a su mettre en valeur le caractère et la force de son personnage...sans étouffer pour autant ceux des autres : remarquable!

Natalie Dessay
(de son vrai nom Nathalie Dessaix), soprano capable de monter haut dans le suraigu, en coloratur, est aussi connue pour ses talents de comédienne et son investissement formidable sur scène.

Elle accorde une importance fondamentale à l'incarnation des personnages qu'elle interprète sur les plus grandes scènes.

En 1994 Natalie Dessay fait ses débuts au Met, à New York, dans le rôle de Fiakermilli dans Arabella de Richard Strauss, puis en 1997 dans le rôle de Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Richard Strauss, puis en 1998, avec Olympia : des triomphes.

En janvier 2001, elle réalise un rêve vieux de quinze ans : chanter Lucia di Lammermoor à la Scala : le succès est au rendez vous.

Durant la saison 2001-2002, elle éprouve des difficultés avec sa voix et doit annuler plusieurs représentations et se faire opérer...
A la fin de mars 2003, elle réapparait en grande forme au Met.
Sa Zerbinetta (Ariane à Naxos), virtuose et cabotine, en éclipse presque l'Ariane imposante de Deborah Voigt, la chanteuse préférée des spectateurs du Met (chanteuse que personnellement j'apprécie beaucoup : elle excelle dans La fiancée de l'Ouest, et j'attends avec impatience de la voir dans Die Walküre!).

Nouvelle opération des cordes vocales en 2005.
Elle abandonne certains rôles et en chante de nouveaux : Manon de Massenet (à Genève), Julette de Roméo et Juliette de Gounod (au Met), Lucia dans Lucia di Lammermoor, Violetta dans La Traviata de Verdi : le triomphe est absolu!

Natalie Dessay : l'une des voix les plus recherchées au monde.

Lucia di Lammermoor est l'opéra romantique par excellence, tant pour sa musique admirable et terriblement difficile, que par son ambiance nocturne, brumeuse, avec spectres garantis, une histoire de sang et de larmes!

On raconte, pour la petite histoire, qu'à New York, au siècle dernier, le public du Met, galvanisé par Caruso, dans le rôle d'Edgardo, avait manifesté son enthousiasme avec une telle vigueur que la police fit irruption dans la salle, croyant à une émeute...

Voir ici Natalie Dessay dans la scène de la folie.


vendredi 11 mars 2011

Sur les traces de Tintin, des abattoirs de Chicago à la Ford-T

La chaîne de montage est née à Detroit, aux USA, en 1913 dans les usines automobiles Ford.

Dans ses mémoires, Henri Ford affirme s'être inspiré de la chaîne de dépeçage des abattoirs de Chicago.

Mécanisation, productivité, gestion rigoureuse des flux et du travail des employés ont été les éléments du développement industriel du XX° siècle aux USA.

Mais, à l'origine, le travail à la chaîne a été expérimenté dans les célèbres abattoirs de Chicago.

Je suis passé, en mai 2010 par le Kansas, et en particulier à Dodge City, qui était le plus grand centre de transit de bétail des USA, entre 1875 et 1886 : voir ici.

Le bétail arrivait du Kansas directement aux abattoirs de Chicago par chemin de fer.

La viande 'alimentait' ensuite non seulement Chicago et sa région, mais aussi toute la côte Est.
La demande des consommateurs était considérable.

J'ai eu l'occasion d'obtenir des informations fort intéressantes sur ce sujet, lors de mes visites de Chicago, en juin 2010, guidé par des "docents" particulièrement au fait de l'histoire de leur ville.

A la fin du XIX° siècle, au moment même où se déroulait la fameuse Exposition Universelle de Chicago, avec ses bâtiments blancs extraordinaires qui avaient fait surnommer Chicago "The White City" ( sur l'emplacement actuel de l'Université de Chicago), prenait naissance, dans le sang des abattoirs, une révolution industrielle qui allait marquer le monde entier.

Chicago était à cette époque une ville d'innovations et d'essor économique fantastique.
La population ouvrière y était nombreuse et le mouvement syndical puissant.

Le 1° Mai entrera dans les traditions après qu'un 1° mai 1886 à Chicago des ouvriers aient manifesté sous les balles. Pour casser le mouvement, 3 syndicalistes seront condamnés à la prison à vie et 4 autres pendus sans preuves...Les syndicalistes revendiquaient les 3x8 h!

Paul Bourget
(1852-1935), auteur typique de la III° République raconte dans "Outre-Mer", en 1894, sa visite de ces abattoirs :

" Un des énormes commerces de cette ville est celui de la viande.
Les gens de Chicago en rougissent un peu.
Autrefois ils vous parlaient de leurs abattoirs avec cette bonhommie dans l'orgueil qui est un des charmes du grand parvenu...

...Chicago aspire à ne plus être simplement la fournisseuse de nourriture qui, l'année dernière, par une seule de ces maisons, a dépecé un million sept cents cinquante mille porcs, un million quatre vingt mille boeufs, six cents vingt cinq mille moutons... ".

"Cette promenade à travers cette maison de sang restera comme l'un des souvenirs les plus étranges de mon voyage"

Les abattoirs furent à Chicago la première industrie de masse, en effet les quantités traitées obligeaient à innover dans le processus de production.
Les champions de cette révolution industrielle furent les abattoirs Armour et Swift.

Hergé a certainement visité ces abattoirs.
Il s'en est inspiré pour ses pages sur Chicago dans "Tintin en Amérique".
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Detroit n'est pas très éloigné de Chicago (400 km), et Henry Ford, à l'époque, en a visité les abattoirs : il a ainsi reproduit ces innovations industrielles prometteuses dans le secteur de l'automobile.

Ce fut le début du "Fordisme". Les salaires des ouvriers étaient fixes.

Le "Taylorisme", plus tard, améliorera le système, avec des salaires incitatifs.

La première chaîne de montage ("assembly line") fut celle du montage du chassis de la Ford T, à l'automne 1913.

En 1910, Ford produisait moins de 20 000 modèles "T" par an.

A partir de 1913, les usines produisirent plus de 100 000 voitures par an.

Hergé a retenu également, pour les déplacements de Tintin, dans l'album controversé "Tintin au Congo", une ...Ford T!

Je rappellerai, dans une note ultérieure, les côtés plus que douteux du personnage Henry Ford, son antisémitisme notoire, ses relations privilégiées avec les nazis, et comment il inspira Hitler, qui l'admirait (Il avait le portrait de Henry Ford dans son bureau!), pour la production de masse de la Volkswagen, et la réalisation de ses projets d'extermination de masse...

dimanche 6 mars 2011

Ansel Adams, un amoureux du Grand Ouest américain

" Ne prenez pas de photos, faites des photos! "

C'est Ansel Adams, célèbre paysagiste américain (1902-1984), qui nous incite fortement à ne pas être passif, à ne pas appuyer sur le déclencheur simplement parce qu'on a vu quelque chose...

Qu'est-ce que "faire une photo"?

C'est choisir son cadrage, son exposition, sa profondeur de champ, l'instant exact... faire sa propre photo, au lieu de prendre ce qui se présente.

C'est l'inverse de ce qui se passe, avec les APN, les petits appareils photo numériques, qui nous permettent d'accumuler des centaines de photos "prises" et non pas "faites", photos que nous accumulons sur un disque d'ordinateur, sans plus les regarder par la suite...
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Pourquoi cette note, aujourd'hui, sur Ansel Adams?
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Tout simplement parce que, visitant à Paris en ce moment des expositions d'oeuvres de photographes (au BAL, à la Fondation Henri Cartier Bresson), je me suis souvenu brusquement de la magnifique exposition vue le 22 mai 2010 à Phoenix, Arizona (Phoenix Art Museum, Steele Gallery ), consacrée à Ansel Adams, et de l'impression profonde et durable que j'en avais retirée.

Voir ici.

Il s'agissait de photographies Noir et Blanc de l'extraordinaire nature de l'Ouest américain et de ses parcs, prises à la chambre grand format (plus de 4x5 pouces) : Yosemite, Grand Canyon, Canyon de Chelly, Grand Tetons, Glacier National Park, etc,...

Malgré leur poids, leur encombrement, et leur coût, les grandes chambres permettent une résolution et un piqué sans pareils.
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On voit, sur une photo ci-contre Ansel Adams à l'oeuvre sur le toit de sa voiture.

J'ai pu, au Phoenix Art Museum, contempler et examiner sous toutes les coutures son chef d'oeuvre : "Moonrise, Hernandez, New Mexico, 1941", voir ci-dessous, parmi une centaine de photographies absolument saisissantes.

Sa vocation prit naissance à l'âge de 12 ans, quand, muni d'un "Brownie" de Kodak, il s'aventura dans le Parc Yosemite.

Les prix et récompenses qui ont depuis jalonné sa carrière ne se comptent plus.

Le prix de ses négatifs sur plaques et de ses tirages atteignent actuellement des sommets : voir ici.

Ansel Adams a été avant l'heure un militant pour la défense de l'environnement, en faisant partager au plus grand nombre, par des conférences, des expositions, des livres et des tirages bons marchés, sa vision éblouie des fantastiques beautés du Grand Ouest américain. -
Et c'est en cela qu'il m'a touché si profondément.
Ses photos me font revivre des émotions uniques.

Ses tirages sont d'une profondeur et d'une clarté époustouflantes, et pour tout dire, un hymne exceptionnel à la nature!

Il développa également, avec Fred Archer, le "Zone System", procédé qui permet de déterminer l'exposition correcte et d'ajuster le contraste sur le tirage final.
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Le résultat est là et la technique s'efface!

Voir  Mon site photo.
Et c'est en cela qu'il m'a touché si profondément.
Ses photos me font revivre des émotions uniques.

Ses tirages sont d'une profondeur et d'une clarté époustouflantes, et pour tout dire, un hymne exceptionnel à la nature!

Il développa également, avec Fred Archer, le "Zone System", procédé qui permet de déterminer l'exposition correcte et d'ajuster le contraste sur le tirage final.
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Le résultat est là et la technique s'efface!

Voir  Mon site photo.

vendredi 4 mars 2011

Les mystères de la Grotte de Songho, au Pays Dogon.

Sur notre route de Sanga (au Mali, Pays Dogon) à Ouaigouya (Burkina-Faso), nous nous sommes arrêtés, fin janvier, au village mystérieux de Songho (à la limite du Pays Dogon).

Songho, constitué d'un village et d'une dizaine de hameaux, soit 2000 habitants, était situé à l'origine sur un site refuge en plateau surélevé, d'où les habitants en descendirent à la fin du XIX°, ne craignant plus désormais les razzias des nomades.

On y trouve 5 noms de familles : les Karembé (la famille dominante), les Guindo, les Yanogué, les Dégoga et les Seiba.

Songho est surtout connu pour sa "Grotte des circoncis" et ses mystères.
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Lorsque j'ai visité ce village, j'étais le seul blanc : aucun touriste!
Un villageois m'a accompagné, mon ami dogon faisant la traduction.

La Grotte, accessible par une petite grimpette, dans un chaos de rochers, est en fait une avancée de la falaise.

J'y ai découvert de nombreuses peintures, anciennes, mais restaurées tous les ans, à la symbolique mystérieuse.

On peut voir des peintures sous l'avancée de rochers, sur la photo en haut à gauche, qui indique que l'on approche de la Grotte.

Leurs couleurs sont le blanc (symbole de bonheur et de chair, obtenu à partir d'os broyés), le noir (symbole des aliments, obtenu à partir de cendres), et l' ocre (symbolisant le sang).

Une peinture particulière ( photo à droite)représente les 5 familles de Songho.

Selon un cérémonial extrêmement codifié, les jeunes garçons, par tranches d'âge, sont assis au pied de cette falaise, sous l'avancée rocheuse.

Les plus âgés viennent en premier, chargés de donner l'exemple de la résistance à la douleur aux plus jeunes.

Les garçons sont assis sur des pierres et les circoncisions sont alors pratiquées en série ; la cicatrisation est favorisée par des onguents et des plantes médicinales.

On raconte qu'un serpent, placé à proximité, leur donne du courage et les incite, lors de l'opération de la circoncision, à ne pas bouger, sous peine de morsure...
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D'ailleurs, on peut admirer sur la Grotte (photo en haut à droite), la représentation d'un serpent, qui est le protecteur de la "Grotte des circoncis".

Il parait que pas loin se trouve une autre grotte où est encore pratiquée l'excision des fillettes, et, ça, les locaux ne vous en parlent pas...

Les garçons restent ensuite un mois dans la "Grotte", afin d'être initiés aux mystères par les dessins et les peintures.
Les plus agités sont reclus dans une grotte plus petite, en attendant qu'ils se calment.

C'est le passage de l'enfance à l'âge adulte.

Au moment de la cérémonie de la circoncision, des instruments de musique spécifiques (voir photo) sont utilisés et résonnent jusqu'au bout de la plaine.
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Ces instruments sont entassés dans un recoin de la grotte (il m'a été donné de les voir de près).
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Il est absolument interdit de les utiliser en dehors des cérémonies sous peine d'attirer malheurs et maléfices.

jeudi 3 mars 2011

Iphigénie en Tauride : Susan Graham au Met!

Le samedi 26 Février, j'ai assisté, à Mulhouse, à la retransmission depuis le Met, à New-York, d' Iphigénie en Tauride de Gluck.

C. W. Gluck (1714-1787) avait 65 ans quand il écrivit Iphigénie en Tauride.

Il reste l'auteur célébré d'Orphée et Euridice (1782)

Un contemporain fit remarquer qu'il y avait de nombreux passages très beaux dans cet opéra.
"Il n'y en a qu'un", répliqua l'abbé Arnaud.
"Lequel?"
"L'oeuvre entière!"
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La première de cet opéra eut lieu à Paris en 1779, puis au Met en 1916, et en 2007 avec la même distribution.
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Voila un opéra sévère et sublime, situé dans la Grèce antique.
La famille d'Iphigénie s'est entretuée sauvagement.

Clytemnestre assassine Agamemnon : elle est tuée par Oreste, qui venge ainsi son père.

Iphigénie, devenue prêtresse sur l'île de Tauride, et ignorant tout de ce drame épouvantable, ne peut se résoudre au sacrifice de son frère, fait prisonnier par les Scythes, et tente tout pour le sauver.

Il s'agit là d'un opéra assez intimiste, où les dieux ne sont pas omniprésents pour régler le sort des humains, même s'ils interviennent à la fin pour rétablir l'ordre et la justice.

Nous assistons à l'exposition d'un drame atroce qui aboutit à l'éclatement d'une famille.

La folie est omniprésente : celle d'Oreste, consumé à l'extrême par la culpabilité d'avoir du assassiner sa mère pour venger son père, celle d' Iphigénie, rongée par un conflit insoutenable, celui de devoir sacrifier un homme qu'elle reconnait peu à peu comme étant Oreste, son frère.

Susan Graham (mezzo-soprano) est toute en force et en retenue, absolument magnifique : j'y ai cru et me suis laissé emporter par son jeu, sa présence, sa voix exceptionnelle et sa diction parfaite.

Susan Graham née au Nouveau Mexique (USA) a un répertoire déjà formidable : entre autres, Marguerite dans "La Damnation de Faust" de Berlioz, La Scala 2008 ; Didon dans "Les Troyens" de Berlioz, au Châtelet à Paris ; Charlotte dans "Werther" de Massenet ; Poppée dans "Le couronnement de Poppée", de Monteverdi ; Dona Elvira dans "Don Giovanni" de Mozart ; Rosina dans "Le Barbier de Séville" de Rossini...et aussi le rôle titre dans "La Veuve Joyeuse" de Franz Lehar.

Susan Graham est l'une des chanteuses les plus recherchées de notre époque!

J'ai été séduit par le timbre de sa voix, son incroyable présence sur scène, et l'émotion qui se dégage de son interprétation du rôle particulièrement difficile d'Iphigénie.

Quant à Placido Domingo (ténor), j'avoue ne pas l'avoir trouvé convainquant...peut-être lui-même n'était-il pas convaincu par ce rôle d' Oreste ?
Il ne m'a pas semblé très à l'aise dans ce rôle assez intériorisé et trop "classique" peut-être, par rapport à ses rôles habituels dans des opéras italiens, par exemple.

Sans parler de l'âge, il faut bien le dire : j'aurais aimé un Oreste plus jeune, donc plus vraisemblable...

Paul Groves (ténor), en Pylade, dans un rôle un peu en retrait par rapport à celui d'Oreste nous a offert une grande sensibilité dans l'expression et une diction parfaite.
Chef d'orchestre : Patrick Summers et mise en scène : Stephen Wadsworth.

En résumé, une excellente soirée de découverte d'un type d'opéra plus "classique", auquel je suis moins habitué, étant plus fervent de Verdi, de Puccini, de Donizzetti, de Mozart...

Voir la bande annonce du Met :

mardi 1 mars 2011

True Grit : un vrai bonheur!

Vu jeudi 24 février, avec un vrai bonheur, "True Grit" des frères Coen!

Un remake, mais quel remake!

True Grit : un vrai courage, un sacré cran...et aussi un vrai succès.

Ce western de Joel et Ethan Coen, sorti aux USA au niveau national le 22 décembre, et le 23 Février 2011 en France, est déjà leur plus gros succès au Box Office américain.

Quant à moi : j'adore les westerns, surtout les westerns décalés.

Autant dire que j'ai adoré ce film : une bonne cure de détente, côté zygomatiques, et aussi d'émotion, et comme il est d'usage de dire maintenant : "rien que du bonheur"!

Il faut dire que je suis par ailleurs, je l'avoue sans honte, un inconditionnel de Sergio Leone, n'en déplaise aux puristes, au point d'avoir vu une dizaine de fois "Il était une fois dans l'Ouest", et "Le Bon, la Brute et le Truand"!
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Mais ce "True Grit" des frères Coen, je ne le rangerais pas dans la catégorie des "Westerns spaghettis", c'est autre chose : bien mieux, pour tout dire!

Ce qui ne m'empêche pas, bien entendu, de fort apprécier John Wayne, encore et toujours, et je persiste et signe, lorsque je peux emprunter des vidéos de John Ford (La Chevauchée Fantastique, le Massacre de Fort Apache, la Charge Héroïque, Rio Grande, l'Homme Tranquille, la Prisonnière du Désert,..et, bien entendu, le must : l'Homme qui tua Liberty Valance!), de Howard Hawks (la Rivière Rouge, Rio Bravo, El Dorado, Rio Lobo,...), ou de Henry Hathaway!

Henry Hathaway, parlons-en, justement : "Cent Dollars pour un sherif", en version originale "True Grit", est sorti en 1969.

Glen Campbell et Kim Darby y donnaient la réplique à John Wayne .
John Wayne, incarnation à lui seul de l'Amérique conquérante a toujours représenté le héros solitaire, viril, un peu machiste, tout au long de sa carrière...
Il déclarait même :" J'ai joué John Wayne dans tous mes films et ça m'a plutôt bien réussi! "

L'Amérique conquérante ? Voire!
Dans le "True Grit"de 1969, que j'avais déjà fort apprécié, le héros qu'il incarne en prend pas mal pour son grade, ne se montre pas à son avantage, et représente plutôt une Amérique engagée sur la voie de la décadence!

Ce film valut à John Wayne, en 1970 le seul Oscar de sa carrière!

C'était un film tiré du roman de Charles Portis, "True Grit", et traduit en français en 2011 aux Editions du Serpent à Plumes.
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Pour en revenir aux Frères Coen : Jeff Bridges est époustouflant, en sherif décalé et désabusé (Rooster Cogburn), la jeune Hailee Steinfeld réellement étonnante dans le rôle de Mattie Ross, adolescente téméraire. Josh Brolin nous campe un excellent Tom Chaney, le meurtrier du père de Mattie Ross. Matt Damon, quant à lui, a un rôle plus secondaire de Texas Ranger , que j'ai trouvé assez effacé.

Ce western mêle à la fois les ingrédients traditionnels du genre, la comédie noire et le conte (la scène de chevauchée sous les étoiles, beau clin d'oeil au spectateur!)

J'en suis ressorti ragaillardi et plein d'énergie, c'est tout dire!
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Voir :
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