mercredi 27 avril 2011

Il y a 720 ans, au Rütli, naissait la Confédération Helvétique




Lors de notre magnifique randonnée sur le "Chemin Suisse" (voir ici), nous sommes passés dans la prairie du Rütli (en Allemand : "petite prairie"), conscients que ce lieu était chargé d'Histoire et d'histoires, et faisait partie des mythes fondateurs de la Suisse.


Le Rütli est situé dans le canton d'Uri, sur la commune de Seelisberg.



En effet, en 1291 (très exactement le 1° Août) se réunissaient dans cette même prairie du Rütli (ou Grütli), au dessus du Lac des Quatre-Cantons (de sa partie appelée Lac d'Uri) des représentants de 3 communautés paysannes des "pays forestiers" (Waldstaten), qui voyaient leur autonomie menacée par Rodolphe I° de Habsbourg, dont les domaines cernaient et empiétaient de plus en plus sur leurs territoires.

A noter que le Lac des Quatre-Cantons s'appelle aussi Vierwaldstättersee (Lac des quatre "pays forestiers").



Les trois cantons de Schwyz, d' Uri et d' Unterwald décident alors de faire front, prenant exemple sur des villes italiennes qui avaient réussi à conquérir leur autonomie.




Les représentants des trois cantons font ainsi, au Rütli, le serment de se défendre ensemble contre les Habsbourg, de se prêter secours, de n'accepter aucun juge étranger, de trancher leurs différents par l'arbitrage des plus sages,...

Le pacte rédigé en latin, est conclu pour l'éternité et aurait été signé par Walter Fürst, Werner Stauffacher, et Arnold de Melchtal.



Il est conservé aux archives de Schwyz.



"Les hommes de la Vallée d'Uri, de la Communauté de la Vallée de Schwyz, et de la Vallée Inférieure d'Unterwald, considérant la malice des temps, et à l'effet de se défendre et maintenir avec plus d'efficacité...." prenaient l'engagement "de s'assister mutuellement et de toutes leurs forces, de se prêter secours et bons offices, tant au dedans qu'au dehors du pays, envers et contre quiconque tenterait de leur faire violence, les inquiéter ou les molester en leurs personnes et en leurs biens."



Dès le début du XVIII° siècle, le Rütli est le lieu de réunions patriotiques suisses.


Le terrain appartient désormais à la Confédération, comme "bien national inaliénable".



En 1891, les Suisses ont fait du 1° Août leur Fête Nationale, et chaque année, cet endroit est un haut lieu du patriotisme helvétique.



L'un des plus importants évènements historiques récents lié au site du Rütli a eu lieu le 25 Juillet 1940 lorsque le général Henri Guisan a réuni là les cadres de l'armée (les 500 plus hauts officiers) pour appeler à la résistance nationale face à l'encerclement par les forces de l'Axe.



Cet évènement est connu sous le nom de "Rapport du Grütli".



Un conflit de type "guérilla"sur le terrain difficile que sont les montagnes suisses semblait alors être, au yeux de l'Etat Major suisse suffisamment décourageant pour que l'Allemagne ne tente pas une incursion sur les terres helvétiques...



La stratégie consistait aussi à "garder en main les passages alpestres" fondamentaux et éventuellement les détruire pour bloquer la progression des troupes de l'Axe.



Pour bon nombre de personnalités étrangères, un arrêt au Rütli est un passage obligé, lors de la visite de la Confédération Helvétique.


Le Roi Louis II de Bavière s'est rendu plusieurs fois au Rütli.


En 1980, la Reine d'Angleterre s'est rendue au Rütli en bateau à vapeur...



Ce lieu est difficile d'accès et le meilleur moyen pour y parvenir est de prendre le bateau depuis Brunnen, et c'est ce que nous avons fait.



Ce fut une halte reposante avant la montée des 350 m vers Seelisberg.

mardi 26 avril 2011

Photographie : David Goldblatt, "Transvaal, Johannesburg"

David Goldblatt est le chef de file de la photographie sud-africaine.

Sa carrière est rythmée par l'histoire mouvementée de son pays, où il est né en 1930.

En 2009, il reçoit le Prix Henri Cartier Bresson, qui lui permet de continuer à explorer les fractures de Johannesburg, et plus particulièrement les liens entre urbanisme et criminalité, entre les individus et les structures qu'ils habitent.

Son travail nous a été montré à la Fondation Henri Cartier Bresson, à Paris, où j'ai pu l'admirer fin mars (l'exposition s'est terminée le 17 Avril).

C'était sa première exposition importante dans une institution parisienne.


Nous avons pu y voir, entre autres, son travail en Noir et Blanc de l'époque de "TJ" (Transvaal, Johannesburg).

Cet acronyme provient de l'ancien système d'enregistrement des véhicules sud africains avant l'informatisation.

Ces lettres qui désignent la ville et la province dans lesquels les véhicules étaient enregistrés induisent, selon David Goldblatt un sentiment d'appartenance.

C'est une manière "intime" pour lui, de désigner la ville où il vit depuis de nombreuses années.

Johannesburg est une ville fragmentée, aux mille visages, en perpétuel changement, avec une histoire complexe et douloureuse.

Pour David Goldblatt, "L'un des pires effets de l'apartheid, c'est qu'il a empéché d'appréhender le mode de vie de l'autre".

Nous avons vu dans cette belle et émouvante exposition, tout d'abord une soixantaine de tirages (effectués par l'auteur) montrant des fragments de vie prélevés pendant ces années où les lois se multipliaient pour mettre la main d'oeuvre de couleur à l'écart.

Il a utilisé pour son travail tantôt le 24x36, tantôt le 6x6, tantôt la chambre grand format.


Une seconde partie de l'exposition nous a montré des photos prises après la fin de l'apartheid et on y voyait d'anciens criminels invités par le photographe à revenir sur les lieux de leurs crimes, forfaits ou exactions.

Chacun, homme ou femme, racontait son histoire, faite de petits délits, de meurtres, de prison et d'espoirs.

"Je ne crois pas que beaucoup d'entre eux soient fondamentalement mauvais. Ils en sont venus à faire ce qu'ils ont fait pour diverses raisons." déclare David Goldblatt : contexte familial difficile, système éducatif défaillant, drogue.


Les paysages urbains exposés en parallèle plantaient la grande banalité des décors quotidiens.

Ils soulignaient les fractures et le tissage des liens complexes entre les habitants, quelle que soit leur communauté.

Une exposition dérangeante, émouvante, portant à la réflexion sur un pays, connu par moi seulement par quelques clichés, qui traverse une période de mutations sans précédent.

lundi 25 avril 2011

A pied sur la "Voie suisse"



En randonnant à pied sur la "Voie suisse" (Weg der Schweiz), nous marchons sur les traces historiques de la Confédération Helvétique.
C'est ce que nous avons fait pendant deux jours, la semaine passée, en parcourant l'itinéraire pédestre de 35km autour de la partie méridionale du Lac de Quatre-Cantons (Vierwaldstättersee), ou Lac d'Uri (Urnersee).



C'est en effet pour les 700 ans de la Suisse, en 1991, qu'a été créé cet itinéraire appelé La "Voie Suisse".


Les tronçons se répartissent entre les cantons, en proportion de la population de chacun d'entre eux. Chaque Suisse et Suissesse possède ainsi ...5mm de la Voie Suisse!


Les étapes sont ordonnées selon l'entrée du canton dans la Confédération.
Les cantons primitifs sont placés au début du parcours sur la rive gauche du lac.


Ce sont les cantons d' Uri, de Schwytz et d' Unterwald


Le dernier canton a avoir rejoint la Confédération est le canton du Jura, en 1979.

Son tronçon se situe donc avant Brunnen.

On peut en parcourir seulement quelques tronçons, ou la totalité en 2 jours, à raison de 6h de marche par jour, comme nous l'avons fait.


De chaque point de la Voie partent bateaux, bus, ou trains pour un autre point.

On trouve des renseignements ici.


C'est un circuit vraiment splendide, alternant montées soutenues, et chemins plats au bord du lac, vues spectaculaires à la fois sur le lac et sur les sommets enneigés.

Arrivés en train depuis Bâle à Flüelen nous avons tout d'abord randonné sur la rive droite jusqu'à Brunnen, où nous avons dormi.


Le lendemain, nous avons pris le bateau pour le Rütli, et avons suivi l'itinéraire jusqu'à Flüelen, afin de reprendre notre train pour Bâle.


A noter sur cette seconde journée de marche, la descente de Seelisberg à Bauen, sur le tracé de l'ancien chemin du Gothard, qui compte pas moins de 960 marches...


En parcourant ce chemin, nous parcourons l'histoire de la Suisse.


A commencer par le Rütli, lieu de naissance de la Confédération Helvétique : c'est sur cette clairière, située un peu au dessus du lac, face à Brunnen, que les représentants des cantons primitifs prêtèrent en 1291 le "serment du Rütli" qui scellait une alliance contre les baillis étrangers. J'y reviendrai.

Au début du lac d'Uri se dresse un imposant rocher, dit "Rocher de Schiller" (Schillerstein) qui commémore le centenaire de la naissance de Schiller, qui, en 1804, avait représenté pour la première fois, à Weimar, son drame "Guillaume Tell".


A Bauen, on ne peut manquer le monument à Alberik Zwissyg, né en 1808, compositeur de l'hymne national suisse ("Sur nos monts, quand le soleil annonce un brillant réveil, etc,...")


La Chapelle de Tell!

La légende veut qu'à cet endroit même Guillaume Tell se soit sauvé en sautant du bateau du bailli autrichien Gessler.


Au dessus de cette chapelle se trouve le plus grand carillon (Glockenspiel) de Suisse, qui fait retentir au loin, toutes les heures, une de ses nombreuses mélodies.


Je ne voudrais pas oublier de mentionner l' Axenstrasse!
Ce n'est qu'en 1865, après l'achèvement de la route menant au Col du Gothard, que l'Axenstrasse est devenu carossable.


Jusque là, voyageurs et marchandises utilisaient le bateau entre Flüelen et Brunnen.


Cette route est en grande partie creusée dans la roche!

Avant Flüelen, la Voie Suisse suit le tracé original de l'ancienne Axenstrasse.

...et j'en oublie certainement!

Pour résumer, une magnifique randonnée "à tous points de vue" : un bain de nature (le soleil était de la partie) et d'histoire!

dimanche 24 avril 2011

Une "Affaire Makropoulos" fantastique à l'Opéra National du Rhin




Fantastique, cette "Affaire Makropoulos", de Leos Janacek, l'est au sens propre du terme.


J'ai eu le plaisir d'aller écouter cet opéra produit par l'Opéra du Rhin, à La Filature, à Mulhouse, le jeudi 21 avril.


Tout cela est magnifiquement mis en scène par Robert Carsen, la direction musicale de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse étant totalement maîtrisée par Friedemann Layer .


C'est une "Affaire" qui prend naissance dans la Prague de Rodolphe II, célèbre pour son intérêt pour la magie et l'alchimie (voir la ruelle des alchimistes près de son Chateau sur la colline de Hradcany).

Le Roi Rodolphe II, dernier des Habsbourg à avoir régné à Prague, aurait obligé le père d'Elina, médecin à la cour, à tester sur sa fille l'élixir de vie que ce dernier lui a confectionné.


L'expérience s'avère concluante, la jeune fille s'enfuit et son père est jeté en prison.


Cette femme énigmatiquement belle, Elina Makropoulos, que nous voyons tout au long de ce drame, est donc née en 1575.

Nous la retrouvons en 1912 : Elina est de retour à Prague sous le nom d'Elina Marty : toujours les mêmes initiales E.M. pour cette femme immortelle qui change d'identité tous les 60 ans....

Elina Marty est une diva d'Opéra mondialement célèbre.

Elle semble avoir pris goût à l'éternelle jeunesse et recherche désespérément la formule qui la fera à nouveau vivre 300 ans, mais elle est démasquée et finit par renoncer à cette vie éternelle cynique, immorale et impossible!


L'"Affaire Makropoulos", composé entre 1923 et 1925 (d'après une pièce de Karel Capek) , le 8° et avant-dernier opéra de Janacek (il avait alors 71 ans), a été créé en 1926 à Brno.

Cet opéra court a ceci de particulier qu'il ne comprend ni air, ni duo, ni choeur, ni interludes orchestraux, mais simplement une sorte de récitation rapide et continue.


La particularité de l'écriture de Janacek est de transformer la parole vivante en note musicale.


Les évènements les plus insignifiants de la vie sont ainsi chargés d'une émotion musicale assez surprenante, voire déroutante.

Il s'agit en quelque sorte d'une notation mélodique du langage parlé, appuyée sur une partition orchestrale et rythmique assez élaborée.


Donc, assez loin de ce à quoi je suis habitué : Verdi, Puccini, Donizetti, Rossini et tutti-quanti...sans parler de Wagner!


Mais cela fait du bien de pouvoir s'ouvrir à de nouvelles oeuvres...surtout lorsqu'elles sont courtes (1h30)!

Cela me donne en tout cas envie d'aller écouter d'autres opéras de Janacek, tels que Jenufa (que j'ai raté récemment à Mulhouse), La Petite Renarde rusée,...


En fait j'apprécie particulièrement ses oeuvres pour piano (sur un sentier recouvert, dans les brumes, trois danses moraves), ainsi que ses oeuvres symphoniques (Sinfonietta, Taras Boulba)


Fantastique, cette "Affaire Makropoulos" l'est aussi de par l'interprétation époustouflante de la soprano australienne Cheryl Barker, absolument étonnante, à la fois dans ses changements de personnages extrêmement rapides, son jeu scénique, et sa voix bien adaptée à une oeuvre qui exige autant de l'interprête que celle de Janacek.

L'"Affaire Makropoulos" : un grand rôle pour une interprète d'exception!

C'est saisissant de puissance et de beauté...


L'"Affaire Makropoulos" nous offre une introspection existentielle : une méditation ironique sur la vie, la mort, le temps qui passe dans nos vies.


"Tout est tellement absurde, vide, dénué de sens", s'exclame Emilia Marty, "il ne faut pas vivre aussi longtemps! "


Finalement, on ne peut supporter de vivre que si l'on sait que l'on doit mourir!


Et Janacek choisira de laisser mourir celle qui est devenue un monstre sans coeur ni âme, sans foi ni loi.

samedi 23 avril 2011

Un tour du Kaiserstuhl à vélo bien agréable

Nous venons de faire le tour du Kaiserstuhl à vélo, par un temps printanier bien agréable.
Soit 60 km en 4 h de pédalage pur.

Compter les arrêts en plus dans des endroits ombragés et sympathiques, la traversée à petite vitesse de villages pittoresques et chargés d'histoire.

Le tout sur des pistes cyclables bien aménagées telles que savent en faire nos voisins et amis allemands, et à travers des paysages diversifiés et accueillants.

Le circuit traverse une dizaine de charmantes cités vigneronnes. A noter Ihringen, Eichstetten, Riegel, Endingen, Sasbach.

Car le Kaiserstuhl est situé en Allemagne, dans le pays de Bade, légèrement au NO de Freiburg im Breisgau, tout proche de l'Alsace : juste de l'autre côté du Rhin.

Point de départ : Breisach (am Rhein), charmante petite ville que nous connaissons bien, et retour le long du Rhin ; arrivée à Breisach après la boucle et les 60km.

"Kaiserstuhl" signifie en français : "La chaise de l'Empereur".

Cette appellation viendrait, non pas de la forme de ce petit massif, (qui ne rappelle en rien une chaise!) mais du Roi Otton III, qui a présidé à une journée de jugements près de Sasbach en 994, deux ans avant son couronnement en tant qu'Empereur du Saint Empire.

La partie centrale de ce petit massif, isolé, à l'Ouest de la Forêt-Noire, qui est d'origine volcanique, est donc constituée de basalte, recouvert d'une couche de loess de 10 à 40m d'épaisseur.

Son sommet, le Totenkopf culmine à 557m.
Son altitude moyenne est de 355m.
On y trouve un type de chemins creux très encaissés, appelé Hohlweg.

Le massif est couvert de vignes qui y prospèrent bien, grâce au sol en loess et à la chaleur ; le Kaiserstuhl est en effet le coin le plus chaud d'Allemagne, et il ne fait pas bon de s'y promener en plein coeur de l'été!

Ihringen, situé à son extrêmité sud ouest, est le bourg le plus chaud d'Allemagne.

Le Kaiserstuhl abrite nombre de plantes rares (La plus grande diversité d'orchidées d'Europe, avec 30 espèces) de par son climat à tendance méditerranéenne ; on y trouve des chênes pubescents, des iris en grand nombre.


Y vivent également des lézards verts et des mantes religieuses, espèces que l'on trouve uniquement sous les climats méditerranéens.

Ce petit massif est un lieu de randonnées varié et intéressant de par les vues splendides sur la Forêt Noire, la Plaine d'Alsace et les Vosges.

Une découverte intéressante, en passant par Riegel, au nord-est du massif, lors de notre périple : s'y trouvent en effet des ruines d'un bâtiment servant au culte de Mithra.

A Rome, le culte de Mithra, le dieu de la lumière et du soleil en Perse (où il était actif au II° siècle avant J.C.) apparaît à la fin du I° siècle après J.C. et relève, semble-t-il, d'une fondation ésotérique.

Cette religion s'est répandue rapidement sur l'ensemble de l'Empire romain par l'intermédiaire des marchants et des militaires, auprès desquels elle eut un succès incontesté.

Ce culte atteindra son apogée au III° et IV° siècle après J.C. et sera un concurrent sérieux du christiannisme. Il fut déclaré illégal en 391.
Riegel était un lieu de garnisons située au carrefour de routes importantes et abritait une communauté d'adeptes de Mithra.
Les ruines situées à Rigel sont celles d'un temple, le mithraeum.



Notre retour le long du Rhin fut de toute beauté, et, après l'effort, le réconfort : une "Forêt Noire" (Schwartzwälderkirchtorte) dans l'un des cafés de Breisach, où elles sont excellentes!
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Ah! Il y a des petits plaisirs qui ne se refusent pas...

jeudi 14 avril 2011

Bravo Riccardo Muti, viva Giuseppe Verdi!

Le 12 Mars dernier à l'occasion des festivités pour le 150° anniversaire de la création de l'Italie, l'Opéra de Rome donnait une représentation de l'Opéra le plus symbolique de cette unification : Nabucco de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Muti.


Nabucco est une oeuvre autant musicale que politique : elle évoque l'épisode de l'esclavage des juifs à Babylone, et le fameux chant "Va pensiero" est celui du choeur des esclaves opprimés.


En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple qui, dans les années 1840, époque ou fut écrit l'opéra, était opprimée par l'Empire des Habsbourg, et qui lutta jusqu'à la création de l'Italie unifiée.


Silvio Berlusconi était présent à cette représentation.


Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome et ancien ministre de Berlusconi, est monté sur scène pour faire un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture.





Riccardo Muti raconte : " Au moment du 'Va pensiero', le silence s'est rempli d'une véritable ferveur.


Alors que le choeur arrivait à sa fin certains s'écriaient déjà : 'Bis', 'Vive l'Italie', 'Vive Verdi'. Des papiers remplis de messages patriotiques commencèrent à tomber du poulailler... "



Dans un geste théatral, Riccardo Muti s'est alors retourné vers le public et vers Silvio Berlusconi.


On entendit "Longue Vie à l'Italie! " dans le public.


Alors, Riccardo Muti déclara : " Oui, je suis d'accord avec ça, 'Longue Vie à l'Italie', mais...

...en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays.


Donc j'acquiesce pour votre demande de bis pour le "Va pensiero"...car je pense que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de l'Italie est bâtie! "


Applaudissements à tout rompre y compris les artistes sur scène.


Riccardo Muti continua : " ...et puisque nous sommes dans notre Maison, le théatre de la capitale, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble! "


Riccardo Muti raconte : " Des groupes de gens se sont levés, puis tout l'Opéra de Rome s'est levé, et le Choeur s'est lui aussi levé. Ce fut un moment magnifique dans l'Opéra, une déclaration du théatre de la capitale à l'attention des politiciens. "


J'aurais bien aimé être là.

C'est ça aussi, l'opéra!

Viva l'Italia!

Voir :


lundi 11 avril 2011

"Le Comte Ory" au Met, entre libertinage et travestissements


"Le Comte Ory" de Rossini, retransmis du Met à New York et visionné au Kinépolis de Mulhouse samedi 9 avril, a été pour moi un moment de bonheur, tant cet opéra comique truculent et paillard est servi, enlevé à vive allure, par des interprètes formidables.


L'oeuvre, l'avant dernier opéra de Rossini, créée à Paris en 1828 y connut un succès considérable et fut jouée 400 fois entre sa création et 1884.


Sur un ton léger et tonique, Rossini nous entraîne sur les traces des frasques du terrible Comte Ory, séducteur impénitent qui ne recule devant rien, ni devant aucun artifice ni travestissement, aussi ridicule soit-il, pour parvenir à ses fins : séduire la belle et jeune comtesse Adèle que son noble époux, parti aux Croisades, a laissé, ainsi que ses suivantes, sans protection aucune dans son castel de Formoutiers.


La scène se situe donc en France, vers 1200, et s'inspire d'une histoire médiévale de chevaliers séducteurs et de nonnes, retranscrite par Pierre Antoine de la Place.


Au départ, cet opéra est un amalgame de deux oeuvres complètement différentes : le "Voyage à Reims", écrit par Rossini pour célébrer le couronnement de Charles X en France, et un vaudeville en un acte écrit par Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson et pourtant, Rossini a opéré une sorte de miracle avec cet opéra.


"Le Comte Ory" est pour la première fois mis en scène au Met en 2011, par Bartlett Sher, avec génie : beaucoup d'inventivité et d'idées qui renforcent à loisir et avec maîtrise le côté "déjanté" de cet opéra, tant dans le premier que dans le second acte.


Les hommes de main du Comte Ory en nonesses excitées passant sans transition de moments de "recueillement" (simulés) à des scènes de beuverie est époustouflant.


La scène du lit avec le Comte Ory, la Comtesse Adèle et le page Isolier (également amoureux d'Adèle) est une belle chorégraphie dans un espace très restreint, qui provoque de bons moments d'hilarité.


L'orchestre est placé sous la direction de Mauricio Benini.

Vraiment rien à redire : tout coule et est enlevé avec brio et une belle musicalité.


Alors, ces interprètes?

Le rôle titre du Comte Ory est tenu par le ténor péruvien Juan Diego Flores (qui venait d'être papa une demi-heure avant le début de la représentation). C'est un rôle difficile, étonnant, époustouflant, de libertin, interprété avec humour, brio et une fort belle voix, sous le travestissement, au premier acte, d'un hermite, et au second acte, d'une nonne paillarde.

Une interprétation sans faute, et je n'ai pas trouvé le manque d'expressivité que certains lui reprochent, bien au contraire!



Diana Damrau, soprano coloratur allemande, en Comtesse Adèle, témoigne d'une grande facilité et virtuosité dans le suraigu, d'un timbre clair et d'une grande puissance dans le medium. Avec en plus une présence sur scène magnifique.



Le jeune page Isolier est interprété avec brio et tonicité par Joyce DiDonato : une mezzo soprano américaine particulièrement appréciée pour ses interprétations de Haendel, Mozart et Rossini. Sa carrière internationale a démarré en 2002 dans le rôle de Rosina dans "Le Barbier de Séville " du même Rossini, à l'Opéra de Paris.



En résumé, une soirée désopilante absolument excellente , qui après le "Götterdämmerung" de Wagner visionné quelques jours auparavant en "live" à La Filature de Mulhouse, m'a fait passer dans un univers on ne peut plus différent : c'est ça l'opéra!





Voir la scène du duo dans la 1° partie de l'Acte II :





jeudi 7 avril 2011

Le café Sibylle, à Berlin : un lieu pas ordinaire



En arpentant la fameuse Karl Marx Allee, "les Champs Elysées de Berlin-Est", nous sommes tombés, au n° 72, sur un café pas comme les autres : le Café Sibylle.


Nous sommes là dans le quartier populaire de Fridrichshain.


Un lieu sympathique, et convivial, à l'esthétique surannée des années soixante, perdu dans l'immensité de la monumentale Karl Marx Allee (KMA), connue sous le nom de Stalinallee jusqu'en 1961.


La KMA nous mène de l' Alexander Platz, de "Berlin Mitte" à la "Frankfurter Tor" dans "Berlin Fridischshain".

Ce boulevard de 2,3 km de long, et les habitations qui le bordent, a été construit en seulement 4 ans par des volontaires dans le cadre du "Programme National de Reconstruction"

Les bâtiments qui la bordent ont été construits après la guerre par les soviétiques, dans un style massif et impersonnel bien connu.


Nous avions sous les yeux ce qui devait être la vitrine de la nouvelle Allemagne socialiste d'après guerre.


Nombre de ces batiments étaient en fait des copies des architectures en vogue à Moscou.


Les plus luxueux d'entre eux, à l'époque, étaient occupés par les fonctionnaires et les membres de la Nomenklatura de la DDR.

Les autres devaient permettre de loger les ouvriers les plus méritants.

Entre 1959 et 1965, 5000 appartements ont été construits en blocs de 8 à 10 étages sous la responsabilité des architectes Joseph Kaiser, Werner Dutschke et Edmund Collein.

C'est là que pour la première fois, des panneaux de construction, pour les façades et les intérieurs, furent utilisés à grande échelle.


Il est à noter que très peu d'arbres furent plantés au centre et aux bords de la Karl Marx Allee, afin de faciliter le déroulement des grandes manifestations de masse pilotées par la DDR qui s'y tenaient régulièrement.


Mais les premières manifestations pour les droits civiques s'y déroulèrent également dans les années 1980.


Après la réunification, il était clair que tous ces batiments avaient un besoin urgent de restauration tant extérieure qu'intérieure.

En effet, les constructions avaient été menées à l'époque dans l'urgence et vieillissaient très mal.

Le gouvernement a donc investit des sommes importantes dans un programme de réhabilitation.


Le Café Sibylle était, sur la KMA, un lieu très populaire avant la chute du Mur.

C'est encore un café où les berlinois côté Est aiment à se retrouver pour y déguster café, bière, vodka et même du vin, que l'on peut se procurer dans des bouteilles à la belle étiquette (rouge) sous la marque ...Karl Marx.

Toujours ce mélange bobo, tendance et "ostalgie".


Mais c'est également un lieu de mémoire, car le Café Sybille est un musée à lui tout seul, musée de l'histoire de la Karl Marx Allee et de ses habitants, de leur vie au cours des 70 années écoulées, riches en bouleversements, suite au nazisme et à la guerre, riches en espoirs socialistes, en déceptions, en drames, en dénonciations et aussi en solidarité.


On y trouve même un morceau de la moustache de Staline...enfin, de sa statue située à l'époque non loin, et déboulonnée en 1961.

mercredi 6 avril 2011

Promenade dans Berlin Est

Je veux dire : promenade - et découvertes - dans les quartiers Est de Berlin, la semaine dernière. Les anciens quartiers sous contrôle de la DDR ont de toute évidence bien changé. Berlin Est est une ville en évolution rapide, un véritable chantier, où tout bouge vite, très vite. Partout des grues, des constructions, des reconstructions, dans ce qui semble être une anarchie architecturale. Les bâtiments du XVIII° siècle y côtoient des immeubles tagués, aux fenètres murées. on y découvre des façades criblées d'impacts de balles. - On y découvre aussi des constructions d'un modernisme stupéfiant dans le voisinnage du Reichtag, sur les berges de la Spree, tels que la nouvelle chancellerie et les immeubles gouvernementaux ou ceux des partis (tel celui de la CDU). - Des hotels de luxe s'implantent partout, d'une audace à couper le souffle, tel l' Hôtel Radisson avec son étonnant aquarium cylindrique de 25m de haut dans lequel monte un ascenseur. - Des immenses panneaux publicitaires de marques de fringues cachent les travaux de réhabilitation. - Et pourtant, cette promenade dans le Berlin Est actuel est aussi une promenade dans le temps (pas si lointain!) du Berlin Est de la RDA : les souvenirs du Mur affleurent partout comme des cicatrices encore visibles, qu'il suffit de bien chercher pour les découvrir omniprésents. - Quelques Trabants, un must bobo, alimentent une "ostalgie" latente... - Sur le chemin nous menant de l'extraordinaire Gare centrale (Berlin Hauptbahnhof) toute récente à notre hôtel, nous butons dès notre arrivée à Berlin sur la pierre dressée au bord d'un canal anciennement de démarquation, menant à la Spree, à la mémoire de Günter Litfin, première victime du Mur, le 24 Août 1961, à Humboldhafen. - Günter Litfin était tailleur, habitant à l'Est et travaillant à l'Ouest. Il se résolut à franchir la frontière vers l'Ouest en traversant le canal à la nage, et fut abattu par la police Est-allemande. Le Mur venait d'être érigé quelques jours auparavant, le 13 Août 1961. Les traces de ce mur sont partout sous nos pieds. - Il faut aussi lever la tête : "Checkpoint Charlie", sur la Friedrichstrasse vaut vraiment la visite, avec ses panneaux explicatifs et ses photos qui nous atteignent aux tripes tant le drame qui s'est déroulé là au temps de la Guerre Froide ne nous est pas inconnu et fait partie de notre histoire proche! A la limite des quartiers Mitte (secteur soviétique) et Kreuzberg(secteur américain), ce checkpoint était réservé au passage des étrangers et aux échanges de prisonniers. Il restera un point de tension entre les deux superpuissances, pendant la Guerre Froide, en particulier au moment de la construction du Mur. Dans ce lieu chargé d'émotion, où, le 27 octobre 1961 chars et soldats des deux camps se font face, dans un moment de tension extrême, a été construit en 2010...un restaurant Mc Donald's.