lundi 11 avril 2011

"Le Comte Ory" au Met, entre libertinage et travestissements


"Le Comte Ory" de Rossini, retransmis du Met à New York et visionné au Kinépolis de Mulhouse samedi 9 avril, a été pour moi un moment de bonheur, tant cet opéra comique truculent et paillard est servi, enlevé à vive allure, par des interprètes formidables.


L'oeuvre, l'avant dernier opéra de Rossini, créée à Paris en 1828 y connut un succès considérable et fut jouée 400 fois entre sa création et 1884.


Sur un ton léger et tonique, Rossini nous entraîne sur les traces des frasques du terrible Comte Ory, séducteur impénitent qui ne recule devant rien, ni devant aucun artifice ni travestissement, aussi ridicule soit-il, pour parvenir à ses fins : séduire la belle et jeune comtesse Adèle que son noble époux, parti aux Croisades, a laissé, ainsi que ses suivantes, sans protection aucune dans son castel de Formoutiers.


La scène se situe donc en France, vers 1200, et s'inspire d'une histoire médiévale de chevaliers séducteurs et de nonnes, retranscrite par Pierre Antoine de la Place.


Au départ, cet opéra est un amalgame de deux oeuvres complètement différentes : le "Voyage à Reims", écrit par Rossini pour célébrer le couronnement de Charles X en France, et un vaudeville en un acte écrit par Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson et pourtant, Rossini a opéré une sorte de miracle avec cet opéra.


"Le Comte Ory" est pour la première fois mis en scène au Met en 2011, par Bartlett Sher, avec génie : beaucoup d'inventivité et d'idées qui renforcent à loisir et avec maîtrise le côté "déjanté" de cet opéra, tant dans le premier que dans le second acte.


Les hommes de main du Comte Ory en nonesses excitées passant sans transition de moments de "recueillement" (simulés) à des scènes de beuverie est époustouflant.


La scène du lit avec le Comte Ory, la Comtesse Adèle et le page Isolier (également amoureux d'Adèle) est une belle chorégraphie dans un espace très restreint, qui provoque de bons moments d'hilarité.


L'orchestre est placé sous la direction de Mauricio Benini.

Vraiment rien à redire : tout coule et est enlevé avec brio et une belle musicalité.


Alors, ces interprètes?

Le rôle titre du Comte Ory est tenu par le ténor péruvien Juan Diego Flores (qui venait d'être papa une demi-heure avant le début de la représentation). C'est un rôle difficile, étonnant, époustouflant, de libertin, interprété avec humour, brio et une fort belle voix, sous le travestissement, au premier acte, d'un hermite, et au second acte, d'une nonne paillarde.

Une interprétation sans faute, et je n'ai pas trouvé le manque d'expressivité que certains lui reprochent, bien au contraire!



Diana Damrau, soprano coloratur allemande, en Comtesse Adèle, témoigne d'une grande facilité et virtuosité dans le suraigu, d'un timbre clair et d'une grande puissance dans le medium. Avec en plus une présence sur scène magnifique.



Le jeune page Isolier est interprété avec brio et tonicité par Joyce DiDonato : une mezzo soprano américaine particulièrement appréciée pour ses interprétations de Haendel, Mozart et Rossini. Sa carrière internationale a démarré en 2002 dans le rôle de Rosina dans "Le Barbier de Séville " du même Rossini, à l'Opéra de Paris.



En résumé, une soirée désopilante absolument excellente , qui après le "Götterdämmerung" de Wagner visionné quelques jours auparavant en "live" à La Filature de Mulhouse, m'a fait passer dans un univers on ne peut plus différent : c'est ça l'opéra!





Voir la scène du duo dans la 1° partie de l'Acte II :





1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Je partage ton enthousiasme et je suis en train de rédiger depuis hier un "article" sur cette magnifique soirée : plein de problèmes techniques...
Pardon pour les similitudes inévitables.
Cordialement