jeudi 18 septembre 2014

Photographie : Kati Horna, une photographe hongroise témoin de la guerre civile espagnole



Le Musée du Jeu de Paume à Paris présente, jusqu'au 21 septembre (courrez-y!) en collaboration avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique), la première rétrospective de la photographe hongroise Kati Horna (Budapest, 1912 / Mexico, 2000), retraçant 60 ans de production artistique.

Une femme photographe de plus passée à la postérité!

Kati Horna
photographiée par Robert Capa

Elle a fait partie de la génération des photographes hongrois contraints de quitter leur pays en raison de l'instabilité politique : André Kertész, Eva Besnyö (voir ma note ici ) , Brassaï, Làszlò Moholy-Nagy, Robert Capa et bien d'autres.

Le Musée du Jeu de Paume n'en finit plus de nous faire découvrir les grands photographes de la diaspora hongroise, pour notre plus grand bonheur...

Robert Capa
photographié par Kati Horna

En 1932, elle consolide sa formation de photographe à Paris et réalise en particulier "Reportage dans les cafés de Paris (1934).

Café parisien
Cosmopolite et avant-gardiste, Kati Horna est surtout connue pour son album sur la guerre civile espagnole, réalisé à la demande du gouvernement républicain espagnol, entre 1937 et 1939.

Montée à la Cathédrale
Barcelone 1938

Emma Goldman
(anarchiste et féministe) 1937
Andalousie 1937
Guerre civile espagnole


Evacuation de Teruel
décembre 1937
Guerre civile espagnole

Guerre civile espagnole

Le Mexique sera ensuite sa patrie définitive.

"J'ai fui la Hongrie, j'ai fui Berlin, j'ai fui Paris, j'ai tout laissé à Barcelone...quand Barcelone est tombé, j'ai de nouveau tout perdu.
Je suis arrivée dans un cinquième pays, au Mexique, avec mon Rolleiflex en bandoulière, je n'ai rien pu emporter d'autre..."

Elle s'y fera alors remarquer par des travaux proches du surréalisme.

Poupées de la peur

Paradis artificiels

Kati Horna à Mexico
Une découverte passionnante!


mercredi 17 septembre 2014

Randonnée : les châteaux médiévaux de la Région PAMINA



Mais qu'est-ce que la Région PAMINA?

C'est une Région, ou plutôt un "espace de coopération"  transfrontalier constituée par les Régions du Palatinat du Sud (PA), autour de Landau, du Mittlerer Oberrhein (MI), autour de Karlsruhe et Baden-Baden, et de la région du Nord-Alsace (NA) autour de Haguenau et Saverne.

L'espace de coopération PAMINA
La ville la plus importante de cet espace est Karlsruhe.

Grace à son réseau dense de chemins de randonnée, l'espace PAMINA offre les conditions idéales pour randonner à saute-frontière à travers des paysages riches en patrimoine médiéval.

Cet espace a également été douloureusement marqué par les guerres, en particulier par la guerre franco-prussienne"oubliée" de 1870 ; les monuments, sites et cimetières militaires y sont nombreux.

Souvenons nous de la funeste bataille de Reischoffen, en fait bataille de Froeschwiller-Woertch (Voir ici ) du 6 août 1870, qui fit 21 000 morts de part et d'autre, en une seule journée...

Elle est célèbre pour une série de charges des cuirassiers français.
Lors de l'une d'elles, le Colonel de Lacarre fut décapité par un obus.

Charge des cuirassiers
à Froeschwiller-Woertch


Nous avons pu, sur l'initiative du Club Vosgien de Colmar, passer dimanche une agréable journée à la découverte de 3 des 4 imposantes ruines de châteaux médiévaux perchés sur des éperons rocheux sur la frontière entre l'Alsace du Nord et le Palatinat (Pfalz), tels que décrits sur la fiche ici .

Il s'agit des châteaux du Fleckenstein, du Loewenstein et du Hohenbourg.
Pris par le temps, nous n'avons pas franchi la frontière pour visiter le Wegelnbourg : il faut en laisser pour la prochaine fois !

Le Fleckenstein est un château étonnant et imposant semi troglodyte, qui se situe dans la commune française de Lembach, tout à fait au nord du Bas-Rhin.
C'est le second château le plus visité en Alsace, après celui du Haut-Koenigsbourg.

Il date du XII° siècle et faisait partie d'une série de châteaux qui surveillaient la route de liaison entre Bitche et Wissembourg.
Il a été détruit en 1689 sur ordre de Louis XIV.
Voir ici .

Ce château extraordinaire, tout à fait surprenant, a la forme d'un navire : 90 m de long, 30 m de haut et 10 m de large; il est érigé au sommet d'un piton de grès rose.

Le Fleckenstein




Le château du Loewenstein, sur la commune française de Wingen (au nord de Lembach) aurait été construit en 1283 par les seigneurs du Fleckenstein.
Il devint un repère de brigands à la fin du XIV° siècle...
Voir ici .

Le chateau du Loewenstein


Ce château est dénommé, sur les cartes germaniques du XIX° siècle : château de Lindenschmidt, déformation du mot Linkenschmidt.
En effet l'un de ces fameux "chevaliers-brigands" faisait ferrer ses chevaux à l'envers pour mieux brouiller les pistes lors des razzias...


Quant au château du Hohenbourg, situé également dans la commune de Wingen, il s'agit aussi d'un château semi-troglodyte construit au milieu du XIII° siècle.

Le chateau du Hohenbourg
On y admire une belle porte renaissance.

Porte renaissance


Ses premiers occupants furent les Puller de Hohenbourg. Voir ici .

La vue, depuis le sommet du château, est magnifique, sur les Vosges du Nord et le Palatinat :

Table d'orientation au sommet
du Hohenbourg
Il faut dire que l'Alsace est la Région des châteaux forts, et une région d'Europe qui en compte le plus. 
Ils furent édifiés par les seigneurs du Saint Empire Romain Germanique.
Voir leur liste impressionnante ici .

La plupart sont en ruines, victimes des rivalités entre ces seigneurs,  mais leurs silhouettes font partie du paysage alsacien.
Voir ici .


Ce qu'a pu être le Fleckenstein
au XII° siècle


vendredi 12 septembre 2014

Photographie : Lewis Baltz, témoin méticuleux d'une laideur moderne



A la petite salle du BAL, à Paris, se tenait cet été une exposition intéressante consacrée au photographe américain Lewis Baltz, intitulée "COMMON OBJECTS".

Lewis Baltz est né à Newport Beach en 1945.

Lewis Baltz

La dépression de la société industrielle américaine, son urbanisation anarchique et ses résidus, ses déchets, constituent le thème dominant de son oeuvre.


Il s'inscrit dans le mouvement de la New Topography à la fin des années 1970.
L'exposition "New Topographics" organisée en 1975 à la George Eastman House de Rochester (Musée de la photographie) a représenté un tournant dans la représentation des paysages urbains contemporains. Voir ici .

Lewis Baltz et Robert Adams (voir ma note sur R.A. ici ) y seront exposés, parmi d'autres.


En tout cas, il est plus qu'évident que la rupture avec le style paysager traditionnel tel qu'on le rencontre sur la Côte Ouest des USA, avec l'esthétique sublime des photographes de sierras, est entièrement consommée! 
Voir Ansel Adams ici et ses successeurs tels que David Muench ici.


La photographie des paysages, telle que la pratique Lewis Baltz rejoint le mouvement sociologique et documentaire initié par Walker Evans (voir ici ) : elle documente les effets de la croissance rapide des villes américaines et de la montée de l'individualisme (toute puissance de l'automobile,...).


Au premier regard, les images du photographe ont quelque chose d'austère, voir d'hostile.


On voit dans cette exposition des maisons anonymes, sans caractère, des fenêtres rectangulaires, des murs lisses, des cheminées de brique, dans des cadrages d'une précision glacée...et glaçante, qui finissent par se transformer, sous le regard de l'artiste, en représentation non figurative de lignes et de plans abstraits, inhumains.


Dans les années 1960, ses années de jeunesse, la modernité est synonyme d' urbanisation vertigineuse et totalement anarchique, sans aucune vision architecturale.

Le résultat en est désastreux, et c'est le paysage que nous avons en permanence lorsque nous traversons, comme je le fais régulièrement, les petites agglomérations américaines de l'Ouest.

"J'ai grandi dans une ville d'une laideur atroce, où tout était de mauvaise qualité, pas cher...j'ai voulu tendre un miroir".


Ses photos sont méticuleuses, extrêmement bien cadrées, distantes : pour lui, ce sont des "pièces à conviction".

Il travaille ses tirages avec un soin jaloux. Il joue sur le contraste entre la pauvreté du sujet et la beauté des tirages.


Lewis Baltz recherche la beauté dans la désolation et la destruction.

"L'ironie c'est qu'il y a aussi une certaine beauté dans tout ça ; mais ce ne sont pas forcément les choses bonnes ou utiles qui sont belles. 
Un coucher de soleil sur Los Angeles, c'est magnifique, alors que ce n'est que pure pollution!"


Les cinéastes qui l'ont fortement influencé : Alfred Hitchcock, Michelangelo Antonioni (La Notte, Désert Rouge et le sentiment d'aliénation qui transpire dans ses films), Jean-Luc Godard.



Son travail sur les séries, l'abstraction des formes, le vide, le blanc (tout devient surface qui irradie...), montrent que l'image à elle seule ne peut rendre compte du monde : "L'important c'est ce qu'on ne voit pas!"

Baltz n'a pas hésité à ses tourner vers d'auges images, témoins de l'ère numérique : les réseaux de câbles, les ordinateurs, où tout devient une boite noire, celle du traitement muet et opaque de l'information, devenu moyen de contrôle...

Réseaux de câbles et ordinateurs

A propos de l'espionnage massif de la NSA : "Je n'ai pas été choqué que ça existe. En revanche, je ne pensais pas que ça irait si vite. Et que j'assisterais de mon vivant à un tel degré de tyrannie."



lundi 8 septembre 2014

Exposition : les "Protographies" d'Oscar Muñoz au Jeu de Paume



Nous avons visité récemment l'exposition des "Protographies" d'Oscar Muñoz au Musée du Jeu de Paume à Paris (Jusqu'au 21/9/14).

Oscar Muñoz

Muñoz est considéré comme l'un des artistes contemporains les plus importants de son pays natal, la Colombie, ce qui ne l'empêche pas d'attirer l'attention de la scène internationale.

"Protographies" : ce néologisme évoque le moment antérieur ou postérieur à la fixation de l'image.

Cortinas de baño
(Rideaux de douche)

Cette exposition présente le travail original, personnel, de près de 40 ans, de cet artiste né en 1951.

L'artiste utilise des media très différents : photographie, gravure, dessin, vidéo, sculptures et joue avec les frontières entre chaque discipline par le biais de procédés novateurs et uniques.

L'image s'évapore progressivement
du support

A travers les images qu'Oscar Muñoz nous offre, images souvent éphémères, nous sommes invités à vivre une expérience à la fois rationnelle, intuitive, et sensuelle, donc dérangeante, déstabilisante...



Disparition de l'image

 Son oeuvre se développe autour de la relation de l'image avec la mémoire.

La dissolution de l'image, son altération, sa décomposition nous placent en face de l'impossibilité de fixer le temps, en face de la précarité de la vie...

Narcissos : L'image disparait petit à petit
par la bonde de la cuvette
Il s'agit là de portraits au charbon de bois déposés au fond d'une cuvette remplie d'eau.
Au fur et à mesure que l'eau disparaît, il ne reste de l'image qu'un peu de poudre de charbon, qui disparait à son tour.

Métaphore du passage de la vie à la mort, mais aussi évocation sobre de la question des disparus dans cette région du monde.

Le visiteur fait apparaître
l'image en soufflant sur le miroir
Nous observons une image, organique, mouvante, qui se compose et se décompose en fonction de son spectateur.

Les images, ou installations exposées ne sont pas la résolution d'une seule histoire, mais proposent de multiples narrations qui se superposent et se combinent, entre passé et présent, mémoire et temps...

La mirada del ciclope
(Le regard du cyclope)
Muñoz tenant le moulage en plâtre de son propre visage

Un recherche très personnelle qui ne laisse pas le visiteur indifférent et le place en face de la question de "ce qui gît dans ce qui a été" (Walter Benjamin).


samedi 6 septembre 2014

Découverte d'un artiste majeur : Gerhard Richter à la Fondation Beyeler



Gerhard Richter est un artiste majeur du XX° et du XXI° siècles, dont l'oeuvre est reconnue, depuis les années 1980, comme "une expérience artistique inédite et remarquable".

Gerhard Richter en 2005 à Düsseldorf

Peintre polymorphe étonnant, il aborde tantôt des sujets figuratifs et tantôt produit des oeuvres abstraites.



Betty

Il est né à Dresde en 1932 et vit actuellement à Cologne.

Son travail s'étend sur plus de cinq décennies : Gerhard Richter a commencé à peindre (officiellement) en 1962. Voir sa biographie ici .

Ella





Nous l'avons découvert, il y a quelques jours lors d'une magistrale exposition à la Fondation Beyeler, à Bâle, avec surprise, étonnement, grand intérêt et émotion : il nous était totalement inconnu!

Lesende (Femme lisant)

Il semble d'ailleurs que nombre de grands artistes d'Outre-Rhin n'obtiennent pas en France la reconnaissance à laquelle ils auraient droit, allez savoir pourquoi!

En tout cas, Gerhard Richter est considéré internationalement et à juste titre comme un artiste majeur de notre temps.

Rosen

Il a été exposé, rien qu'au cours de l'année 2014,  en Suisse (Bâle, Winterthour,...), Allemagne (Berlin, Düsseldorf, Mönchengladbach, Münster, Nuremberg, Dresde, Stuttgart,...), au Royaume-Uni (Londres, ..), au Japon (Kobe), au Canada (Vancouver, Montréal, Ontario), au Brésil (Sao Paulo, Rio), aux USA (New-York, Toledo, Washington, Nashville, Princeton, Philadelphie, San Francisco), en Italie (Venise à la Peggy Guggenheim Collection), en Espagne (Valence), Russie (Moscou, Leningrad), Autriche (Vienne), au Montenegro, en Argentine, en Australie et...quand même, en France (Metz, Lens, Marseille)!


Eisberg im Nebel


Jugendbildnis (Portrait de jeunesse
d'Ulrike Meinhof) peinture.

Gerhard Richter décrit sa vie des premières années comme "simple, ordonnée, structurée : la mère jouant du piano, le père ramenant l'argent à la maison"...
...mais les années de guerre bouleverseront l'existence de sa famille, et sa vie après la guerre, sous contrôle soviétique allait devenir bien différente de ce qu'il avait connu étant jeune.

Ulrike Meinhof (peinture)

Andreas Baader (peinture)

Richter a produit une oeuvre d'une impressionnante diversité thématique et stylistique.
Il alterne sans cesse l'abstraction et la figuration, l'original et la copie, la maîtrise et le hasard.

L'oeuvre de Richter brouille les frontières entre peinture, photographie, tirages numérique,...


Nous avons particulièrement apprécié une série de portrait intimistes intitulés "S. mit Kind" (1995), un cycle en huit parties centrées autour d'une mère et de son enfant, prenant pour point de départ des photographies personnelles d'une grande douceur.


Richter a travaillé les couches picturales avec une intensité changeante et un niveau d'abstraction variable, ce qui produit un effet saisissant.


C'est, nous dit l'artiste "comme dans une oeuvre musicale : ce sont huit petits mouvements - charmants, acerbes, comme ça vient."


Le résultat dégage une grande émotion !

Cette très belle exposition a été conçue en étroite collaboration avec Gerhard Richter, et alterne de façon heureuse la présentation des oeuvres totalement abstraites et des tableaux plus "figuratifs".