lundi 26 décembre 2011

L'Univers d'Edvard Munch



"L'Univers d'Edvard Munch", tel est le titre d'une magnifique exposition qu'il m'a été donné de voir il y a deux jours au Musée des Beaux-Arts de Caen.

A vrai dire, j'hésitais à voir une nouvelle exposition sur Munch, après mon expérience récente décevante au Centre Pompidou à Paris.
En effet le Centre Pompidou nous a donné une présentation assez confuse, et baignant dans une sorte de sentimentalisme, de l'oeuvre, à mon sens difficile d'accès, d'Edvard Munch, mis à part peut-être le côté "photographe" de Munch...et encore.

A contrario, l'exposition présentée à Caen, jusqu'au 22 janvier 2012, dans le cadre de la XX° édition du Festival "Les Boréales" est excellente et m'a permis de rentrer dans l'oeuvre de celui qui est considéré, à juste titre, comme le plus grand peintre de l'Europe du Nord. Elle a en effet été conçue comme une introduction à l'oeuvre de l'artiste et a ainsi parfaitement rempli ses objectifs, en ce qui me concerne!



Edvard Munch (1863-1944) est contemporain de Gauguin et de Van Gogh.
Il a été non seulement témoin, mais acteur de la grande aventure de l'art moderne qui a pris corps après la période de l'impressionnisme.

J'ai vraiment apprécié la présentation thématique des oeuvres : Mélancolie, Norvège, Mort, Couples, Femmes, Angoisse.
J'ai apprécié également la façon dont les techniques étaient présentées (peinture, gravure sur bois, lithographies) et se renvoyaient l'une à l'autre : un face à face organisé avec la complicité de deux collections norvégiennes.
Il s'agit du legs Rasmus Meyer, provenant du Kunstmuseum de Bergen et de la collection Gundersen d'Oslo.

J'ai découvert les lithographies et gravures sur bois de Munch avec très grand plaisir, dont une version gravée du Cri.

Munch jeune artiste a découvert l'estampe, a appris la lithographie et l'art exigeant de la gravure sur bois, et ces moyens d'expression sont particulièrement bien représentés dans l'exposition.

Munch a atteint, à mon sens, par la lithographie et la gravure, un mode d'expression personnelle plus aboutie qu'en peinture!

(NB : J'avais déjà eu l'occasion d'ailleurs de découvrir et d'apprécier dans ce même Musée des Beaux-Arts de Caen les oeuvres gravées de nombre d'impressionnistes, à croire que les conservateurs de ce beau Musée s'en font une heureuse spécialité!)

Mélancolie:

"Je ne peins pas ce que je vois, mais ce que j'ai vu. Je peins et je pense dans le présent. Je vis dans le passé et dans le futur."




Norvège :

"J'étais déjà un être malade en venant au monde.La neige froide recouvre mes racines. Le vent glacial a empêché mon arbre généalogique de croître. Le soleil brûlant de la vie ne brille pas sur cette jeune feuille verte. Ainsi l'arbre de ma vie était maudit dès le départ. Ce que je compris très tôt. C'est ainsi que mon seul espoir est devenu un escalier étroit, un escalier solitaire, qui finalement pourrait m'offrir une ouverture lumineuse sur la vie."






Mort :

"J'ai reçu en héritage deux des plus terribles ennemis de l'humanité - la tuberculose et la maladie mentale - la maladie, la folie et la mort étaient les anges noirs qui se sont penchés sur mon bearceau."




Couples :

"Ce combat entre l'homme et la femme que l'on appelle l'amour."





Femmes :

"Je n'ai jamais aimé. J'ai ressenti l'amour qui déplace les montagnes et transforme les êtres - l'amour qui déchire, fait chavirer le coeur et boire le sang. Mais je n'ai pas pu dire à quelqu'un - femme, c'est toi, je t'aime. Tu es tout pour moi."



Angoisse :

"Je marchais sur la route avec deux amis - le soleil se couchait - je sentis comme une bouffée de mélancolie - le ciel devint soudain rouge sang. Je m'arrêtai et m'adossai épuisé à mort contre une barrière - je vis les nuages flamboyants comme du sang et une épée, la mer et la ville d'un noir bleuté. Mes amis poursuivirent leur chemin, je restai là frissonnant d'angoisse, et je sentis comme un grand et interminable cri traversant la nature."



Voir le beau numéro Hors Série de "Connaissance des Arts" consacré à cette exposition de Caen :

"Munch n'a pas fondé d'école, mais la présence de son art est aujourd'hui intacte, tout comme sa sincérité, sa spontanéité, son âpreté aussi, en un mot, sa modernité"

dimanche 18 décembre 2011

Cesaria Evora !




Très touché par la disparition de Cesaria Evora
le 17 décembre 2011.
Un hommage avec ce chant magnifique :

mercredi 14 décembre 2011

Le Faust de Murnau, 1926, ou la lumière contre les ténèbres


Après avoir vu le "Faust" de Gounod transmis depuis le Met (voir note précédente), je revois avec bonheur les images splendides en Noir et Blanc du film  "Faust" de Murnau, dont j'ai le DVD.

"Faust, eine deutsche Volkssage" (Faust, une légende allemande), tel est le titre du chef-d'oeuvre (muet et N&B)  réalisé en 1926 par Murnau  (1888-1931) .

Avec : Gösta Ekman (Faust) ; Emil Jannings (Méphisto) ; Camilla Horn (Marguerite).

Ce film magnifique impose Murnau, aux côtés de Fritz Lang et de Georg Wilhelm Pabst, comme l'une des principales figures du cinéma allemand.

Le film reprend la légende du XVI° siècle de Faust.


Méphisto, le Mal incarné, est sûr de triompher de l'intelligence humaine, suite à un pari avec l' Archange.
Il choisit comme victime le vieux et pieux savant Faust, l'alchimiste.


Méphisto déchaine la peste sur le monde ; impuissant devant ce fléau, le vieux savant invoque le Démon, qui répond à ses invocations, et le fléau cesse net.


Méphisto transporte alors Faust au dessus des villes et des pays et lui fait entrevoir merveilles et richesses.
Faust se laisse tenter, avide d'y prendre part, pressé de retrouver pour toujours la jeunesse qui lui permettra d'en profiter.
Il vend alors son âme au diable.


Faust redevenu jeune séduit Marguerite, tue son frère, Valentin, qui s'opposait à lui.
Accusée, Marguerite est conduite au bûcher.


Desespéré, Faust maudit le charme dont il a été la victime, redevient un vieillard et s'en va mourir sur le bûcher auprès de sa bien aimée : le pacte diabolique est rompu par l'amour!



Les puissances spirituelles de l'Archange et de Méphisto dominent totalement les humains.

Par le pacte maléfique, il y a fusion momentanée entre Faust et le divin "négatif", mais à la toute fin, le vieux savant rejoint l'instance divine "positive".

Seul le vrai et pur amour peut expier les péchés des hommes!

Ce film, dans son audace extraordinaire, est teinté d'expressionisme pictural et poétique.
La lumière crée des formes magnifiques qui se détachent du fond.
A certains moments, la notion de contour disparaît au profit d’un contraste fort de valeurs claires et sombres, mais à d'autres moments, ce qui ressort avant tout c’est l’uniformité du gris.

Le mythe de Faust, vu par le génie créateur de Murnau célèbre le combat de la lumière contre les ténèbres, dans des jeux de clairs-obscurs absolument magnifiques qui ne peuvent qu'enthousiasmer le photographe adepte du Noir et Blanc que je suis!

Voici 3 extraits du Faust de Murnau :

     *Ouverture :
http://www.youtube.com/watch?v=0_wG-xrOXfY&feature=related
     *Evocation de Méphistophélès :
http://www.youtube.com/watch?v=7TCfNFckx6Q
     *Le pacte avec Méphistophélès :
http://www.youtube.com/watch?v=1ybaJulsT48&feature=related

mardi 13 décembre 2011

A l'opéra au Met : un Faust du XX° siècle



"Faust" de Charles Gounod fut joué pour la première fois le 19 mars 1859 sur la scène du Théatre Lyrique à Paris.
L'oeuvre n'a jamais quitté le répertoire : elle  est devenue extraordinairement populaire : Faust a été joué plus de 2000 fois au Palais Garnier, à Paris.
Gounod  a commencé à travailler à cet opéra à l'âge de 24 ans!



Les librettistes de Gounod, Michel Carré et Jules Barbier ne cherchèrent pas à utiliser tout le Faust  de Goethe, mais portèrent l'accent sur l'histoire d'amour de Faust et de Marguerite.
Comme l'opéra n'était pas d'une entière fidélité à Goethe, les allemands préférèrent lui donner le nom de l'héroïne : Margarethe.
En effet, Faust (le "poing") est un monument de la culture allemande et de la culture universelle, au même titre que "Don Quichotte" ou "La Divine Comédie", ou le théatre de Shakespeare.

L'enjeu de Faust est des plus fascinants : il ne s'agit plus de péché, de caractère insatisfait ou rebelle, mais tout simplement du sens de la vie et du salut. Ce qui est en jeu : la damnation, l'essence même du mal, la négation à l'état pur : le diable en personne!

Le personnage de Faust existait avant Goethe, mais c'est le "prince des lettres allemandes" qui, après 60 années de travail, lui a conféré sa dimension universelle, à la fois savante et populaire.
Faust existera aussi après Goethe, en particulier par le mythique film muet de Murnau datant de 1926, que j'ai le bonheur d'avoir en DVD avec Gösta Eckman, Camilla Horn et Emil Jannings.


Cet opéra a connu une longue carrière internationale et a été choisi pour la soirée d'ouverture du Met, en 1883!
Faust fait désormais partie des 10 opéras les plus joués au Met.
Ce n'est pas pour rien que l'on a surnommé le Met le "Faustspielhaus", en référence, et par jeu de mot, au "Festspielhaus" de Bayreuth, le temple wagnérien !

Le Faust du cauchemard médiéval a un côté d'humaniste de la Renaissance, prêt à risquer la possibilité de son salut pour arriver, par la connaissance et l'amour, à un statut surhumain.

Mais celui qui est mis en scène par Gounod n'est plus que le détestable exemple d'une science sans conscience et sans foi. L'orgueil de son Faust n'a d'égal que la dépravation morale qui s'ensuit, sa lâcheté, l'abandon de Marguerite et de son enfant.


Mais revenons à la mise en scène de Des McAnuff, que nous avons pu apprécier, dans cette retransmission du samedi 10 décembre, depuis le Met, au Kinépolis de Mulhouse.

Le côté "science sans conscience ni foi" que je mentionnait est mis encore plus en relief car nous sommes plongés dans un laboratoire de recherche scientifique au moment du développement des recherches atomiques, au milieu du XX° siècle. Les images de destruction (Hiroshima, "la" bombe A, etc,...) et le côté "métallique" et froid des décors sont là pour accentuer le propos. J'ai été surpris mais j'ai aimé.

De grands moments de bonheur pour les auditeurs, de par les duos, trios, choeurs, solistes, qui nous font passer par tous les registres de l'émotion, tout au long des trois actes.

Le ténor Jonas Kaufmann, déjà entendu dans Wagner (Siegmund, dans Die Walküre, ici) est parfait dans le rôle titre : style et diction impeccables. Je dois dire que j'ai nettement préféré l'interprétation de Jonas Kaufmann à celle de Roberto Alagna!

René Pape, basse formidable, déjà entendu dans Boris Godounov (ici) est absolument magnifique, entre autres dans le chant fantastique et la danse qui s'ensuit : "le veau d'or est toujours debout", commentaire cynique sur le culte que les hommes vouent à Mammon.


Marina Poplavskaia, soprano, en Marguerite, jeune ingénue dévote a su nous émouvoir plus d'une fois. Nous l'avions entendu dans le rôle d'Elisabeth de Valois dans le Don Carlos de Verdi : ici.

Une excellente soirée!

Quelques moments de ce bel opéra enregistrés au Met :

     * Méphisto : "Le veau d'or est toujours debout"
http://www.youtube.com/watch?v=oYBqNJk7RaE
     * Prologue : Faust et Méphisto
http://www.youtube.com/watch?v=pxhNdWKwE0Q&feature=related

Voir également ici sur le blog ami de JCMEMO.

lundi 5 décembre 2011

Un opéra baroque au Met : Rodelinda de Haendel !



Une expérience étrange, surprenante, que celle d'écouter un opéra baroque transmis depuis le Met, à New York, au Kinépolis de Mulhouse !

Rodelinda de G. F. Haendel (1685-1759) fut écrit pour la Royal Academy of Music en 1719 et joué pour la première fois à Londres en 1725.
Le livret est d'Antonio Salvi d'après la pièce de Pierre Corneille: "Phertharite, roi des Lombards".
Voir le synopsis (en anglais) ici.

Bien que peu connu actuellement, cet opéra fut à l'époque l'un des plus grands succès de Haendel.
La musique des opéras de Haendel est l'une des plus accomplies de la première moitié du XVIII° siècle.

Ce qui fait que notre expérience, en écoutant Rodelinda, nous laisse un goût d'étrangeté, de surprise, de demi-teinte, c'est que nous nous trouvons face à des conventions musicales et scéniques de l'époque, qui ont été respectées au Met, et qui nous sont en fait totalement étrangères.

Les arias y règnent, avec de très nombreuses reprises (une dizaine de fois pour chaque air) qui, à chaque fois, sur les mêmes paroles, expriment des sentiments différents : la tristesse, l'intention amoureuse, la compassion, le désespoir, la détermination,...

L'intrigue est connue d'avance et ne laisse pas place à la surprise.
Les déplacements scéniques et les gestes des interprètes obéissent à des codes et sont là pour renforcer les sentiments ; ils nous semblent aujourd'hui bien artificiels!

Si nous ajoutons l'interprétation des deux contre-ténors Andreas Scholl, dans le rôle de Bertarido et Iestyn Davies, dans celui d'Unulfo, le "dérangement" est total.
Les castrats étaient follement à la mode à l'époque de Haendel, mais aujourd'hui, les contre-ténors dans un opéra surprennent, c'est le moins qu'on puisse dire!

Andreas Scholl est l'un des spécialistes les plus réputés du baroque ; j'ai trouvé dans sa prestation d'un rôle extraordinairement difficile une technique parfaite, un beau timbre, mais un volume particulièrement faible, certainement du à la virtuosité requise, qui donnait finalement quelque chose d'un peu terne... 
Je me demande ce que pouvaient bien entendre les spectateurs dans la grande salle du Met!


Par contre, Iestyn Davies ci-dessus, nous a offert une interprétation plus "brillante".


Quant à Renée Fleming, Ah, parlons de Renée Fleming, en belle Rodelinda rousse!
Rodelinda exprime à la fois les souffrances et la fidélité, mais aussi une force de caractère au service de la défense de son fils et de la mémoire de son époux : rôle difficile.

Renée Fleming aime chanter le baroque, mais ce n'est pas sa spécialité : elle me semble avoir eu des difficultés tant avec les aigus qu'avec le rythme.
Toutefois son interprétation de "Io t'abbraccio", avec Scholl était magnifiquement émouvante.

Stéphanie Blythe était parfaitement à l'aise dans le rôle d'Eduige.

Un très bel ensemble baroque avec clavecins, flutes à bec et théorbe dirigé par Harry Bicket.
Production de Stephen Wadsworth de 2004.


En résumé, un opéra en trois actes qui peine à démarrer (seulement vers le milieu du 2° acte), une superproduction (à l'américaine avec effets impressionnants de changement de décors), pour un opéra baroque qui devrait être plus intimiste à mon goût : une surprenante mais bonne soirée, finalement!

Ecoutez Andreas Scholl :
http://www.youtube.com/watch?v=t2Q6V4x_mf8&feature=related