vendredi 29 décembre 2023

Au Châtelet : West Side Story : Broadway à Paris

 

West Side Story, au Théâtre du Châtelet, en cette fin d'année 2023, c'est l'Amérique et Broadway à Paris!


Le mythique spectacle de Leonard Bernstein, créé il y a 66 ans, n'a pas pris une ride!


L'immortel classique de la comédie musicale, revisité au XXI° siècle, a conquis le coeur des spectateurs du Théâtre du Châtelet.


Cette comédie musicale est intemporelle et toujours aussi euphorisante : une chorégraphie époustouflante qui vous remue les tripes, une musique absolument magique dont on attend les airs fameux avec impatience, et on n'est pas déçu : Something's coming, Maria, America, Somewhere, Tonight, I Feel Pretty, Officer Krupke,...


Il y a beaucoup d'énergie dans l'air : sur scène, la troupe composée d'une trentaine d'artistes met le feu à la salle : les chanteurs, danseurs ne s'économisent pas, dans un spectacle de 2h40, entracte compris : des  prestations exceptionnelles.



La nouvelle mise en scène de Lonny Price, metteur en scène renommé de Broadway, est très convaincante: il faut dire qu'elle ressemble furieusement à l'ancienne : on ne change pas une recette qui marche aussi bien.

Lonny Price propose cette mise en scène "afin que la prochaine génération de spectateurs tombe amoureuse de cette oeuvre, qu'elle s'identifie aux personnages et réalise qu'il y a tellement plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent, malgré nos différences culturelles".

Le chorégraphe Julio Monge pour sa part, est le garant du legs de Jerome Robbins, dont il fut l'élève.




Ça chauffe dans le quartier de l'Upper West Side : sur des rythmes endiablés, deux bandes rivales s'affrontent sans merci : les "Jets", fils d'immigrés américains blancs affrontent les "Sharks", portoricains nouvellement arrivés.

 Et au milieu de ces combats de rue nait une histoire d'amour et de passion qui brave les préjugés jusqu'à sa fin tragique : Roméo et Juliette dans la jungle urbaine.



Histoire d'amour, thriller d'action et étude sociale, West Side Story aborde les questions d'identité et d'appartenance, les obstacles et les préjugés qui entravent la jeunesse qui rêve d'une vie meilleure.



Les rôles principaux : Jadon Webster (Tony), Melanie Sierra (Maria), Kyra Sorce (Anita), Antony Sanchez (Bernardo), Taylor Harley (Riff).


En tournée en Europe et en Asie depuis 2022, la comédie musicale prend la route, après Paris, vers Rouen, Nantes et Bordeaux.

Voir ici et les trailers du spectacle.


mardi 19 décembre 2023

Cinéma : "Perfect Days" de Wim Wenders : formidable

 

Ce formidable film germano-japonais de Wim Wenders, réalisateur de plus d'une trentaine de films, est sorti le 29 Novembre 2023: ici.


Wim Wenders, réalisateur
de "Paris Texas" et des "Ailes du désir"

Ce film a obtenu le Prix d'Interprétation masculine pour l'acteur principal Koji Yakusho.

Koji Yakusho, 
dans le rôle de Hirayama

Hirayama, quinquagénaire,  travaille à l'entretien des toilettes publiques de Tokyo et semble se satisfaire d'une vie simple.


En dehors de sa vie quotidienne très réglée, il s'adonne à sa passion pour les livres et la musique.

Il collectionne les cassettes des années 60 et réécoute chaque jour "Perfect Days" de Lou Reed ou Patti Smith, ou Van Morrison.


Le soir, il lit Faulkner ou Patricia Highsmith.

Il aime les arbres et les prend en photo avec un vieil appareil argentique.

Quelques rencontres inattendues font resurgir son passé.


Nous avons dans ce film simple et formidable de Wim Wenders, tourné en peu de jours à Tokyo, une réflexion touchante, émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans ce monde difficile où nous sommes immergés.

Le héros de Wim Wenders est un personnage atypique, que l'on apprend à aimer, de par sa compréhension silencieuse des autres, son empathie, son sourire et son intériorité.


Hirayama s'émerveille de tout, nous permet de contempler des tableaux somptueux de Tokyo, et exécute sa tache ingrate au quotidien avec perfection, en étant complètement dans le présent.

"Perfect Days" est un film beau et apaisant: formidable, sublime!



samedi 16 décembre 2023

Opéra : Au Teatro di San Carlo, ouverture de la saison avec un magnifique Turandot

 

J'ai eu la chance de pouvoir assister en live à l'ouverture de la saison lyrique 2023-2024 au Teatro San Carlo de Naples avec un magnifique Turandot de Puccini, grâce à la chaine Medici.

C'était une nouvelle production signée par le jeune metteur en scène russe Vasili Barkhatov, qui travaille régulièrement en Allemagne, mais se fait plus rare en Italie : ici.

Vasili Barkhatov

J'avais hâte de voir cette nouvelle mise en scène, étant, je dois l'avouer, saturé de la mise en scène kitchissime ... et un tantinet poussiéreuse, de Zeffirelli donnée au Met :ici.

Turandot version Zeffirelli au Met en 2016

Dans ma note mentionnée ci-dessus, du 31 Janvier 2016, je me prenais à rêver d'un Turandot plus actuel et plus audacieux : eh bien voilà, et j'ai été pleinement satisfait!

Tout d'abord un formidable orchestre mené par le chef israélien Dan Ettinger, qui a déjà brillamment dirigé cet opéra à Berlin, Munich, Zurich et Londres.

Turandot était ici magnifiquement interprétée par la soprano canadienne Sondra Radvanovsky, que j'avais eu l'occasion d'admirer dans une interprétation magistrale, tout à fait différente, celle du rôle d'Elisabeth I dans "Roberto Devereux" de Donizetti : ici.

La soprano canadienne Sondra Radvanovsky

Elle interprète le rôle titre face au Calaf de Yusif Eyvazov et de la Liu de Rosa Feola.

Le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov


La soprano italienne Rosa Feola


La vraie force du Teatro di San Carlo est de faire la part belle à un répertoire extrêmement classique, mais porté par des équipes artistiques et des distributions flamboyantes qui garantissent d'attirer le public.

Et ce fut tout à fait le cas pour ce nouveau et magnifique Turandot!

Voir ici la finale.

Voir ici l'opéra dans sa totalité! (Avec Nessun Dorma à 2.07.19)



vendredi 15 décembre 2023

Les Yoruba : au delà de l'Afrique, au delà du temps

 

Les Yoruba sont plusieurs millions sur le continent africain, principalement au Nigeria (32 millions), mais aussi au Bénin (Plus d'un million), en Côte d'Ivoire (600 000), au Ghana (350 000), au Togo (600 000) et au Burkina Faso : ici.

Les Yoruba en Afrique


Le terme yoruba désigne également une langue, une philosophie et une religion.
C'est une philosophie populaire qui valorise les vertus essentielles de son peuple : l'amour, la moralité, la tempérance, l'honnêteté, l'honneur, la bravoure, la justice, la prudence et la force d'âme.

Mon attention a été attirée sur ce grand groupe ethnique d'Afrique de l'Ouest à l'occasion d'une belle exposition qui s'est tenue jusqu'au 13/11/23 au Musée Vodou de Strasbourg, intitulée "Masques Gèlèdè, le Pouvoir des Mères", indépendamment de l'exposition permanente exceptionnelle consacrée au Vodou proprement dit.

Le Musée Vodou à Strasbourg




Le Gèlèdè est une cérémonie pratiquée par les Yoruba : chants en langue Yoruba, musique et danses masquées lors d'évènements importants : ici.



Le plus grand nombre de Yoruba forment au Nigeria la plus importante civilisation urbaine d'Afrique de l'Ouest.

Contrairement à bien d'autres peuples africains, les Yoruba construisent très tôt une civilisation urbaine, dans des cités-Etats,  autour de la ville d'Ifé-Ifé, car c'est là que le premier homme serait apparu.



Les sociétés Yoruba se caractérisent par leurs organisations religieuses rigoureusement hiérarchisées, centrées autour de la pratique des masques.



On compte au moins sept sociétés à masques dans le patrimoine religieux Yoruba et les Gèlèdè sont l'une des traditions les plus répandues.




Ces manifestations spirituelles marquent le dynamisme culturel enraciné dans la tradition et la conscience du peuple Yoruba.

Le Gèlèdè, qui était un puissant outil de cohésion sociale se retrouve actuellement enclavé dans un entre-deux, du fait de l'expansion de l'Islam et du Christianisme.




Alors que par le passé, on cherchait avant tout à "apaiser la colère des Mères", on se sert du Gèlèdè pour faire de la prévention et de l'éducation dans le domaine de la santé.





Sculpture Yoruba/Ifé en bronze


Les Gèlèdè évoluent, les sculpteurs de masques s'affranchissent des interdits et subliment la création contemporaine.

Les Gèlèdè, historiquement porteurs du pouvoir des Mères continueront à nous surprendre dans de nombreux domaines : histoire de l'art, analyse des pouvoirs traditionnels, évolution des questionnements de société.

La culture Yoruba aura résisté, au delà de l'Afrique, au delà du temps,  à nombre de censures, à l'esclavage, à la suprématie monothéiste, en trouvant d'autres voies par lesquelles s'exprimer et survivre.

Jeune fille Yoruba




vendredi 8 décembre 2023

Opéra : triomphe pour Don Carlo à la Scala

 

Hier soir, ARTE Concert nous a offert une transmission magistrale en live de "Don Carlo" de Verdi depuis la Scala de Milan.

Giuseppe Verdi
1813-1901

La "Prima" (la Première) à la Scala est un temps fort de la vie culturelle italienne,  qui débute traditionnellement le 7 décembre, jour de la Saint-Ambroise, patron de Milan.

La Scala

En 2021, c'était le début de la trilogie consacrée aux tourments du pouvoir, avec "Macbeth" de Verdi, puis en 2022, avec "Boris Godounov" de Moussorgski.

A la baguette, Riccardo Chailly
a dirigé cet opéra avec maestria.

Hier soir, avec ce magnifique opéra de Verdi, que je ne me lasse pas de regarder, il est encore question, et  de façon extraordinaire, de luttes pour le pouvoir et de drames de la jalousie. Voir ici et .

Créé à l'Opéra de Paris en 1867, puis adapté pour la Scala, dont il devint un incontournable, ce chef d'oeuvre sombre de Verdi, tiré du poème dramatique de de Friedrich Schiller, mêle brillamment l'intime et le politique au fil d'une partition au lyrisme émouvant.

Au premier rang des interprètes, Anna Netrebko, dans le rôle tragique d'Elisabeth de Valois, l'amoureuse sacrifiée à la raison d'Etat.

Anna Netrebko

Cette nouvelle production, mise en scène par Lluis Pasqual réunit autour d'Anna Netrebko le ténor Francesco Meli (dans le rôle titre), le baryton Luca Salsi (Rodrigue), les basses Michele Pertusi (Philippe II) et Jongmin Park (Le Grand Inquisiteur), sans oublier la mezzo-soprano Elina Garanca (La Princesse d'Eboli).

Don Carlo et Rodrigue

Elisabeth de Valois et Philippe II

Le Grand Inquisiteur et Philippe II

"Don Carlo est l'une des grandes oeuvres du répertoire lyrique mondial et en même temps une parabole sur le pouvoir autoritaire qui décrit un dictateur sans foi ni loi et sans vergogne" (Dominique Meyer, directeur de la Scala).

L'émotion est palpable dans la salle lorsque Philippe II entonne "Ella giammai m'amò" (Elle ne m'a jamais aimé) : le Roi d'Espagne dirige d'une main de fer un Empire immense, mais se montre fragile dans sa vie sentimentale.

Dans le rôle titre, Francesco Meli, considéré comme l'un des plus éminents ténors du répertoire verdien, a convaincu.

Anna Netrebko a subjugué le public avec sa voix envoûtante.

Elina Garanca a excellé dans le rôle de la Princesse d'Eboli.

Le message de Verdi est très anticlérical :" Les religions sont l'une des pires choses que les êtres humains aient inventées, et à la fin, c'est toujours le Grand Inquisiteur qui gagne."

Voir ici le trailer de cet opéra.

Voir ici l'interview de Francesco Meli.

Voir ici l'interview d'Anna Netrebko.

 


samedi 18 novembre 2023

Albert Schweitzer : Psychopathologie du Nationalisme

 

Prix Nobel de la paix, Albert Schweitzer a laissé dans le domaine politique des écrits majeurs (Déclin et restauration de la civilisation, 1923 et Paix ou guerre atomique, 1958). Voir ici.

Albert Schweitzer
1875-1965
(Maison Albert Schweitzer, Gunsbach)

Témoin de la désagrégation du tissu social et de la montée des populismes, il a su en analyser le processus avec une stupéfiante précision.


"Lorsque les principes et les valeurs éthiques générales ne sont plus assez puissants pour réguler un sentiment comme l'amour de la patrie, lorsque celui-ci n'est plus éclairé par la raison morale, il se met à croitre et à proliférer.

Dans la mesure où les autres idéaux s'effondrent, l'idéal national, seul survivant, devient l'idéal des idéaux.

Dans la mesure où nous laissons se perdre les biens de la civilisation, le nationalisme paraît incarner seul ce qui en reste et suppléer ainsi à leur manque".


Scruter la montée des populismes à travers la grille d'analyse de Schweitzer nous permet de trouver le juste recul et la claire compréhension des processus en cours.

Dans ce petit livre essentiel, l'introduction de Jean-Paul Sorg, philosophe et essayiste, montre la fécondité de cette démarche.

Bien avant tous les analystes des mécanismes de destruction à l'oeuvre dans notre société, Albert Schweitzer avait déjà tout compris!

"En lisant ce petit ouvrage, composé avec des textes que Schweitzer n'a pas eu le loisir de rassembler et de publier, on pourra s'étonner d'y trouver un tableau clinique du nationalisme, qui présente tant de correspondances avec celui que nous observons avec inquiétude dans l'actualité du jour". (Jean-Paul Sorg)


mardi 14 novembre 2023

Le peintre américain Winslow Homer et ses extraordinaires marines

 

Winslow Homer est un dessinateur, peintre, graveur et illustrateur américain réputé pour ses marines exceptionnelles.

Il est considéré comme étant l'un des principaux peintres américains du XIX° siècle et l'une des figures prééminentes du réalisme américain: ici.


Winslow Homer
1836-1910


Winslow Homer était autodidacte et a commencé sa carrière comme apprenti dans un atelier de lithographie de Boston.

Il a ensuite travaillé pour le journal Harper's Weekly au moment de la Guerre de Sécession ("Civil War") : dans les années 1860 : il reproduisait en gravure des photographies, de Matthew Brady en particulier, représentant les horreurs de la guerre.



A noter que ses gravures, considérées comme un travail d'artisan, ne portaient pas sa signature.

Il ne fut reconnu que plus tard, après la guerre, où il commença à peindre pour son propre chef et prit son autonomie de véritable artiste, utilisant l'huile et l'aquarelle.

Dans les années 1880, il s'installe dans le Maine, sur la côte Est.

C'est là qu'il commence à peindre avec vigueur et réalisme ses extraordinaires marines.






Un critique d'art écrivit à propos de ses tableaux : " C'est comme si on invitait l'Océan dans son salon."



Il réussit, vers la fin de sa vie, à transcrire magnifiquement la paix et la sérénité de scènes observées sur la côte du Maine, d'admirables enfants insouciants croqués merveilleusement à l'aquarelle ou à l'huile.










Nous avons pu admirer en mai dernier au Metropolitain Museum à New York "The Watermelon Boys" (1876). 



Cette composition est intéressante dans la mesure où elle représente un groupe fraternel d'enfants blancs et noir réunis pour manger des tranches de pastèques.

Contrairement aux représentations habituelles, le jeune noir au centre n'est pas représenté de façon caricaturale et humoristique.

Homer représente dans ce tableau ce que pourrait être à ses yeux une société américaine après la Guerre de Sécession.

Winslow Homer possédait une énergie, et une force qui l'ont fait comparer à Gustave Courbet.


Winslow Homer en 1908

Homer n'a jamais eu d'élève et n'a jamais cherché à faire école.

Il a eu une influence importante sur l'évolution de la peinture américaine.