lundi 26 décembre 2011

L'Univers d'Edvard Munch



"L'Univers d'Edvard Munch", tel est le titre d'une magnifique exposition qu'il m'a été donné de voir il y a deux jours au Musée des Beaux-Arts de Caen.

A vrai dire, j'hésitais à voir une nouvelle exposition sur Munch, après mon expérience récente décevante au Centre Pompidou à Paris.
En effet le Centre Pompidou nous a donné une présentation assez confuse, et baignant dans une sorte de sentimentalisme, de l'oeuvre, à mon sens difficile d'accès, d'Edvard Munch, mis à part peut-être le côté "photographe" de Munch...et encore.

A contrario, l'exposition présentée à Caen, jusqu'au 22 janvier 2012, dans le cadre de la XX° édition du Festival "Les Boréales" est excellente et m'a permis de rentrer dans l'oeuvre de celui qui est considéré, à juste titre, comme le plus grand peintre de l'Europe du Nord. Elle a en effet été conçue comme une introduction à l'oeuvre de l'artiste et a ainsi parfaitement rempli ses objectifs, en ce qui me concerne!



Edvard Munch (1863-1944) est contemporain de Gauguin et de Van Gogh.
Il a été non seulement témoin, mais acteur de la grande aventure de l'art moderne qui a pris corps après la période de l'impressionnisme.

J'ai vraiment apprécié la présentation thématique des oeuvres : Mélancolie, Norvège, Mort, Couples, Femmes, Angoisse.
J'ai apprécié également la façon dont les techniques étaient présentées (peinture, gravure sur bois, lithographies) et se renvoyaient l'une à l'autre : un face à face organisé avec la complicité de deux collections norvégiennes.
Il s'agit du legs Rasmus Meyer, provenant du Kunstmuseum de Bergen et de la collection Gundersen d'Oslo.

J'ai découvert les lithographies et gravures sur bois de Munch avec très grand plaisir, dont une version gravée du Cri.

Munch jeune artiste a découvert l'estampe, a appris la lithographie et l'art exigeant de la gravure sur bois, et ces moyens d'expression sont particulièrement bien représentés dans l'exposition.

Munch a atteint, à mon sens, par la lithographie et la gravure, un mode d'expression personnelle plus aboutie qu'en peinture!

(NB : J'avais déjà eu l'occasion d'ailleurs de découvrir et d'apprécier dans ce même Musée des Beaux-Arts de Caen les oeuvres gravées de nombre d'impressionnistes, à croire que les conservateurs de ce beau Musée s'en font une heureuse spécialité!)

Mélancolie:

"Je ne peins pas ce que je vois, mais ce que j'ai vu. Je peins et je pense dans le présent. Je vis dans le passé et dans le futur."




Norvège :

"J'étais déjà un être malade en venant au monde.La neige froide recouvre mes racines. Le vent glacial a empêché mon arbre généalogique de croître. Le soleil brûlant de la vie ne brille pas sur cette jeune feuille verte. Ainsi l'arbre de ma vie était maudit dès le départ. Ce que je compris très tôt. C'est ainsi que mon seul espoir est devenu un escalier étroit, un escalier solitaire, qui finalement pourrait m'offrir une ouverture lumineuse sur la vie."






Mort :

"J'ai reçu en héritage deux des plus terribles ennemis de l'humanité - la tuberculose et la maladie mentale - la maladie, la folie et la mort étaient les anges noirs qui se sont penchés sur mon bearceau."




Couples :

"Ce combat entre l'homme et la femme que l'on appelle l'amour."





Femmes :

"Je n'ai jamais aimé. J'ai ressenti l'amour qui déplace les montagnes et transforme les êtres - l'amour qui déchire, fait chavirer le coeur et boire le sang. Mais je n'ai pas pu dire à quelqu'un - femme, c'est toi, je t'aime. Tu es tout pour moi."



Angoisse :

"Je marchais sur la route avec deux amis - le soleil se couchait - je sentis comme une bouffée de mélancolie - le ciel devint soudain rouge sang. Je m'arrêtai et m'adossai épuisé à mort contre une barrière - je vis les nuages flamboyants comme du sang et une épée, la mer et la ville d'un noir bleuté. Mes amis poursuivirent leur chemin, je restai là frissonnant d'angoisse, et je sentis comme un grand et interminable cri traversant la nature."



Voir le beau numéro Hors Série de "Connaissance des Arts" consacré à cette exposition de Caen :

"Munch n'a pas fondé d'école, mais la présence de son art est aujourd'hui intacte, tout comme sa sincérité, sa spontanéité, son âpreté aussi, en un mot, sa modernité"

dimanche 18 décembre 2011

Cesaria Evora !




Très touché par la disparition de Cesaria Evora
le 17 décembre 2011.
Un hommage avec ce chant magnifique :

mercredi 14 décembre 2011

Le Faust de Murnau, 1926, ou la lumière contre les ténèbres


Après avoir vu le "Faust" de Gounod transmis depuis le Met (voir note précédente), je revois avec bonheur les images splendides en Noir et Blanc du film  "Faust" de Murnau, dont j'ai le DVD.

"Faust, eine deutsche Volkssage" (Faust, une légende allemande), tel est le titre du chef-d'oeuvre (muet et N&B)  réalisé en 1926 par Murnau  (1888-1931) .

Avec : Gösta Ekman (Faust) ; Emil Jannings (Méphisto) ; Camilla Horn (Marguerite).

Ce film magnifique impose Murnau, aux côtés de Fritz Lang et de Georg Wilhelm Pabst, comme l'une des principales figures du cinéma allemand.

Le film reprend la légende du XVI° siècle de Faust.


Méphisto, le Mal incarné, est sûr de triompher de l'intelligence humaine, suite à un pari avec l' Archange.
Il choisit comme victime le vieux et pieux savant Faust, l'alchimiste.


Méphisto déchaine la peste sur le monde ; impuissant devant ce fléau, le vieux savant invoque le Démon, qui répond à ses invocations, et le fléau cesse net.


Méphisto transporte alors Faust au dessus des villes et des pays et lui fait entrevoir merveilles et richesses.
Faust se laisse tenter, avide d'y prendre part, pressé de retrouver pour toujours la jeunesse qui lui permettra d'en profiter.
Il vend alors son âme au diable.


Faust redevenu jeune séduit Marguerite, tue son frère, Valentin, qui s'opposait à lui.
Accusée, Marguerite est conduite au bûcher.


Desespéré, Faust maudit le charme dont il a été la victime, redevient un vieillard et s'en va mourir sur le bûcher auprès de sa bien aimée : le pacte diabolique est rompu par l'amour!



Les puissances spirituelles de l'Archange et de Méphisto dominent totalement les humains.

Par le pacte maléfique, il y a fusion momentanée entre Faust et le divin "négatif", mais à la toute fin, le vieux savant rejoint l'instance divine "positive".

Seul le vrai et pur amour peut expier les péchés des hommes!

Ce film, dans son audace extraordinaire, est teinté d'expressionisme pictural et poétique.
La lumière crée des formes magnifiques qui se détachent du fond.
A certains moments, la notion de contour disparaît au profit d’un contraste fort de valeurs claires et sombres, mais à d'autres moments, ce qui ressort avant tout c’est l’uniformité du gris.

Le mythe de Faust, vu par le génie créateur de Murnau célèbre le combat de la lumière contre les ténèbres, dans des jeux de clairs-obscurs absolument magnifiques qui ne peuvent qu'enthousiasmer le photographe adepte du Noir et Blanc que je suis!

Voici 3 extraits du Faust de Murnau :

     *Ouverture :
http://www.youtube.com/watch?v=0_wG-xrOXfY&feature=related
     *Evocation de Méphistophélès :
http://www.youtube.com/watch?v=7TCfNFckx6Q
     *Le pacte avec Méphistophélès :
http://www.youtube.com/watch?v=1ybaJulsT48&feature=related

mardi 13 décembre 2011

A l'opéra au Met : un Faust du XX° siècle



"Faust" de Charles Gounod fut joué pour la première fois le 19 mars 1859 sur la scène du Théatre Lyrique à Paris.
L'oeuvre n'a jamais quitté le répertoire : elle  est devenue extraordinairement populaire : Faust a été joué plus de 2000 fois au Palais Garnier, à Paris.
Gounod  a commencé à travailler à cet opéra à l'âge de 24 ans!



Les librettistes de Gounod, Michel Carré et Jules Barbier ne cherchèrent pas à utiliser tout le Faust  de Goethe, mais portèrent l'accent sur l'histoire d'amour de Faust et de Marguerite.
Comme l'opéra n'était pas d'une entière fidélité à Goethe, les allemands préférèrent lui donner le nom de l'héroïne : Margarethe.
En effet, Faust (le "poing") est un monument de la culture allemande et de la culture universelle, au même titre que "Don Quichotte" ou "La Divine Comédie", ou le théatre de Shakespeare.

L'enjeu de Faust est des plus fascinants : il ne s'agit plus de péché, de caractère insatisfait ou rebelle, mais tout simplement du sens de la vie et du salut. Ce qui est en jeu : la damnation, l'essence même du mal, la négation à l'état pur : le diable en personne!

Le personnage de Faust existait avant Goethe, mais c'est le "prince des lettres allemandes" qui, après 60 années de travail, lui a conféré sa dimension universelle, à la fois savante et populaire.
Faust existera aussi après Goethe, en particulier par le mythique film muet de Murnau datant de 1926, que j'ai le bonheur d'avoir en DVD avec Gösta Eckman, Camilla Horn et Emil Jannings.


Cet opéra a connu une longue carrière internationale et a été choisi pour la soirée d'ouverture du Met, en 1883!
Faust fait désormais partie des 10 opéras les plus joués au Met.
Ce n'est pas pour rien que l'on a surnommé le Met le "Faustspielhaus", en référence, et par jeu de mot, au "Festspielhaus" de Bayreuth, le temple wagnérien !

Le Faust du cauchemard médiéval a un côté d'humaniste de la Renaissance, prêt à risquer la possibilité de son salut pour arriver, par la connaissance et l'amour, à un statut surhumain.

Mais celui qui est mis en scène par Gounod n'est plus que le détestable exemple d'une science sans conscience et sans foi. L'orgueil de son Faust n'a d'égal que la dépravation morale qui s'ensuit, sa lâcheté, l'abandon de Marguerite et de son enfant.


Mais revenons à la mise en scène de Des McAnuff, que nous avons pu apprécier, dans cette retransmission du samedi 10 décembre, depuis le Met, au Kinépolis de Mulhouse.

Le côté "science sans conscience ni foi" que je mentionnait est mis encore plus en relief car nous sommes plongés dans un laboratoire de recherche scientifique au moment du développement des recherches atomiques, au milieu du XX° siècle. Les images de destruction (Hiroshima, "la" bombe A, etc,...) et le côté "métallique" et froid des décors sont là pour accentuer le propos. J'ai été surpris mais j'ai aimé.

De grands moments de bonheur pour les auditeurs, de par les duos, trios, choeurs, solistes, qui nous font passer par tous les registres de l'émotion, tout au long des trois actes.

Le ténor Jonas Kaufmann, déjà entendu dans Wagner (Siegmund, dans Die Walküre, ici) est parfait dans le rôle titre : style et diction impeccables. Je dois dire que j'ai nettement préféré l'interprétation de Jonas Kaufmann à celle de Roberto Alagna!

René Pape, basse formidable, déjà entendu dans Boris Godounov (ici) est absolument magnifique, entre autres dans le chant fantastique et la danse qui s'ensuit : "le veau d'or est toujours debout", commentaire cynique sur le culte que les hommes vouent à Mammon.


Marina Poplavskaia, soprano, en Marguerite, jeune ingénue dévote a su nous émouvoir plus d'une fois. Nous l'avions entendu dans le rôle d'Elisabeth de Valois dans le Don Carlos de Verdi : ici.

Une excellente soirée!

Quelques moments de ce bel opéra enregistrés au Met :

     * Méphisto : "Le veau d'or est toujours debout"
http://www.youtube.com/watch?v=oYBqNJk7RaE
     * Prologue : Faust et Méphisto
http://www.youtube.com/watch?v=pxhNdWKwE0Q&feature=related

Voir également ici sur le blog ami de JCMEMO.

lundi 5 décembre 2011

Un opéra baroque au Met : Rodelinda de Haendel !



Une expérience étrange, surprenante, que celle d'écouter un opéra baroque transmis depuis le Met, à New York, au Kinépolis de Mulhouse !

Rodelinda de G. F. Haendel (1685-1759) fut écrit pour la Royal Academy of Music en 1719 et joué pour la première fois à Londres en 1725.
Le livret est d'Antonio Salvi d'après la pièce de Pierre Corneille: "Phertharite, roi des Lombards".
Voir le synopsis (en anglais) ici.

Bien que peu connu actuellement, cet opéra fut à l'époque l'un des plus grands succès de Haendel.
La musique des opéras de Haendel est l'une des plus accomplies de la première moitié du XVIII° siècle.

Ce qui fait que notre expérience, en écoutant Rodelinda, nous laisse un goût d'étrangeté, de surprise, de demi-teinte, c'est que nous nous trouvons face à des conventions musicales et scéniques de l'époque, qui ont été respectées au Met, et qui nous sont en fait totalement étrangères.

Les arias y règnent, avec de très nombreuses reprises (une dizaine de fois pour chaque air) qui, à chaque fois, sur les mêmes paroles, expriment des sentiments différents : la tristesse, l'intention amoureuse, la compassion, le désespoir, la détermination,...

L'intrigue est connue d'avance et ne laisse pas place à la surprise.
Les déplacements scéniques et les gestes des interprètes obéissent à des codes et sont là pour renforcer les sentiments ; ils nous semblent aujourd'hui bien artificiels!

Si nous ajoutons l'interprétation des deux contre-ténors Andreas Scholl, dans le rôle de Bertarido et Iestyn Davies, dans celui d'Unulfo, le "dérangement" est total.
Les castrats étaient follement à la mode à l'époque de Haendel, mais aujourd'hui, les contre-ténors dans un opéra surprennent, c'est le moins qu'on puisse dire!

Andreas Scholl est l'un des spécialistes les plus réputés du baroque ; j'ai trouvé dans sa prestation d'un rôle extraordinairement difficile une technique parfaite, un beau timbre, mais un volume particulièrement faible, certainement du à la virtuosité requise, qui donnait finalement quelque chose d'un peu terne... 
Je me demande ce que pouvaient bien entendre les spectateurs dans la grande salle du Met!


Par contre, Iestyn Davies ci-dessus, nous a offert une interprétation plus "brillante".


Quant à Renée Fleming, Ah, parlons de Renée Fleming, en belle Rodelinda rousse!
Rodelinda exprime à la fois les souffrances et la fidélité, mais aussi une force de caractère au service de la défense de son fils et de la mémoire de son époux : rôle difficile.

Renée Fleming aime chanter le baroque, mais ce n'est pas sa spécialité : elle me semble avoir eu des difficultés tant avec les aigus qu'avec le rythme.
Toutefois son interprétation de "Io t'abbraccio", avec Scholl était magnifiquement émouvante.

Stéphanie Blythe était parfaitement à l'aise dans le rôle d'Eduige.

Un très bel ensemble baroque avec clavecins, flutes à bec et théorbe dirigé par Harry Bicket.
Production de Stephen Wadsworth de 2004.


En résumé, un opéra en trois actes qui peine à démarrer (seulement vers le milieu du 2° acte), une superproduction (à l'américaine avec effets impressionnants de changement de décors), pour un opéra baroque qui devrait être plus intimiste à mon goût : une surprenante mais bonne soirée, finalement!

Ecoutez Andreas Scholl :
http://www.youtube.com/watch?v=t2Q6V4x_mf8&feature=related

vendredi 25 novembre 2011

En Alsace, à l'Opéra du Rhin : "La Bohème" de Puccini !


J'ai assisté avec bonheur vendredit 18 Novembre, à La Filature de Mulhouse, à  une émouvante  "Bohème" de Puccini, dans le cadre de l' OnR (Opéra du Rhin).


Je ne me lasse pas de voir et revoir ce classique du répertoire, créé au Teatro Regio de Turin en février 1896.
Je me souviens de notre première "Bohème", dans un cadre unique : La Fenice, à Venise, quelques années avant le malheureux incendie du 29 Janvier 1996.

Nous étions profondément émus, non seulement par le cadre magique ( La Fenice est en effet, avec la Scala de Milan et le Teatro San Carlo de Naples, l'un des temples les plus prestigieux de l'opéra italien), mais par l'interprétation magistrale à laquelle nous avions assisté.

Mais je reviens à La Filature, à Mulhouse : le canadien Robert Carsen nous a offert là une superbe mise en scène à la fois originale et classique.

Comédien à l'origine, Carsen a entamé ensuite une carrière de metteur en scène qui l'a  conduit dans les théatres et les opéras les plus prestigieux : La Scala, le Liceu de Barcelone, La Fenice, l'Opéra de Paris où il a signé dix productions, à Amsterdam, Cologne, Vienne, Chicago et au Met à New-York.
Il est régulièrement invité à l' Opéra des Flandres où il a mis en scène, entre autres, les sept principaux opéras de Puccini.
Justement, cette magnifique "Bohème " était une production de l'Opéra des Flandres.

Pour "La Bohème", son quatrième opéra, Puccini et ses librettistes, Giacosa et Illica, se sont inspiré des "Scènes de la vie de Bohème" d'Henry Murger : de jeunes artistes, à Paris, au XIX° siècle mènent une existence misérable, faite de joies, d'amourettes et de peines.

Les amours de ces héros "ordinaires" se font et se défont ; la pauvreté et la maladie sont là, qui mettent à mal les instants de bonheur fragile.

Jeunesse, gaîté, poésie, rêves se métamorphosent, au contact de la dure réalité quotidienne, en nostalgie, mélancolie, espoirs vite déçus.
Puccini reproduit dans ce bel opéra, avec beaucoup de subtilité, la cohabitation du tragique et de l'humour, qui est la trame même de la vie.


Puissante interprétation de l' Orchestre symphonique de Mulhouse sous la direction musicale de Stefano Ranzani, et choeurs et maîtrise de l'OnR vivants, colorés et dynamiques : voila qui a contribué à mon (notre) bonheur.

Virginia Tola (à gauche) a su traduire de façon bouleversante le denuement, les espoirs déçus et la tragique fin de Mimi.

Enrique Ferrer (Rodolfo), Thomas Oliemans (Marcello) et Yuriy Tsiple (Schaunard) traduisent à merveille l'insouciance bohème d'une  jeunesse qui attend la chance qui lui apportera la gloire dont elle rêve.

Agnieszka Slawinska campe quant à elle une Musetta séductrice, légère et tragique.

Les interprêtes ont su nous entraîner et nous faire participer avec émotion au mouvement d'humanité qui les soulève et les transforme pour tenter à la fois de  sauver Mimi et de sauver leurs rêves.

Lorsque Mimi s'éteint, ils regardent alors la mort en face, et nous avec eux...

lundi 21 novembre 2011

Promenade en Alsace, au grand et au petit Hohnack

Hier, profitant d'une belle après midi d'automne, nous sommes montés en hauteur, dans les Vosges, au dessus de la nappe de brume qui s'étendait sur la plaine d'Alsace.


Notre agréable petit circuit de 2h nous a mené, en partant de la "Croix de Wihr" (890m, au dessus de la Vallée de Munster), par les hauteurs boisées, sur deux sites souvent ignorés : le sommet du Grand Hohnack (982m) puis celui du Petit Hohnack (927m).

A la Croix de Wihr : un mémorial du 152 RI, avec l'inscription : "Ici, le 19 Août 1914, le III° Bataillon du 152 RI surprit le Régiment de Landwehr Bavarois et après un combat de 5 heures, les tailla en pièces. "

Sur le sommet du Grand Hohnack on découvre de mystérieuses roches à cupules.

Ces cupules sont des creux circulaires faits par l'homme (préhistorique?) à la surface de certains rochers.
On ignore le pourquoi de ces cupules et l'usage exact qui en était fait (libations rituelles?).

Quelques vestiges de la Grande Guerre par ci, par là, comme partout dans les Vosges.


En tout cas, un magnifique point de vue s'offre au randonneur dans les trouées des arbres.


Sur le sommet du Petit Hohnack, le marcheur découvre une belle ruine médiévale, la plus haute d'Alsace après le château du Freundstein.


Ce château fut construit en 1079 par les Comtes d'Eguisheim-Dabo. Il passera ensuite sous la tutelle des Ferrette, puis de l'Evêque de Strasbourg, puis de l'Evêque de Bâle, puis des Ribeaupierre.


Vers la fin du XIV° siècle, une complexe affaire de succession entre Brunon de Ribeaupierre, Jean de Lupfen et Conrad de Sarrewerden n'a pu être résolue que par...la Maison d'Autriche.


Louis XIV ordonnera, en 1655, de démanteler ce chateau (comme tant d'autres...).

Après la Révolution les restes du château sont vendus comme biens nationaux : il finira par servir de carrière de pierres.

Il est composé d'une vaste enceinte polygonale flanquée de quatre tours, avec donjon central...


Du chateau, le randonneur est récompensé par une vue magnifique sur le Val d'Orbey, la plaine d'Alsace embrumée, et plus loin les hauteurs de la Forêt-Noire.
Nous avons même aperçu nettement au loin les Alpes Suisses : l'Eiger (3970m), le Mönch (4099) et la Jungfrau (4158)!


Le Château du Petit Hohnack est situé sur la commune de Labaroche (Qui s'appelait Festum en 1114, puis Celle en 1302, puis pris son nom de Labaroche au XVI° siècle, puis reçut le nom de Zell sous l'occupation allemande en 1870...).

A noter que la Commune de Labaroche a adopté en 1974 les armoiries de la Seigneurie
de Hohnack
, qu'il faut lire ainsi : " d'argent à trois têtes d'aigles arrachées, de sable, becquées et couronnées d'or, lampassées de gueules. "




vendredi 18 novembre 2011

Musique malienne : Vieux Farka Touré, le "Hendrix du Sahara", au "New Morning", à Paris!




Vieux Farka Touré , le " Hendrix du Sahara ", est un musicien et chanteur malien, fils d' Ali Farka Touré (qui était considéré comme l'un des principaux guitaristes de blues africains).


Il est reconnu internationalement, la preuve : il a été invité à la cérémonie d'ouverture de la Coupe du Monde de foot en 2010, où il a chanté, de fait, "devant" un milliard d'auditeurs...

Ce magnifique musicien malien établit un pont entre blues, culture africaine et américaine, entre modernité et tradition : tout pour me plaire, moi qui raffole des musiques "métissées", et des musiciens maliens en particulier. Je serai d'ailleurs en février au Festival de Musique sur le Niger de Ségou!

Il entreprend une tournée mondiale aux USA et en Europe, suite à son dernier album "The Secret".

L'ambiance, lundi 14 novembre, au "New Morning", pour son passage à Paris était plus intime ...qu'à la cérémonie de la FIFA, mais néanmoins chaude : très chaude ambiance communicative créée d'emblée par Vieux Farka Touré, sourires et rires bon enfant, respect du public, enthousiasme dansant car avant tout VFT est un musicien hors pair qui sait communiquer, dans l'amour du rythme et des gens.

En un mot : formidable!

Voir son site ici.

Voir VFT, lors d'un concert aux USA :
http://www.youtube.com/?v=_Mh74XLcwn0&feature=related

mercredi 16 novembre 2011

La photographe Diane Arbus, à Paris : une violente objectivité


L'exposition consacrée à la photographe américaine Diane Arbus, qui se tient en ce moment au Musée du Jeu de Paume à Paris (jusqu'au 5 février 2012) m'a profondément remué.


Les images de Diane Arbus (plus de 200 clichés exposés) sont singulièrement puissantes.

Elles se veulent objectives.Je les ai trouvées cruelles, violentes.
Elles se veulent sans affect, sans jugement.


De cette volonté même jaillit leur force incroyable.


Elles se situent dans la lignée de l'oeuvre "documentaire" de Walker Evans (voir ici).

Selon les propres mots de l'artiste :
" Une photographie est un secret sur un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en savez. "

Diane Arbus (New-York 1923-1971) est une figure majeure de l'art du XX° siècle.
Elle concentre son travail sur New-York et ses alentours, et tout particulièrement sur des individus "hors normes", à la marge, sur le fil du rasoir : travestis, personnes de petite ou de très grande taille, handicapés, jumeaux,...

En dressant un portrait à la fois familier, troublant et cru - voire glauque - de l'Amérique des années soixante, Diane Arbus réussit à traduire son mal de vivre qui l'amènera à mettre fin à ses jours en 1971



Sa réflexion sur l'identité et les apparences, au travers de ses clichés stupéfiants de travestis, d'handicapés déguisés ou d'américains "moyens" nus dans des camps de nudistes ne peut laisser le spectateur indifférent.



D'autant plus que nombre de sujets photographiés nous regardent en face, nous interpellent...

J'avoue avoir été profondément troublé et déstabilisé par cette exposition exceptionnelle...

Pour en voir plus :
http://www.youtube.com/watch?v=OF3JgdaASa8

lundi 14 novembre 2011

Film turc : il était une fois en Anatolie, un certain regard...


Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan nous entraine, dans "Il était une fois en Anatolie", dans un road movie nocturne absolument étonnant et magnifique.

Je m'y suis laissé prendre totalement, malgré la lenteur et la longueur du film (2h30).

C'est qu'il s'agit non seulement, dans cette longue traversée nocturne de la steppe anatolienne, d'aller, à la lueur des phares, à la recherche d'un improbable cadavre, mais surtout de tenter de sonder au plus profond les âmes des protagonistes de cette étrange quête.

" Si vous voulez trouver quelque chose, il faut d'abord vous perdre! "

Nuri Bilge Ceylan brouille les pistes : un meurtrier guide un procureur, un médecin et des policiers à la recherche du corps de sa victime, de fausse piste en fausse piste.

Chacun d'entre eux, et à tour de rôle, "dirige" et entraine les autres à sa suite, dans sa propre errance.

Le spectateur finit par éprouver une sorte de tendresse pour ce meurtrier qui est pris de sanglots à l'apparition de la lumineuse jeune fille dans la nuit, lors d'une halte.

Les paysages désertiques du plateau anatolien, filmés de nuit, à la lueur des phares, tels des yeux qui sondent les ténèbres, nous donnent de magnifiques images dont chacune est un tableau qui m'a totalement transporté.

Lors de la séquence qui se déroule chez le maire d'un petit village où les protagonistes font halte, le réalisateur nous offre des images en clair obscur fantastiques, à la George de la Tour, où le visage de madone d'une jeune fille illumine et bouleverse la profonde nuit extérieure, mais aussi celle des âmes et des esprits.

Dans un second temps, le jour enfin levé, le réalisateur nous entraine dans la profondeur des drames intérieurs des personnages.

Personne n'échappe à son propre destin et aux drames de sa vie : pas plus le procureur, qui prend conscience d'avoir causé la mort de sa femme, que le médecin, divorcé, que le commissaire, torturé par le handicap de son enfant.

Nous sommes tous embarqués dans la même galère, sur une mer incertaine , pleine de risques et de mystères...

Les regards, dans ce chef d'oeuvre, sont omniprésents : interrogateurs, accusateurs, agressifs, ou bien intérieurs et pacifiés, des regards qui tels ceux du médecin, s'adressent par moment directement au spectateur : et vous, où en êtes vous?...


La découverte du cadavre, puis son autopsie ne nous livreront pas clairement la clef du mystère.
Il vaut mieux ne rien révéler de ce qui a pu causer la mort.

La raison profonde des actes des uns et des autres nous demeurera à jamais cachée.
Rien ne sert, finalement, de vouloir procéder à l'autopsie des âmes...

Voir :
http://www.youtube.com/watch?v=kYk2kJljBjA

lundi 7 novembre 2011

Un exploit au Met : Siegfried!

Je me souviendrai du "Siegfried" de Richard Wagner, retransmis samedi 5 Novembre du Met à New York au Kinépolis de Mulhouse, comme l'exploit du jeune ténor texan Jay Hunter Morris, pour sa prise de rôle, dans le rôle titre, dans ce magnifique opéra, en remplacement de Gary Lehman, souffrant.

Jay Hunter Morris débuta au Met en 2007 dans Jenufa de Janacek.


Il interprêta pour la première fois le rôle de Siegfried à l'Opéra de San Francisco l'été dernier.
Il a à son actif le rôle de Walther dans " les Maîtres Chanteurs de Nüremberg", d'Erik, dans " le Hollandais volant", et il chantera l'an prochain Tristan, dans "Tristan et Isolde".


Le rôle de Siegfried est particulièrement exigeant et éprouvant dans la mesure où Siegfried est totalement présent du début à la fin de cet opéra en 3 actes de 5h 15 (avec 2 entractes).


Samedi soir, Jay Hunter Morris a interprété un Siegfried jeune, un peu naïf, comme l'exige le rôle, mais impatient, impulsif, impétueux, plein de vie et prêt à tout pour se lancer à la découverte de l'amour.


Une voix de ténor magnifique, une grande présence théatrale, et, à la hauteur du jeune héros qu'il incarne, une énergie qui ne faiblit pas, du début à la fin de cette longue épopée : Bravo!


Siegfried est prêt à tout, puisqu'il ne connait pas la peur : prêt à se lancer à l'assaut de l'énorme dragon en lequel s'est transformé le géant Fafner, gardien de l'Or du Rhin.


Mais auparavant, prêt à en prendre les moyens : à se forger une nouvelle épée avec les débris de la magique Nothung (confiée par Wotan à son père Siegmund), prêt à tuer le gnome Mime, astucieux et fourbe, qui cherchait à l'empoisonner.

Siegfried n'est pas tout à fait un être libre de tout déterminisme, car issu de l'union incestueuse de Siegmund et de Sieglinde, mais, guidé par l'oiseau de la forêt, il partira avec la fougue de la jeunesse, à la recherche de la "vierge qui dort", qui n'est autre que la Walkyrie Brünnhilde, endormie dans son cercle de feu.

En chemin, il se heurtera violemment à Wotan (déguisé en homme : der Wanderer) ; il fera voler en éclats la lance du dieu, symbole de son pouvoir.


Plus rien ne l'arrêtera désormais : il part à la conquête de Brünnhilde, qu'il éveille à la vie, qu'il éveille à elle même.

Il sera d'avantage surpris, et stoppé dans son élan amoureux par les hésitations de la demi déesse devenue simple mortelle que par tous les obstacles qui s'étaient dressés auparavant sur sa route.


Décontenancé, Siegfried découvre une femme qui se découvre elle-même en rencontrant un amour aussi absolu et juvénile.


Siegfried aussi nait à lui même, et nous avons à la fin de l'Acte III un duo absolument magnifique, où les chants d'Amour et de Mort se mèlent et se répondent.


L'Or maudit des Nibelungen est loin...pour le moment, car on ne peut avoir à la fois l'Or et l'Amour!


J'ai retrouvé avec grand plaisir Bryn Terfel (baryton-basse), impressionnant dans le rôle d'un Wotan/Der Wanderer partagé entre les lois qu'il édicte et auxquelles il déroge, et ses sentiments et ses pulsions.


Deborah Voigt (soprano), toujours magnifique dans le rôle de Brünnhilde, qui lui va comme un gant : elle interprête à merveille la demi déesse qui se découvre simple mortelle.

(Voir mes notes sur l' Or du Rhin au Met ici, et sur la Walkyrie ici. )


Siegfried est le héros wagnérien par excellence, à l'écoute de la nature, des superbes murmures de la forêt, de l'oiseau magique. Mais c'est aussi le maître des forges et du feu des passions.


La mise en scène inventive et fabuleuse de Robert Lepage et la direction musicale précise de Fabio Luisi ont fait de cette soirée un moment mémorable!


Ecoutez la voix profonde et chaude de Siegfried/Jay Hunter Morris dans la caverne de Mime, en train de forger l'épée magique Nothung :