mercredi 31 mars 2010

La Roya et les fontaines de Tende

...la Roya, qui n'est pas une rivière, mais un fleuve franco-italien! En italien : fiume Roia.


Le fleuve de la Roya prend sa source en France, au Col de Tende, sur la frontière italienne, et termine sa course dans la Méditerranée à Vintimille après avoir parcouru 60 km, dont les 15 derniers en Italie.

Elle coule au milieu de Tende, sauvage, transparente, d'une belle couleur vert pâle.
On peut y observer des truites vivre leur vie dans les trous d'eau ou launes, en attendant le passage des pêcheurs.

Elle est alimentée, en traversant Tende, par l'eau qui ruisselle en permanence des nombreuses fontaines et des abreuvoirs(une bonne dizaine) ainsi que des lavoirs (une petite dizaine), eux même alimentés par l'eau des montagnes du Mercantour et de la Vallée des Merveilles, dont Tende est la principale porte d'accès.

En effet, l'eau coule partout en abondance à Tende, même chez les particuliers, qui la payent encore au forfait : non pas au compteur, mais au nombre de robinets, ce qui n'est pas très fréquent ailleurs, vu la pénurie d'eau...

Le nombre de fontaines peut aussi s'expliquer par le trafic incessant des bêtes, mulets, ânes et chevaux assoiffés qui traversaient ce gros bourg en suivant la route du sel entre l'Italie et la France.

Saint Eloi, protecteur des mulets et des muletiers est d'ailleurs fêté le 2° dimanche de Juillet à Tende.



Tende : un village rafraîchissant où le murmure des fontaines est partout présent, même au coeur de l'été.
Les fontaines étaient le lieu de tous, l'abreuvoir celui des hommes qui y menaient les bêtes et les lavoirs le domaine réservé des femmes.
Le lavoir a généralement deux bassins.
Le plus petit reçoit directement l'eau. C'est celui qui sert au rinçage et au petit linge.
Le second bassin est consacré au lavage, là où les battoirs s'activent et où les langues se délient.
Il faut imaginer les lessives par toutes les saisons et tous les temps...et l'hiver, il ne fait pas vraiment chaud à Tende!
Seuls les enfants étaient admis autour des lavoirs, mais pas les hommes.
Ce que les cafés étaient pour les hommes, les lavoirs l'étaient pour les femmes.
Ne disait-on pas : "Bavard comme une lavandière"?
Quelques interdits seraient attachés aux lavoir en certains lieux : interdits aux femmes pendant la menstruation, de peur que l'eau de la source ne soit polluée, interdits d'accès pendants certaines fêtes...de peur d'y laver son propre linceul...
Le silence est par contre retombé sur les lavoirs.

Il sont désormais délaissés, et c'est un bien, et les éclats de voix et les confidences se sont tus.

Silencieux les battoirs des ménagères du siècle passé, ainsi que les discussions vives dont les voûtes se sont fait l'écho!

Histoires de l'arrière pays de Nice

J'apprécie de moins en moins et c'est peu dire, les villes de la Côte d'Azur, de Menton à Nice et Cannes.
Une étroite bande côtière bétonnée et totalement saturée de voitures.
Au point qu'il est très difficile de circuler.
Souhaiter y garer sa voiture relève de "Mission Impossible" et de la crise de nerfs.

Le soleil y a attiré tant de monde que la vie y devient "invivable".
C'est un mirage où le soleil est certes à l'extérieur, mais plus à l'intérieur : individualisme et agressivité deviennent la règle.

Par contre, l'arrière pays est très attachant et reste méconnu du plus grand nombre.

Je demeure amoureux des Hautes Vallées de la Vésubie, de la Tinée, du Var, du Paillon et surtout de la Roya, qui jouxtent le Parc National du Mercantour.

La Haute Vallée de la Roya nous ouvre en plus les portes de la Vallée des Merveilles!


J'apprécie fort les randonnées qui nous font traverser des villages comme Clans, à l'entrée de la Vallée de la Tinée, chargés d'Histoire et d'histoires, telle que celle que je vous livre ci-dessous, appropriée au temps de Carême :


"Une fois, avec ma soeur, je suis allé danser de Carême.
Vous savez, pour aller danser le jour de Carême...

Il y avait au village un piano mécanique.

Ma mère l'a su, elle est allée nous chercher avec la corde du bât de l'âne et, tu sais, sur les jambes!
Elle ne m'a pas ménagée.

Et puis après, le soir, mes frères nous ont dit : ça c'est pas là tout, dimanche, le jour de Pâques, quand les autres vont danser, vous irez garder les moutons.

Je me suis dit : ça, il le dit, mais il le fait pas.
Mais la veille de Pâques, il dit à ma mère : prépares-y la musette que demain matin elles vont garder les moutons.

A sainte-Anne, hein! Il fallait partir à 5h du matin!

Maman a préparé la musette : elle a pris un grand pain, elle l'a coupé, elle a fait une omelette avec du jambon, elle nous a mis ça dans le pain, elle nous a mis une poignée de figues dans la musette et nous voilà parties, toutes les deux, avec ma soeur Thélise, garder les moutons.

Et dans la journée il est venu un orage, mais un orage, tu sais, au mois d'avril, il tombait des gouttes comme ça!
Nous avons vite pris les moutons, nous les avons enfermés et nous en sommes venues.

Voilà que, quand on arrive près du village, il sort, le soleil.
Et je me disais : Mon Dieu si nous arrivons avec le soleil, qu'est-ce qu'ils vont dire mes frères?

Alors nous avons un peu attendu et puis on a dit il faut rentrer.
Quand nous arrivons, mes frères étaient sur la place.

Ils nous ont dit : c'est maintenant que vous venez?
Je me disais, mon Dieu, s'ils savaient que nous avons fermé les moutons que c'était peut-être 2 h !

Et j'ai dit : eh bien! Oui, il a plu et les moutons ne restaient plus, nous en sommes revenues...
Eh ben! Vous resterez encore dimanche prochain!

Le soir, pas dansé, bien entendu.
Nous sommes allées nous coucher.
Moi j'étais comme ça, enflée de pleurer, j'ai pleuré toute la nuit.
Ce que j'ai pu pleurer de pas pouvoir aller danser le soir de Pâques!

Mais je suis plus allée danser de Carême, va!"

Mme Dolla, de Clans , propos recueillis en 1980 par José Cucurullo (Paroles d'un Pays, Editions Serre, Nice, 1983)

mardi 30 mars 2010

La Chapelle Sixtine des Alpes Maritimes.

Le site du sanctuaire de Notre Dame des Fontaines, sur la commune de La Brigue, dans les Alpes Maritimes, en France, non loin de la frontière italienne, à 879 m d'altitude, commence a être relativement connu.

Ce site domine sept sources intermittentes aux vertus longtemps réputées miraculeuses.

Nous avons découvert cette chapelle, cet ancien sanctuaire, en 1980, tout à fait par hasard, au cours d'une randonnée qui a mené nos pas dans ce lieu rafraîchissant, situé dans un beau cirque de verdure au milieu de hautes montagnes, sur une ancienne route muletière qui reliait La Brigue à Triora, à 4km de La Brigue.

Le lieu était tout à fait désert, la chapelle ouverte à tous les vents.
Vu de l'extérieur, le bâtiment d'a rien d'attrayant, par son absence de clocher et une hauteur disproportionnée.
Un porche est encadré de portes très basses.

Quelle ne fut pas notre stupéfaction en pénétrant à l'intérieur.

Nous eûmes littéralement le souffle coupé par la profusion des fresques qui occupent tous les murs et le choeur, environ 220m², comme de grandes tapisseries.

Nous étions seuls, dans la Chapelle Sixtine des Alpes Maritimes ouverte à tous les vents!

Ces fresques ont été réalisée en 1491 et 1492 par les deux artistes les plus fameux de l'époque : Giovanni Baleison et Giovanni Canavesio qui ont du travailler ensemble, et, vu la surface couverte, ont du faire appel à des aides nombreux.

L'ensemble est à première vue un peu confus, mais on y découvre des scènes de la Passion et de la Crucifixion du Christ, et surtout des scènes du Jugement Dernier absolument stupéfiantes.

Tout, dans ce Jugement Dernier affirme l'idée de la vengeance divine et non celle de la miséricorde.
Le visage du Christ est tourné vers l'enfer et il lève la main dans un geste de malédiction.

Les anges repoussent les démons et les damnés dans la gueule ouverte de Satan.
Un immense squelette les chevauche...

Plus loin, les anges poussent les élus vers le Christ.

Les peintures de Canavesio expriment par leur mouvement, par leur violence, par les gestes véhéments, les sentiments de l'homme tourmenté, déchiré entre le bien et le mal.

La figure de Judas pendu, le visage convulsé, le corps déchiré d'où pendent les organes et d'où un diable extrait l'âme est typique de l'outrance qu'a recherchée Canavesio, pour frapper l'esprit des fidèles.

En opposition, les personnages peints par Baleison inspirent la sérénité et le calme.

Notre Dame des Fontaines est maintenant un site protégé à l'accès soigneusement sécurisé....

N'hésitez pas, si vous passez dans le Midi, à remonter la Vallée de la Roya vers La Brigue, Tende et Saorge, qui valent toutes trois le détour, je vous l'assure!

samedi 27 mars 2010

Hamlet d'Ambroise Thomas au Met!

Non, je n'étais pas ce soir au Met (Le Metropolitan Opera à New York), mais c'était tout comme.

Ce n'est pas la première fois que je vais au Kinépolis de Mulhouse assister à la retransmission d'un Opéra en "live" depuis le Met.
J'y vais souvent avec des amis amateurs d'opéras.

Exceptionnellement ce soir je m'y suis rendu seul pour assister en direct à une représentation vraiment formidable du Hamlet d'Ambroise Thomas. (Peut-être le nom du compositeur, assez peu connu en a-t-il rebuté plusieurs)

Hamlet, je "connaissais", of course, (si on peut dire qu'on connait cette pièce, qu'il faut lire et relire,et revoir).
La représentation au théatre la plus formidable à laquelle j'ai assisté, c'était il y a fort longtemps avec Jean-Louis Barrault dans le rôle titre ; c'est tout dire : tout est encore gravé dans ma mémoire.

Mais Ambroise Thomas, jamais entendu parler, alors que j'ai déjà vu pas mal d'opéras.

Ambroise Thomas (né à Metz en 1811- mort à Paris en 1896) est considéré comme le chef de file de l'Opéra français. Il traverse tout le XIX° siècle avec une vingtaine d'oeuvres, dont un certain nombre portent la marque shakespearienne. C'était le fils prodige d'un violoniste et d'une cantatrice.

Thomas s'inspire de Shakespeare, mais a du modifier la fin de son opéra ; il fait en effet mourir Hamlet. La première représentation ayant eu lieu à Covent Garden, il n'était pas question que le Prince Hamlet devienne Roi après avoir assassiné son beau-père, le Roi en titre (lui-même assassin du Roi en titre précédent, mais peu importe...), au pays de sa Très Gracieuse Majesté!

De sa musique, on peut en effet dire qu'elle n'est pas tout à fait adaptée au thème sombre du drame de Hamlet, mais à mon sens elle est vraiment magnifique, entre autre la longue scène de la mort d'Ophélie. C'est une musique mélodieuse, très enlevée. Le compositeur avait un vrai talent d'orchestrateur et une très bonne connaissance des voix.

Mais, pour sûr, ce n'est pas Verdi!

A noter que Ambroise Thomas innove dans son opéra en introduisant un engin nouveau dans l'orchestre : le saxophone. Le belge Adolphe Sax, l'inventeur de l'instrument était à l'époque directeur de la musique de scène à l'Opéra de Paris...

Une Ophélie formidable de justesse et d'expressivité, interprétée par Marlis Petersen, venue au pied levé de Vienne il y a quelques jours pour remplacer Nathalie Dessay, souffrante.

Un Hamlet vraiment magnifique : Simon Keenlyside.

mercredi 17 mars 2010

"Ode Maritime" de Pessoa, au Théatre de la Ville à Paris

Je viens de voir lundi soir au Théatre de la Ville à Paris le spectacle fort, étonnant, dérangeant, émouvant, donné par Jean Quentin Châtelin, acteur formidable et Claude Régy, metteur en scène de très grand talent.

Il s'agit de "Ode Maritime", long poème d'un millier de vers de Alvaro de Campos - alias Fernando Pessoa.


Nous partons, lors de ce spectacle, dans des espaces de rêve et de mystère qui touchent au plus profond de notre nature humaine.

"Ode Maritime" fut écrit il y a cent ans.


Il est d'autant plus urgent de lire et relire ce texte - de le voir interprété, si c'est encore possible -, dans notre monde "intranquille" qui est tenté par le basculement dans le virtuel et l'irréel.

"Ah! Qui sait, qui sait / Si je n'ai pas quitté jadis, avant d'être moi-même / Un quai ; si je n'ai pas laissé, navire au soleil / Oblique du matin / Une autre espèce de port? / Qui sait si je n'ai pas laissé, avant l'heure / Du monde extérieur coimme je le vois / Pour moi s'illuminer, / Un grand quai plein d'une faible foule, / D'une grande cité éveillée à demi, / D'une énorme cité-champignon, commerciale, apoplectique,/ Etrangère, autant que faire se peut, à l'Espace et au Temps? /

Pour une analyse plus détaillée de ce spectacle, voir mon autre blog :

dimanche 14 mars 2010

11400 enfants assassinés en France

11400 enfants assassinés parce que juifs, dans les écoles françaises entre juin 1942 et Août 1944.

La Shoah est un évènement unique, inouï et inexpiable. L'histoire d'une mystérieuse coalition de la haine et de l'indifférence.

La pire des injustices alliée à la plus méticuleuse des bureaucraties inhumaines.

L'atrocité atteint son comble avec l'anéantissement des enfants.

Mes promenades et pérégrinations dans Paris me font invariablement passer et m'arrêter devant de nombreuses écoles maternelles, collèges et lycées des arrondissements de la capitale.

Rien qu'à Paris, 6100 jeunes écoliers sont morts, froidement assassinés par la sauvagerie nazie avec la complicité active de la police de Vichy.

Des plaques sont apposées sur les façades des établissements scolaires, rappelant l'atrocité des évènements.

Par exemple :

1200 enfants raflés dans le XI° Arrondissement, un quartier que j'aime particulièrement.
500 enfants déportés et assassinés dans le IV° Arrondissement.

700 enfants assassinés dans le XVIII° Arrondissement au moment même où j'y voyais le jour.
Et ainsi de suite pour les 20 Arrondissements de la capitale....

Ces plaques ont été posées grâce à l'action d'associations comme l' AMEJD (Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés) et grâce à la Mairie de Paris.

Sur les 1200 plaques commémoratives diverses apposées sur des bâtiments à Paris, pas moins de 900 sont liées aux actions de résistance et à la déportation.

Des recherches ont permis de rassembler 4000 photos d'enfants déportés, 4000 visages de petits écoliers et d'adolescents, dans la Salle des Enfants du Mémorial de la Shoah à Paris.

Fait exceptionnel dans l'histoire de la Shoah :

en France, 60 000 enfants juifs ont échappé à la déportation et à la mort.

Et ceci grâce à la population française qui a aidé les familles et les associations à cacher les enfants et fait pression sur le Gouvernement de Vichy pour freiner sa collaboration policière avec la Gestapo.

Laïcs et religieux ont su tendre la main à la fois par compassion et pour que la France ne perde pas son âme.

Les mers vigoureuses du peintre américain Winslow Homer


Winslow Homer (1836-1910) est considéré comme l'un des plus importants peintres américains du XIX° siècle.

Winslow Homer était autodidacte et a commencé sa carrière comme apprenti dans un atelier de lithographie de Boston.

Il a ensuite travaillé pour le journal Harper's Weekly au moment de la Guerre de Sécession ("Civil War") : dans les années 1860, il reproduisait en gravure des photographies, de Matthew Brady en particulier, représentant les horreurs de la guerre.

A noter que ses gravures, considérées comme un travail d'artisan, ne portaient pas sa signature.

Il ne fut reconnu que plus tard, après la guerre, où il commença à peindre pour son propre chef et prit son autonomie de véritable artiste, utilisant l'huile et l'aquarelle.

Dans les années 1880, il s'installe dans le Maine, sur la côte Est.

C'est là qu'il commença à peindre, avec vigueur et réalisme, de magnifiques marines, qui me touchent particulièrement. J'y trouve une force et une expression qui me fait penser à Turner, bien que leurs styles soient très différents.

Un critique d'art écrivit à propos de ses tableaux : " C'est comme si on invitait l'Océan dans son salon."

Il réussit, vers la fin de sa vie, à transcrire magnifiquement la paix et la sérénité de scènes observées sur la côte du Maine, d'admirables enfants insouciants croqués merveilleusement à l'aquarelle ou à l'huile.

A noter que cet été, du 5 Juin au 6 Septembre, le Portland Museum of Art, dans le Maine, présentera une grande exposition à l'occasion du centenaire de la mort de Winslow Homer.

J'irai traîner mes guêtres de promeneur aux USA en Mai-Juin, de l'Arizona à Chicago, mais n'aurai malheureusement pas le temps de faire le détour par Portland, vu les distances du continent américain.

samedi 6 mars 2010

La Togu-nà, ou "Case à Palabres", au Pays Dogon

La Togu-nà, ou "Case à Palabres", "Maison des Mots" a un rôle essentiel chez les Dogons du Mali.

D'ailleurs, lorsque les Dogons veulent s'installer sur un nouvel emplacement, ils commencent par construire une Togu-nà.

C'est le lieu où les anciens du village se retrouvent pour discuter des problèmes de la communauté.

Sa construction doit suivre les rites traditionnels dogons : une construction ouverte comportant 8 piliers (sculptés ou non) et 8 couches de chaume, correspondant aux 8 ancêtres primordiaux.
C'est aussi un lieu de justice coutumier : en cas de conflit, les parties concernées s'y réunissent jusqu'à trouver une solution.

Le toit de la Togu-nà est volontairement très bas. Il empêche ainsi que, emporté par la discussion, un Dogon ne s'échauffe et se lève brusquement : il ne pourrait que se fracasser le crâne!

C'est vraiment un endroit central dans un village ; tout y est discuté : commerce, conflits, etc,...
Des rites de passage peuvent y être opérés, des enseignements donnés.

On peut également y travailler : j'y ai vu des tisserants, bien installés au frais dans la Togu-nà de certains villages de la falaise de Bandiagara...avec vue imprenable.

Les 8 piliers de la Togu-nà sont souvent remarquables.
On y trouve entre autres des représentations sculptées en bas relief du corps féminin, qui s'y épanouit pleinement - bien que ce lieu soit interdit aux femmes . La représentation charnelle, qui est en général discrète dans la statuaire dogon est ici sublimée : formes rondes et démesurées des seins, des hanches, du bassin, qui affirment une présence corporelle envahissante.

Ces sculptures qui nous sont étrangères, lointaines dans le temps et dans l'espace, nous sont en même temps étonnament proches, sensation que j'avais déjà ressenti en visitant les Hogons.

mercredi 3 mars 2010

Au Pays Dogon : les "tables de divination" et le Renard Pâle

Au Mali, au Pays Dogon, on rencontre par endroits, en dehors des villages, de mystérieuses traces et petits tas dans le sable, au milieu de batonnets, de petits caillous, etc,...

Il s'agit de "tables de divination" dites "du Renard Pâle" ( en fait le chacal). Elles mesurent approximativement 2m de long sur 1m de large.

Elles sont aussi le symbole d'une vie dogon ritualisée à l'extrême.

J'ai pu en voir à Sangha (voir photos), sans pour autant avoir eu le temps d'interroger le devin, ce que je regrette : ça sera pour une autre fois...

Les questions des requérants sont transcrites sur le sable par le devin, avec ces signes particuliers, qui m'ont fort intrigué.

Il dispose ensuite des cacahuètes sur la "table de divination".

La nuit, le "Renard Pâle" vient manger les cacahuètes et les traces qu'il y laisse donnent ensuite lieu à interprétation, et la réponse à la question est ainsi fournie.
D'où viendrait ce rite?

Amma, l'Esprit fondateur, le Dieu unique, forma par sa parole un placenta, sorte de Mère primordiale dans lequel il plaça les germes de deux jumeaux androgynes ; le "mâle" de l'un d'eux sortit avant terme de l'oeuf et sema le désordre dans la Création.

Il vola à Amma les graines primordiales et la Parole, qui lui furent reprises par la suite.

A la recherche de sa soeur Yasigui restée dans l'oeuf primordial, il arracha un morceau de placenta qui devint la Terre. Il y pénétra en un acte incestueux qui répandit l'impureté dans la création.
Pour son châtiment, il fut changé en Renard (Le Renard Pâle, ou Yurugù) et fut privé de la Parole.

Il lui fut cependant attribué le pouvoir de prédire l'avenir.

Tout homme adulte peut devenir devin, en demandant à un initié de lui transmettre le savoir.

Les devins les plus appréciés sont les hauts dignitaires de la Société des Masques, les chasseurs et les guérisseurs.

A noter que les Hogons, tout en connaisssant les tables de divination, ne peuvent s'en approcher!