vendredi 2 octobre 2020

En Alsace : les sorcières du Bollenberg


La colline insolite du Bollenberg est située au sud de Rouffach, près de Colmar (En Alsace, dans le Haut-Rhin).

C'est la plus importante des cinq collines du Canton de Rouffach, protégées pour leur faune et leur flore.

Vue aérienne de Rouffach

Rouffach, au sud de Colmar

La colline du Bollenberg, non loin
de Soultzmatt, Westhalten et Orschwihr

Le Bollenberg est une colline insolite, de par sa situation et son exposition et qui culmine à 363m.

Elle est clairement détachée du Massif Vosgien et bénéficie d'un ensoleillement exceptionnel tout au long de la journée, avec ses trois versants en exposition sud, sud-est et sud-ouest, ce qui est très rare en Alsace.

Aucun sommet environnant ne vient interrompre les rayons du soleil, de son lever à son coucher.

Sa composition géologique est variée : une partie argilo-calcaire compacte, la crête, et une autre constituée de galets et de sables.

Le Bollenberg est constitué de landes à l'atmosphère étrange.



Mais sur ses pentes, la vigne se développe bien.


Le micro-climat de la colline du Bollenberg est de type méditerranéen, comparable à celui des calanques marseillaises.

De ce fait, on y trouve une flore exceptionnelle : orchidées, géraniums sanguins, tulipes sauvages et muscari.

Il s'y trouve également une faune spécifique : Huppe fasciée (oiseau papillon), et lézards verts.

La Huppe fasciée du Bollenberg

Le Lézard vert du Bollenberg

On trouve de ce fait sur cette colline de nombreuses plantes médicinales, une grande variété de fleurs et de baies, très prisées des herboristes, des guérisseurs, ... et des sorcières.

Et voilà, nous en arrivons à la légende du Bollenberg.

Donc, vers la fin du Moyen-Âge, les herboristes et les guérisseurs étaient nombreux à venir profiter de la flore exceptionnelle.

Souvent considérés comme des sorciers et des sorcières, ils ont contribué à ce que le Bollenberg soit désigné comme un lieu de réunions et de pratiques sabbatiques.

Satan et les sorcières

Les légendes sont nombreuses, évoquant les rencontres de nuit au Bollenberg avec le diable, et les débauches sataniques qui s'y déroulaient...


Les participants y étaient arrêtés, emprisonnés dans la tour des sorcières de Rouffach en attendant d'être jugés, ou pas, et brûlés.

La Tour des Sorcières à Rouffach

Les archives de l'époque font état d'un nombre impressionnant de condamnés, et, en l'an 1615, on ne compte pas moins de 62 procès pour sorcellerie à Rouffach.

L'année 1630 a vu se dérouler des scènes horribles au Bollenberg (tortures, mutilations perpétrées par les bourreaux).

Pour empêcher le rassemblement des sorcières sur la colline du Bollenberg, une chapelle fut érigée, dédiée à Sainte Appolonia.

La Chapelle est à l'est du village d'Orschwihr, sur un éperon rocheux calcaire, et visible de loin.




La construction de la chapelle actuelle, vers la fin du XIX° a permis de découvrir les vestiges d'une église primitive du VII° siècle, entourée d'un cimetière mérovingien.

C'est probablement de Belen, le dieu celte du feu, associé à la vie pastorale, que provient le nom de Bollenberg et nos ancêtres devaient y pratiquer le culte solaire.

Belen, ou Belenos, dieu celte du feu

Une forte tradition locale subsiste : dans la nuit du 14 au 15 Août, la Chapelle, appelée également "Chapelle des sorcières"("Haxa Kappal"; Hexe signifiant la sorcière), est illuminée par le célèbre "Haxafir"(Feu des Sorcières) et on y brûle le mannequin d'une sorcière sur un bûcher spectaculaire.


L'Haxafir au Bollenberg


Tous les ans se tient à Rouffach la "Fête de la Sorcière", grande manifestation qui permet aux visiteurs de se plonger dans une ambiance médiévale unique, étrange et mystérieuse (sauf cette année pour cause de Covid).



Pendant près de deux siècles, une chasse aux sorcières a embrasé la Vallée du Rhin.

Entre 1440 et 1660, près de 5000 personnes et principalement des femmes sont exécutées en Alsace.
Voir ici.

Un ouvrage sert de référence aux juges civils et religieux dans les procès en sorcellerie : le "Malleus Maleficarum", ou " Marteau des Sorcières" (C'est-à-dire "Marteau contre les sorcières") , écrit par le moine dominicain inquisiteur alsacien Henri Krämer (ici) et le Suisse Jakob Sprender , autre inquisiteur dominicain (ici) et imprimé à Strasbourg en 1487. Voir ici.


Ce livre sur la sorcellerie avait d'abord été commandé par le Pape Innocent VIII avant d'être finalement interdit par l'Eglise Catholique Romaine en 1490.

Mais cet ouvrage a néanmoins "justifié" le programme de répression de l'Eglise et les massacres qui s'ensuivirent.

La motivation principale de ces procès en sorcellerie est la peur de tout ce qu'on ne comprend pas, et on cherche un ou une responsable.

Les condamnations à mort des soi-disant sorcières était aussi un prétexte pour se débarrasser des femmes qui dérangeaient, d'une façon ou d'une autre.



A signaler un ouvrage particulièrement bien documenté de Jacques Roehrig sur le sujet : L'Holocauste des Sorcières d'Alsace.



1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Que de surprises dans ce remarquable article : micro climat, sorcières...
Amitiés deJC