Le film "Sirāt" d'Oliver Laxe, que j'ai vu hier avec grand intérêt et émotion est plus qu'un road-movie mystique dans le désert marocain.
Le titre "Sirāt" fait référence au pont mythologique, dans la tradition islamique, censé relier l'enfer au paradis, un passage dangereux et incertain.Les personnages du film (un père et son fils, des raveurs) sont à la dérive, et emportés dans une quête, ou plutôt un trip chaotique dans le désert du sud marocain, ou dans leur propre désert intérieur, en quête d'une disparition (une jeune fille et une sœur pour le père et son fils) et certainement en quête d'eux-mêmes.
Ce trip n'est pas un chemin clair vers la vérité : il est semé d'embûches terribles, tant matériellement qu'intérieurement, dans un contexte de guerre imminente.
Cette quête se déroule sur un pont précaire, le sirāt : l'équilibre est fragile, la frontière entre libération et destruction particulièrement mince.
Le sirāt devient symbole de la précarité de notre existence, de la difficulté à trouver un sens, un refuge ou un salut quelconque.
Le film dépasse rapidement le cadre du simple drame personnel du père et de son fils mais creuse l'absence, la perte, le deuil.
La traversée du désert, les dangers, le chaos qui s'installe nous plongent dans un monde en déliquescence, nous fait côtoyer des individus à la marge mais solidaires : l'horizon s'annonce lointain et incertain.
Le voyage est aussi intérieur : une exploration de nos peurs, de nos blessures et de notre humanité.
Ce qui est puissant dans ce beau film, c'est que nous sommes nous-mêmes, tout comme les personnages, confrontés à notre propre fragilité : l'absence, la mort, l'injustice, la dissolution des repères.
Le film montre aussi que l'humanité peut renaître dans l'adversité : les ravers, le père et le fils se retrouvent ensemble, traversant le désert, traversant l'épreuve, une communauté improbable, mais solidaire.
Ce film puissant est en fait plus intuitif que narratif, il touche le spectateur non seulement par l'histoire, mais par les sens : la musique, la lenteur, les splendides paysages où nous sommes immergés.
Sirāt est une invitation à ressentir, à questionner, à s'interroger sur la vie, la mort, le destin, la quête de sens et la solidarité.
Magnifique!










