mercredi 26 novembre 2025

Opéra : Une Walkyrie fascinante et décevante à l'Opéra de Paris-Bastille

 

La Walkyrie de Wagner, à laquelle j'ai assisté lundi 24 novembre 2025 à l'Opéra Bastille (5h avec 2 entractes!) était à la fois fascinante et très décevante.

 

Fascinante au niveau musical : la distribution vocale est en effet exceptionnelle.

Tamara Wilson, Christopher Maltman, Elza van den Heever, Stanislas de Barbeyrac et Günther Groissböck ont été particulièrement applaudis pour leurs performances. 

Brünnhilde est bouleversante, en sortant du registre héroïque pour assumer une humanité fragile.

Wotan abandonne la théâtralité habituelle pour se montrer tragiquement nu et désemparé.  

L'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Pablo Heras-Casado nous a offert une Walkyrie inspirée musicalement, toute en clarté, richesse et raffinement.

Pablo Heras-Casado
 

Pour tout dire, la qualité des interprètes et des musiciens sauve la production malgré les grandes réserves à émettre sur la mise en scène de Calixto Bieito.

Calixto Bieito
  

Décevante à plus d'un titre, à mon avis, cette mise en scène qui, volontairement, refuse le mythe! 

Elle se veut une approche sombre et provocante devant pousser à la réflexion sur les enjeux contemporains, d'accord, mais on tombe dans le lourd et l'incohérent.

Les décors apocalyptiques dépouillés visuellement, les masques à gaz, les bonbonnes d'oxygène laissent supposer que l'atmosphère est irrespirable en dehors de ce huis-clos.


L'absurde fait son apparition avec le chien robot E-doggy (largement hué), puis on tombe dans le ridicule lorsque Brünnhilde apparait avec entre les jambes une tête de cheval en jouet, et lorsque Wotan traîne son mal être en robe de chambre et pantoufles ...

 

Le traitement des Walkyries : elles ne sont plus des guerrières mythiques mais des femmes blessées, ce qui est original mais nuit complètement à l'élan dramatique. Plus de "chevauchée des Walkyries" si dramatique. 

 Le mythe se réduit donc, pour le metteur en scène, à la cellule familiale : Wagner à l'ère post apocalyptique.

 

Wotan n'est plus un dieu punissant mais un père incapable de regarder sa fille, qui s'oppose à sa volonté,  ni de gérer ses propres émotions. La scène où il explose face à Brünnhilde (et face à lui-même) devient une crise de panique psychologique, sans aucun geste héroïque.

Dans ce choix de mise en scène, la psychologie remplace le mythe et on bascule dans une lecture presque freudienne : mémoire familiale, traumatismes transgénérationnels, désir incestueux comme réaction à la violence du monde (Siegmund et Sieglinde). 

 

 En résumé, ce que Bieito raconte avec cette mise en scène, c'est la disparition du sacré : il ne reste plus que des êtres blessés, soumis à des règles sociales absurdes, englués dans un patriarcat qui détruit tout.

Cette Walkyrie frappe, irrite, et m'a déçu : elle veut nous mettre, mais par un parti-pris maladroit, en face de notre modernité désenchantée. 

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