687 prisonniers de guerre roumains, morts de faim, de privations et de tortures, en 1917 en Alsace, reposent dans un petit cimetière à la Gauchmatt, non loin de Soultzmatt, dans le Haut-Rhin, en Alsace.
Au début de la première guerre mondiale, les troupes allemandes ont déboisé une partie de la forêt à l'Ouest de Soultzmatt, pour construire des installations militaires.
Mes pérégrinations m'ont amené en ce lieu isolé, où j'ai été surpris de voir flotter le drapeau roumain à côté du drapeau français.
Au total, 2344 prisonniers de guerre roumains sont morts en Alsace et en Lorraine en 1917 et 1918.
De nombreux Alsaciens et Lorrains ont fait ce qu'ils ont pu pour aider ces malheureux jeunes roumains à survivre, ce qui ne les a pas empêché de connaître la faim, les privations et les tortures.
La Roumanie était à l'époque alliée de la France.
Le "Comité d'Alsace des tombes roumaines" fut chargé par le gouvernement roumain de réunir dans ce cimetière de la Gauchmatt les restes de prisonniers disséminés en 1919 dans 35 villes et communes d'Alsace.
Ce qui fut fait en 1920.
Tous ces prisonniers sont morts après d'indicibles souffrances.
Lors de nos randonnées en Alsace et sur les sentiers des montagnes vosgiennes, nous rencontrons très souvent des cimetières militaires français et allemands, témoins de la boucherie épouvantable de la "Grande Guerre".
Mais c'est la première fois que je pouvais visiter, il y a quelques jours, un cimetière abritant les restes de prisonniers de guerre roumains.
Ce camp, abritant 500 soldats allemands, était dénommé le "Kronprinzlager"et on peut se promener, non loin du cimetière roumain, sur un sentier qui porte ce nom.
Le front était en effet stabilisé à une dizaine de km à l'Ouest de Soultzmatt depuis les combats de juin 1915 à l'Hilsenfirst et ceux de juillet 1915 sur le Linge.
Au début de 1917, par un froid rigoureux, les habitants de Soultzmatt virent arriver des soldats roumains exténués et amaigris.
Escortés par des soldats du Landsturm, baïonette au canon, ils viennent à pied de Rouffach...
"Les gosses, parfois, jettent un croûton, une pomme de terre dans les ouvertures béantes des poches de capotes. L'ordre vient, inexorable, et les gosses sont chassés...
Alors ces croûtons, ces pommes de terre, les gosses les cachent dans les trous des murs. Les plus épuisés des roumains, ceux qui traînent derrière la colonne, comme pour se soutenir, tâtent les pierres disjointes et sondent les fissures.
L'un d'eux, que je verrai jusqu'au fond de l'éternité, ramène d'une cachette une pomme de terre crue, qu'il mort gloutonnement." (Benjamin Valotton, Les prisonniers roumains en Alsace, 1930)
Nous sommes frappés, en parcourant lentement ce cimetière, de lire sur les croix l'obsédante répétition des dates toujours les mêmes : janvier, février, mars, avril 1917 ; une seule et même rangée porte uniformément la date du 10 avril 1917...
La population alsacienne n'a pas été insensible au martyre des prisonniers de guerre roumains malgré des risques certains de représailles dans un village où étaient cantonnés des centaines de soldats allemands.
(Informations : Jean Nouzille, Le Calvaire des prisonniers de guerre roumains en Alsace-Lorraine 1917-1918, Bucarest, Editions Militaires, 1991)
Le 9 Avril 1924, le Roi Ferdinand et la Reine Marie de Roumanie sont les hôtes de l'Alsace et viennent se recueillir dans ce cimetière.
Une plaque, au pied de la grande croix du cimetière porte depuis lors l'inscription suivante :
"Soldats roumains, loin de votre patrie pour laquelle vous vous êtes sacrifiés, reposez en paix, auréolés de gloire, dans cette terre qui ne vous est pas étrangère; Marie, Reine de Roumanie."
1 commentaire:
J'ignorais complètement cet évènement douloureux de la "Grande Guerre"...
Un article trés émouvant, éprouvant même, et comme toujours parfaitement documenté.
Merci !
Amitiés
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