mardi 20 novembre 2012

Photographie : Paul Graham, entre désœuvrement et frénésie


En ce moment se tient - et encore jusqu'au 9 décembre - dans la salle du BAL, à Paris (6, Impasse de la Défense XVIII° arrt, près de la place de Clichy) une exposition photographique intéressante à divers titres.

Je suis sorti étrangement "dérangé" de cette exposition, comme très souvent lorsque je sors des salles du BAL.

Il s'agit, à l'occasion de la clôture d' "Une saison britannique", de présenter le travail de Paul Graham (né en 1956), figure majeure de la scène photographique contemporaine, quelques mois après deux rétrospectives importantes à Londres et à Essen.

Paul Graham lors de l'inauguration de l'exposition de ses oeuvres
au Deichtorhallen Museum de Hamburg en 2010

Nous sommes sans aucun doute dans une période où les impératifs technico-économiques dominent et où les idéaux et les destins personnels sont ébranlés par le doute et les risques de repli sur soi.

Dans ce contexte, Paul Graham nous offre, lors de cette belle - et dure - exposition, deux visions de deux communautés.

Une première vision d'une communauté éclatée, désoeuvrée, déstabilisée au plus profond ; celle de "Beyond Caring" (1984-1985). 
Il s'agit là d'un reportage, en quelque sorte, ou plutôt d'une enquête sociale, d'un "memento" de ce qui est vu, de ce qui se passe, tout comme l'avait fait Chris Killip (Voir ma note à ce sujet ici), ou Walker Evans (Voir ma note ici).

Beyond Caring

Un critique a dit, d'ailleurs, à propos de Walker Evans :
"La photographie, pour lui, n'était ni un document, ni de l'art, mais une sorte de roman, un moyen de créer de la littérature en image, les faits étant la matière première d'une fiction qui révélait les vérités."

Beyond Caring

Ceci peut s'appliquer tout à fait au travail effectué par Paul Graham autour du chômage sous l'ère tchatchérienne. 
La politique monétariste de l'époque crée un afflux massif de laissés pour compte - Paul Graham est l'un d'eux - qui dépendent des allocations pour vivre.

Beyond Caring

Pendant 2 ans, il arpente les antennes locales d'aide sociale (Social Security and Unemployment offices) où, n'étant pas autorisé à photographier, il déclenche sans viser, l'appareil posé par terre où à côté de lui...
Ses photos traduisent la dislocation du temps et de l'espace vécue par les usagers, ainsi que la solitude et l'enfermement...

L'autre vision, celle affairée,  aléatoire et presque poétique de "The Present" (2011).
Ce travail est le dernier volet d'une trilogie américaine : "American night" (1998-2002) et "A shimmer of possibility" (2004-2006).

The Present

Il s'agit là d'un hommage à la photographie de rue.
"The Present" témoigne de la frénésie de la rue new-yorkaise, son flux hétéroclite et cacophonique de personnages, d'enseignes, de signes, de gestes.

The Present

Dans ce défilement ininterrompu, Paul Graham prélève deux temps, deux images que sépare un très court instant : une scène, et son double s'offrent ainsi au spectateur en une sorte de dyptique étonnant.
Qu'est-ce qui se joue "entre" ces deux images, quel est ce "présent" qui entre en scène?

The Present

Paul Graham capture l'extraordinaire de l'ordinaire en un hommage surprenant à New York, sa ville d'adoption depuis 2002.

"Une photo qui a pour but de capturer l'essence d'un moment, d'un personnage ou d'une situation souvent échoue alors qu'une photo qui ne se veut rien de plus qu'un memento peut étrangement y parvenir.
Faire ce constat avec lucidité et sans préjugé permet d'aller plus loin puisque rien ne s'établit de soi-même par la technique, les principes photographiques ou même la sincérité de l'intention du photographe." Paul Graham

1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Des photos qui "parlent"...
J'aime beaucoup.