C'est à pied, avec leurs mulets et leurs charrettes que les marchands de fruits et légumes, les charretiers, suivaient la "Route du Sel", chaque semaine, entre Tende (Haute Roya, en France) et Cuneo (Coni, au Piémont italien) et entre Tende et Vintimille (Ligurie).
"J'avais quatorze ans en 1924.
Je partais le lundi matin de Tende.
J'allais faire le marché à Cuneo avec une charrette. Le mardi matin on faisait le marché et on retournait à Tende.
Le mercredi matin, on repartait pour faire Vintimille.Tende-Cuneo, on mettait 10h.
Cuneo-Tende, 11h.
Tende-Vintimille, 9h.
A Vintimille, on partait à 2h du matin pour faire la douane à 8h.
On mettait 4h.
Toute la semaine, on dormait dans les écuries, avec mon pauvre père.
Quand on partait de Tende, la première étape, c'était Limone.
Les mulets le savaient.Le mulet se mettait à droite et rentrait, pas dans la bistrot, en face du bistrot, lui s'arrêtait toujours.
La seconde étape, c'était Robilante.
On buvait quelque chose.
Puis on arrivait à Cuneo.
Et les mulets s'arrétaient toujours là où on avait l'habitude de s'arrêter.
Il n'y avait rien à faire.
Là, on se trouvait avec des équipes.
Tout le monde avait des mulets, tout le monde avait des charrettes.
Alors, quand on arrivait le premier, par exemple, si le mulet était mouillé, on prenait de la paille, on essuyait le mulet.
Pas nous.
Les mulets avant, hein!
Les mulets, c'était la vie!
On mangeait toujours en route.
Un morceau de pain et du fromage.
Autrement, il y avait des petits restaurants pour les charretiers qui passaient.
On mangeait une assiette de soupe, et un morceau de pain et de fromage.
C'était le menu fatal.
Il n'y avait pas d'histoire.
C'était comme ça.
Rien d'autre.
Et toujours on dormait dans les écuries. A Vintimille, il y avait une femme qui s'appelait la veuve Balera, via Tenda. On descendait un peu en bas avec les charrettes.
Il y avait là, des fois, dix, quinze, vingt charrettes.
Alors les charretiers et les commerçants qui voyageaient avec les mulets avaient l'habitude de boire.
Et des fois, ils arrivaient à miluit, 1h du matin, y compris mon pauvre père, ils étaient bien soûls.
Alors moi, je me levais, je mettais sur la paille mon père et les autres.
Et je commençais à donner à manger aux mulets.
Pour repartir à 2h du matin.
Elle était dure, cette vie, mais très valable.
On s'aimait bien!
Il y avait un dialogue avec tout le monde.
Entre Cuneo et Nice, on connaissait tous les petits bistrots, les petits restaurants, les commerçants et les charretiers.
Quand on se rencontrait, on se saluait.
Maintenant, la vie a trop changé...."
Propos de M. Albert Giubergia, de Tende, recueillis en septembre 1979 par José Cucurullo.
"Parole d'un pays", Editions Serre, Nice, 1983)
3 commentaires:
Bonjour Roméo,
Très belle évocaton du passé dans cette région que nous connaissons bien. Es-tu à Tende pour fin avril encore ?
Giubergia Albert, mieux connu comme Giulio, etait mon oncle, plusieurs fois il me racontait ses voyages avec la charette,le mulet et mon grand père, Baldo Basilio, qui dormait sur la charette, fatiguè après le voyage. Le mulet connaissait la maison et quand il arrivait il tapait a la porte avec son sabot, alors ma grand mère, Carolina, allait rentrer le mulets et mettre au lit mon gran père et mon "zio Giulio"...
Giorgio Tribbioli.
Giulio etait mon oncle, il me racontait souvent ses aventures de ce voyage, avec mon grand père Baldo Basilio, qui souvent dormait sur la charette, heuresement que le mulet connaisait la route et la maison, et avec son sabot tapait sur la porte, et ma grand mère Carolina allait mettre au lit mon grand père et mon oncle! évocation merveilleuse.
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