Jay Hunter Morris débuta au Met en 2007 dans Jenufa de Janacek.
Il interprêta pour la première fois le rôle de Siegfried à l'Opéra de San Francisco l'été dernier.
Il a à son actif le rôle de Walther dans " les Maîtres Chanteurs de Nüremberg", d'Erik, dans " le Hollandais volant", et il chantera l'an prochain Tristan, dans "Tristan et Isolde".Le rôle de Siegfried est particulièrement exigeant et éprouvant dans la mesure où Siegfried est totalement présent du début à la fin de cet opéra en 3 actes de 5h 15 (avec 2 entractes).
Samedi soir, Jay Hunter Morris a interprété un Siegfried jeune, un peu naïf, comme l'exige le rôle, mais impatient, impulsif, impétueux, plein de vie et prêt à tout pour se lancer à la découverte de l'amour.
Une voix de ténor magnifique, une grande présence théatrale, et, à la hauteur du jeune héros qu'il incarne, une énergie qui ne faiblit pas, du début à la fin de cette longue épopée : Bravo!
Siegfried est prêt à tout, puisqu'il ne connait pas la peur : prêt à se lancer à l'assaut de l'énorme dragon en lequel s'est transformé le géant Fafner, gardien de l'Or du Rhin.
Mais auparavant, prêt à en prendre les moyens : à se forger une nouvelle épée avec les débris de la magique Nothung (confiée par Wotan à son père Siegmund), prêt à tuer le gnome Mime, astucieux et fourbe, qui cherchait à l'empoisonner.
Siegfried n'est pas tout à fait un être libre de tout déterminisme, car issu de l'union incestueuse de Siegmund et de Sieglinde, mais, guidé par l'oiseau de la forêt, il partira avec la fougue de la jeunesse, à la recherche de la "vierge qui dort", qui n'est autre que la Walkyrie Brünnhilde, endormie dans son cercle de feu.
En chemin, il se heurtera violemment à Wotan (déguisé en homme : der Wanderer) ; il fera voler en éclats la lance du dieu, symbole de son pouvoir.
Plus rien ne l'arrêtera désormais : il part à la conquête de Brünnhilde, qu'il éveille à la vie, qu'il éveille à elle même.
Il sera d'avantage surpris, et stoppé dans son élan amoureux par les hésitations de la demi déesse devenue simple mortelle que par tous les obstacles qui s'étaient dressés auparavant sur sa route.
Décontenancé, Siegfried découvre une femme qui se découvre elle-même en rencontrant un amour aussi absolu et juvénile.
Siegfried aussi nait à lui même, et nous avons à la fin de l'Acte III un duo absolument magnifique, où les chants d'Amour et de Mort se mèlent et se répondent.
L'Or maudit des Nibelungen est loin...pour le moment, car on ne peut avoir à la fois l'Or et l'Amour!
J'ai retrouvé avec grand plaisir Bryn Terfel (baryton-basse), impressionnant dans le rôle d'un Wotan/Der Wanderer partagé entre les lois qu'il édicte et auxquelles il déroge, et ses sentiments et ses pulsions.
Deborah Voigt (soprano), toujours magnifique dans le rôle de Brünnhilde, qui lui va comme un gant : elle interprête à merveille la demi déesse qui se découvre simple mortelle.
(Voir mes notes sur l' Or du Rhin au Met ici, et sur la Walkyrie ici. )
Siegfried est le héros wagnérien par excellence, à l'écoute de la nature, des superbes murmures de la forêt, de l'oiseau magique. Mais c'est aussi le maître des forges et du feu des passions.
La mise en scène inventive et fabuleuse de Robert Lepage et la direction musicale précise de Fabio Luisi ont fait de cette soirée un moment mémorable!
Ecoutez la voix profonde et chaude de Siegfried/Jay Hunter Morris dans la caverne de Mime, en train de forger l'épée magique Nothung :
2 commentaires:
Dommage : un empêchement nous a privé de cet exploit (alea des abonnements)!
Cela m'aurait consolé de ma déception de Don Giovanni.
Cordialement.
En effet, j'ai moi aussi été déçu par Don Giovanni, et je n'ai pas souhaité en écrire une note!
Cordialement!
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