vendredi 24 novembre 2017

Beverly Barkat : "Evocative Surfaces" à la Biennale de Venise


Lors de notre récent séjour à Venise, et comme je le mentionnais dans ma dernière note, nous avons visité la Biennale.

En dehors des lieux d'exposition principaux (Giardini et Arsenal), nous avons apprécié notre passage au Museo di Palazzo Grimani.

La façade du Palais à Santa Maria Formosa
sur le rio San Severo
Le Palazzo Grimani est situé Ramo Grimani, dans le quartier du Castello, à deux pas de la Place Santa Maria Formosa. Voir ici.

Entrée du Palais
Tout d'abord, ce Palais nous a permis de découvrir un très bel ensemble de salles (où il n'y a plus de mobilier) encore ornées de décors du XVI°, en particulier de fresques extraordinaires.

Salle de Ganymède

Ce Palais du Doge Antonio Grimani, peu connu, car à l'écart des rues fréquentées, mérite d'être découvert. 
Il était destiné à accueillir les oeuvres d'art de la famille.

Il nous a permis une paisible visite, loin de la foule et des marées humaines...

Voir ici pour une petite visite, qui donne un bel aperçu de la richesse de ce Palais.

Mais revenons à l'exposition "en solo" qui se tenait dans plusieurs salles du second étage du Palais, consacrée au travail mené au cours des dix dernières années par l'artiste Beverly Barkat, née à Johannesburg, dans son atelier de Jérusalem.

Beverly Barkat

Cette exposition était intitulée "Evocative Surfaces".
Voir ici la biographie de l'artiste et son travail richement coloré.

Les larges peintures aux couleurs magnifiques, suspendues aux plafonds, ainsi que les oeuvres grand format en noir en blanc s'intègrent magnifiquement à l'atmosphère et à la décoration des salles.




Nous avons fort apprécié ses oeuvres noir et blanc grand format :








Une belle découverte, loin de la foule, et qui a surpassé pour nous les expositions de la Biennale aux Giardini (excepté l'exposition de Dirk Braeckman au Pavillon de la Belgique : voir ma note ici)


vendredi 17 novembre 2017

Dirk Braeckman, un alchimiste du clair-obscur à La Biennale de Venise


Dirk Braeckman est un photographe belge né à Eeklo en 1958, qui vit et travaille à Gand.

Dirk Braeckman

Nous avons eu le plaisir d'admirer ses clairs-obscurs à la 57° Biennale de Venise, dans les Giardini,  au Pavillon Belge, il y a 15 jours.


Cet excellent artiste a été choisi par la communauté flamande et représentait la Belgique à Venise.

De plus, ce Pavillon Belge, a offert aux visiteurs un moment de calme et de temps suspendu dans l'agitation de la Biennale, et une main tendue à notre sensibilité.

Dans ce beau pavillon Art Déco construit en 1907, tout est pur, blanc, et un éclairage zénithal bien choisi nous permet de nous attarder devant les photographies de Braeckman.


Nous pouvons, tout à loisir laisser surgir, au milieu des ombres qui habitent des espaces clos, des mondes possibles : des tapis persans, des rideaux, des parties de corps, des traces d'un monde enfoui et enfui.




L'artiste utilise la photo comme un outil et la chambre noire comme un laboratoire.
Ses images empruntent leur esthétique au monochrome : elles révèlent des noirs profonds et des gris intenses.


Dans toutes ses images, remplies d'obscurité, l'oeil finit par distinguer des espaces, des choses, des corps, comme des présences fantomatiques.


L'image voilée du réel fait apparaitre, comme derrière un rideau que l'on soulèverait avec prudence, un lieu, ou plutôt un non-lieu, banal et familier, étrange, mystérieux comme le réel, si on veut bien y porter son attention.


Ses photos grand format sont des révélateurs du réel : nous sommes avec l'artiste dans la chambre noire, pour assister à l'émergence magique des traces de lumière.


Si "photographier", c'est, au sens littéral, "écrire avec la lumière", nous sommes fascinés devant son travail par l'émergence d'une "écriture" à propos de ce que nous voyons et de ce que nous sommes.


Ces oeuvres me rappellent le travail, en gravure sur cuivre, appelé "manière noire", tout aussi fascinant.


Dirk Braeckman est un véritable alchimiste du clair-obscur.




Ses images ne racontent rien, ne renvoient à rien, mais nous ouvrent à tous les imaginaires, nous placent face à nous mêmes

Je dois dire que c'est la seule exposition des Giardini qui ait vraiment retenu notre attention, les oeuvres exposées dans les autres pavillons nous ayant franchement déçu...
...mis à part le Pavillon du Japon :

Au Pavillon du Japon

Par contre les nombreuses oeuvres exposées dans les immenses bâtiments de l'Arsenal de Venise méritaient à mon sens une longue visite, par exemple :

Ernesto Neto
Sheila Hicks

Claudia Fontes
Sans oublier les oeuvres exposées à l'extérieur, sur le Grand Canal par exemple :


Je mentionne en outre une exposition un peu excentrée par rapport aux deux lieux cités, mais toujours dans le cadre de la Biennale : "Evocative Surfaces" de Beverly Barkat, au Museo di Palazzo Grimani, exposition qui nous a beaucoup plu.
J'y reviendrai dans une prochaine note.

vendredi 6 octobre 2017

A la rencontre de l'astronome de Louis XIV, G. D. Cassini à Perinaldo, en Ligurie


En juillet dernier, nous avons prolongé notre visite à Dolceaqua, en Ligurie (Voir ma note précédente) et avons continué à explorer les Alpes Ligures.

Les Alpes Ligures
Nous sommes montés tout d'abord à Apricale, joli petit village médiéval perché sur son promontoire, au dessus de la vallée du Merdanzo, affluant de la Nervia, au pied du Mont Bignone (1299m).

Apricale n'est qu'à 14km de Vintimille et du littoral et nous sommes là dans un tout autre paysage et une autre culture.


Apricale

Apricale, où nous avons déjeuné dans une charmante auberge, est classé parmi "Les plus beaux villages italiens".

Ce village, fondé au X° siècle par les Comtes de Vintimille,  passe en 1276 dans l'escarcelle des Doria, seigneurs de Dolceaqua.
En 1576, les Grimaldi de Monaco détruisent le château construit par les Doria.

Le centre historique d'Apricale

Apricale est annexé à la France en 1793 et rattaché au Canton de Perinaldo, qui est alors englobé dans les Alpes Maritimes.

A la chute du Premier Empire, la commune, tout comme Perinaldo, revient au Royaume de Piémont Sardaigne (1815), puis au Royaume d'Italie en 1861... une histoire toute simple!

Nous continuons à grimper par une petite route sinueuse vers Perinaldo, un gros village bâti sur une crête, entre 559 et 596 m d'altitude, qui peut être considéré comme un village du bassin de la Nervia.
Il fut également fondé vers l'an mille par les Comtes de Vintimille.

Perinaldo
Perinaldo, bien désert lors de notre visite...


De Perinaldo, nous dominons le beau village d'Apricale :

Apricale vu de Perinaldo
Et voilà où je voulais en venir : Perinaldo est le village natal de Giovanni Domenico Cassini, dit Cassini I° (8 juin 1625, mort le 14 sept 1712 à Paris).  


La Famille Cassini est remarquable en ce sens qu'elle compte une lignée père-fils de quatre astronomes et cartographes renommés, numérotés de I à IV par les généalogistes.

Arbre généalogique des Cassini

Attiré en France par Colbert en 1669, cet astronome et ingénieur italien  est reçu membre de l'Académie des Sciences fondée deux ans plus tôt.
Il est naturalisé français en 1673.

A la demande de Louis XIV, il dirige l'Observatoire de Paris à partir de 1671.

La salle Cassini, dans le bâtiment Perrault
de l'Observatoire de Paris

Les travaux scientifiques de Giovanni Domenico Cassini sont remarquables :

* Cassini est chargé de construire une méridienne dans la Basilique San Petronio de Bologne : elle sera achevée en 1657

* Cassini participe à la découverte de la variation d'intensité de la pesanteur en fonction de la latitude, au cours d'un voyage à Cayenne.

* Il découvre la grande tache rouge de Jupiter en 1665 et détermine la même année la vitesse de rotation de Jupiter, Mars et Vénus.

* Il découvre 4 satellites de Saturne : Japet en 1671, Rhéa en 1672, Téthys et Dioné en 1684

* Il découvre la "Division de Cassini" des anneaux de Saturne en 1675.

La Division de Cassini est la zone
d'ombre située entre les deux anneaux principaux
de Saturne

* En 1673, il fait la première mesure précise de la distance de la Terre au Soleil.

* En 1683 il détermine la parallaxe du Soleil.

*Vers 1690, il est le premier à observer la rotation différentielle dans l'atmosphère de Jupiter.

* En 1693, il énonce les "Lois de Cassini".

Dans une ruelle couverte de Perinaldo, une série de tableaux rend hommage à l'enfant du pays.

G D Cassini devant l'Observatoire de Paris
G D Cassini et Christine de Suède

La vocation naissante du futur astronome

Un parcours repéré par des plaques gravées dans le sol des rues du village permet en outre d'avoir une idée des distances relatives des planètes dans le système solaire.

Vénus
Mars

Une bien belle journée, et quel génie, ce G D Cassini !!

A noter qu'il y a quelques jours, le 15 sept 2017, la sonde spatiale Cassini, nommée en l'honneur de G D Cassini, vient de terminer sa mission, en plongeant dans l'atmosphère de Saturne.

La Sonde Cassini-Huygens, lancée dans l'espace en 1997 par la NASA avait démarré cette mission dans le système saturnien en 2004.

Vue d'artiste de la sonde Cassini en train
de plonger vers Saturne

Voir tous les détails ici sur Cassini et sur Cassini-Huygens.


vendredi 29 septembre 2017

Claude Monet à Dolceacqua, en Ligurie


Dolceacqua est une petite ville dans la province d'Imperia, en Ligurie, à quelques dizaines de km de la France et de Monaco...



.. et au milieu de Dolceacqua coule une rivière : la Nervia.

Ce charmant bourg médiéval, où nous nous sommes rendus en juillet dernier, est célèbre à plus d'un titre : en fait pour au moins trois bonnes raisons.

Tout d'abord, Dolceacqua est au centre du vignoble Rossese (ici), qui produit un délicieux vin rouge sec : déjà, le Pape Paul III appréciait la qualité de ce vin dans les années 1540, c'est tout dire!

Paul III d'après Le Titien en 1546
Les vignobles s'étagent depuis le fond de la vallée de la Nervia, à 400m, jusqu'à 600m : on y trouve le Rossese di Dolceacqua et le Rossese di Dolceacqua superiore , qui répond bien entendu à un cahier des charges plus exigeant.


Ce vin est peu diffusé en dehors de sa région d'origine, et chaque fois que nous passons par là, nous ne manquons pas de faire quelques provisions!

Second point d'intérêt à Dolceacqua : le Château des Doria, qui domine le bourg.

Un peu d'histoire : le premier document qui cite Dolceacqua remonte au XII° siècle, époque où les Comtes de Vintimille firent construire la première partie du château qui domine stratégiquement le premier étranglement de la vallée de la Nervia.

Ce château fut acheté en 1270 par l'amiral génois Oberto Doria, et il fut ensuite agrandi par ses successeurs.

Oberto Doria


Le Chateau Doria

A la Renaissance, le château devint une grandiose résidence, fortifiée par d'imposants appareils de défense.

Mais le 27 juillet 1744, lors de la Guerre de Succession d'Autriche, il ne put résister aux artilleries franco-espagnoles, qui le détruisirent partiellement, et en 1887, un fort tremblement de terre finit d'outrager ce bel édifice.

Actuellement, propriété de la commune, ce bâtiment attend d'être restauré et sera destiné à des manifestations culturelles.

Enfin, last but not least, le bourg de Dolceacqua s'enorgueillit de posséder un élégant pont en dos d'âne du XIII° siècle absolument extraordinaire qui enjambe la Nervia dans un élan magnifique, avec une portée de 32m et avec une grâce qui ne laisse aucun visiteur indifférent.

Le pont sur la Nervia


Ce pont relie les deux quartiers de La Terra, au pied du château, et de Borgo.

La vue du pont, du château Doria  et des vieilles maisons de La Terra représente une des plus pittoresques et célèbres vues de l'arrière pays de la Ligurie.

Lors de son séjour à Bordighera, début 1884, Claude Monet découvre la Vallée de la Nervia et Dolceacqua, grâce à l'invitation de confrères anglais : 

"Il y a là un pont qui est un bijou de légèreté!"

Claude Monet

Il y revient seul le 18 février, pour peindre, alors qu'un vent violent souffle sur la côte.

‘Le soleil est revenu superbe, mais avec un vent terrible, épouvantable, une tempête avec du soleil, la mer est inimaginable. 

J’ai voulu tout de même essayer, mais parasol, toiles, tout a été emporté et le chevalet cassé, il m’a fallu battre en retraite, furieux. 

Je me suis donc rappelé qu’à Dolceacqua où je suis allé dimanche, on ne sentait pas le vent, abrité par les montagnes, j’ai pris une voiture et j’y ai très bien travaillé deux motifs merveilleux. Le pont est adorable et, là, j’étais au calme et au chaud comme au mois d’août.


J’irai donc là tant que ce vent durera, de cette façon je ne perds pas mon temps et ne me tourmente pas. Dès que je m’arrête de travailler, j’ai toujours peur de n’arriver à rien, je m’effraie, peut-être à tort.’

Monet est saisi par la silhouette aérienne du pont en dos d'âne, qui contraste avec la silhouette massive du château en arrière plan.

Il fera quatre toiles de Dolceacqua.

Tableau peint par Claude Monet en 1884
de la rive droite de la Nervia
(Musée Marmottan à Paris)
Tableau peint de la rive gauche
de la Nervia


A Dolceacqua